La peinture aborigène contemporaine

Voir la naissance de l’art aborigène.


Thomas Tjapaltjarri
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Warlim Tjapaltjarri
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Walala Tjapaltjarri
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Ces trois artistes, que j’ai connu, n’ont rencontré l’homme blanc qu’en 1984. A l’époque, Thomas Tjapaltjarri avait 16 ans, Walala 14 ans et Warlim 20 ans. Ils sont donc passés directement de la préhistoire au 20e siècle. Ils ont une connaissance de la nature extraordinaire, car ils ont vécu avec elle intimement durant de nombreuses années.
Voir également :
Walala au travail.

Que nous inspirent ces peintures ? Impression de cellules côte à côte qui sont en train de se diviser et qui flottent dans l’espace de la toile. L’alignement est-il fait au hasard où est-il préparé ? C’est ce qu’on appelle des Tingari. Les « Tingari » étaient un groupe d’êtres ancestraux qui ont émergé de la terre et ont mené des activités qui ont conduit à la formation du paysage et à la naissance de ses habitants. Ils ont expliqué aux hommes comment organiser les cérémonies, surtout des cérémonies d’initiation.

L’initiation se fait uniquement chez les garçons à la puberté. Ils partent dans le bush durant plusieurs mois avec leurs maîtres pour pratiquer toutes les pistes du rêve et apprendre à survivre dans le désert. Ils sont formés sur la résistance à la douleur, la résistance à la faim et à la soif et la résistance à la peur. Ces rites sont toujours pratiqués actuellement dans les communautés les plus reculées.
On m’a proposé de m’initier mais j’ai refusé car ceci implique une aboriginalité qui est sans limite ils partagent tout. Les rares blancs qui ont été initiés ne donnent leur adresse à personne car ils sont constamment sollicités

Didier Barbe dit : “La peinture rend l’étrange signifiant, l’exotique familier, elle ouvre sur un monde surnaturel qu’elle ne rend que très imparfaitement ; elle est porte ouverte sur un voyage qui ignore toutes les contraintes habituelles du voyageur; elle est promesse d’une ascension qui mène au ciel dans la lumière constellée d’or et de poussière qui crève la toile

Les rectangles peints par l’artiste servent aussi bien à créer des liens avec ses semblables qu’avec des puissances surnaturelles divines et avec la nature, les plantes et les animaux. C’est aussi un moyen de se défendre contre les maladies, les sortilèges et les démons.

L’état sinueux du graphique peut aussi révéler un état de rêve trans-chamanique. Ils n’utilisent pas de psychotropes, c’est juste la puissance de l’Esprit.

Voilà les trois peintures ensemble.


Voilà les trois peintures ensemble
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Quelques peintures du Sud vers Uluru


Katanary Tjilya – 100 x 100 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir également :
Judy Watson Napangardi 147 x 100 cm
Jennifer Ingkatji 122 x 100 cm
Marlene Young Nungarrayi 97 x 69 cm
Debra Nangala Goanna in love 122 x 94 cm
Pourquoi est-ce si contemporain alors que cela vient de si loin dans le temps ?


Michael Nelson Ngapa Traces d’un kangurou 90 x 76 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Ce sont les traces d’un kangourou qui est assis sur sa queue


Michael Tommy Japangardi 200 x 69 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Ici ce sont des ancêtres.


Morris Gibson Tjapaltjarri Snake dreaming at Karrilwarra 88 x 60 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Ces peintures ont été utilisées comme preuve de la connexion continue des peuples aborigènes à leurs terres ancestrales et ont contribué à la reconnaissance légale de leurs droits fonciers.

Les Australiens ont créé des Arts Center, des coopératives financées par l’État qui achète les peintures et les supports et où les Aborigènes viennent peindre. Je me suis occupé de ce genre de centre pendant des années, ils servent de lieux de création artistique, de promotion culturelle et de développement économique pour les artistes autochtones. (Les artistes sont à 80 % des femmes).


Travail au centre d’art
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Les Art Centers jouent un rôle crucial dans le soutien et la promotion des artistes aborigènes en leur offrant un espace, des ressources et des opportunités pour créer et exposer leur art. Les Aborigènes récupèrent au moins 50 % des ventes dans les centres artistiques. Voir Papunya art center.


Travail au centre d’art
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Le marché de l’art aborigène a connu une forte croissance ces dernières années et des faux apparaissent aujourd’hui sur le marché.


Les techniques dans l’art aborigène d’Australie

Relation entre les arts contemporains et les arts premiers

Effectivement, de nombreux artistes contemporains, tels que les cubistes avec Picasso, ainsi que des surréalistes comme Dali et Max Ernst, ont trouvé une grande inspiration dans l’art primitif provenant de diverses cultures, notamment africaine, océanienne et japonaise. Leurs explorations artistiques ont été influencées par les pratiques chamaniques et les expressions artistiques de ces populations.


Picasso, un siècle de peinture : les influences, le primitivisme, Gauguin

Cette fascination pour les arts primitifs et les pratiques chamaniques peuvent être interprétés de plusieurs manières. Pour certains artistes, cela représentait une recherche de nouveauté et d’authenticité dans un contexte où les conventions artistiques et académiques semblaient trop rigides et restrictives. En s’inspirant de formes d’art plus anciennes et souvent moins influencées par les conventions occidentales, ces artistes ont cherché à élargir les horizons de l’expression artistique et à explorer de nouvelles voies esthétiques.

En s’inspirant de l’art primitif, ces artistes modernes ont cherché à élargir les frontières de l’expression artistique, à remettre en question les conventions traditionnelles de la représentation et à explorer de nouveaux territoires esthétiques et conceptuels. Cette influence a contribué à transformer radicalement le paysage artistique du XXe siècle et a ouvert la voie à de nouvelles formes d’expression artistique et de pensée créative.

Cette démarche rappelle en effet le mouvement de la Renaissance, où les artistes ont également cherché à rompre avec les conventions artistiques médiévales en se tournant vers les valeurs et les techniques de l’Antiquité gréco-romaine. De la même manière, les artistes modernes ont cherché à puiser dans des sources d’inspiration différentes pour revitaliser et renouveler l’art contemporain, créant ainsi des mouvements artistiques novateurs et influents tels que le cubisme et le surréalisme.

La question de savoir si la réalité perçue est la réalité est un débat philosophique complexe qui a fasciné les penseurs à travers les âges. Les peintures de la grotte Chauvet sont souvent citées comme des exemples préhistoriques d’expression artistique, ce qui suggère que l’art a été utilisé comme un moyen de représentation de la réalité depuis les débuts de l’humanité. Les artistes modernes, à un certain moment, se sont tournés vers les arts primitifs dans leur quête d’une nouvelle perspective sur la réalité, cherchant à échapper aux conventions de l’académisme dominant.

Le dualisme entre la matière et l’esprit, le sujet et l’objet, ainsi que le divin et l’humain, a longtemps influencé la façon dont les humains comprennent la réalité. Cette division entre différentes entités ou concepts a souvent été utilisée pour tenter de saisir la complexité du monde qui nous entoure. Dans l’art aborigène on a davantage de chance de communiquer avec la nature et avec le divin, et on est connecté avec toutes les composantes de l’univers.

L’art aborigène est souvent utilisé comme un moyen de communiquer avec la nature et le divin, ainsi que de transmettre des connaissances culturelles et spirituelles entre les générations.

Voir le point de vue de Philippe Dagen (critique d’art au journal Le Monde)

Analyse d’une toile, ‘Yilpinji’ ou Magic Love Song

Il s’appelle Michael Tommy Japangardi, c’est mon beau père classificatoire, il m’a beaucoup appris, et il m’a fait cette peinture.


Michael Tommy Japangardi, ‘Yilpinji’ ou Magic Love Song
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Il m’a également conduit derrière cette petite formation rocheuse où se trouvent des grottes et des peintures.

Pour réaliser une cérémonie il faut deux groupes, deux catégories particulières :
– Ceux qui ont hérité du rêve par leur père et qui sont les “propriétaires du rêve “
– Et ceux qui en ont hérité par leur mère et qui sont les gardiens du rêve.

Les aborigènes avaient une vie assez courte donc les jeunes filles se mariaient dès qu’elles étaient pubères (à 12, 13, 14 ans). Les mères promettaient leurs jeunes filles (souvent des bébés) à des hommes qui étaient initiés, donc plus âgés. Mais la mère et le jeune initié avaient à peu près le même âge. Pour cette raison la communication entre les deux est interdite.

L’un est l’exécutant, l’autre le propriétaire qui doit veiller à ce que tout se passe suivant les règles.
L’histoire est celle d’un vieil homme puissant très haut placé dans la hiérarchie et qui a la connaissance des chansons d’amour magiques. Ce vieil homme s’appelle Jungarrayi et il devrait épouser une Nangala, mais il tombe sous le charme d’une jeune fille qui est une Napangardi, c’est a dire une potentielle belle-mère et de surcroit assez jeune. Un important tabou car toute communication avec les belles-mères est proscrite.

Ce Jungarrayi puissant est venu du sud, on voit les traces de pas. Il arrive à cet endroit, à cette grotte. Il connaît très bien les chansons magiques. Il commence à chanter en tenant un écheveau de cheveux et il arrive à faire venir cette jeune fille (sa belle mère) qui est à plusieurs centaines de kilomètres, et qui est sous emprise complète.


Michael Tommy Japangardi (détail) écheveau de cheveux
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Quelques centaines de mètres plus loin, il y a un nouvel espace qui lui est ouvert aux femmes.

Ils s’accouplent, dans le rond central, mais comme cet acte est interdit, il ne peut plus retirer son pénis. On retrouve ces mêmes symboles sur les parois de la grotte.

Michael Tommy Japangardi m’a également chanté le rêve.


Michael Tommy Japangardi chante le rêve

Voir également : La musique des Aborigènes, lien vital avec la nature

Aujourd’hui les Aborigènes qui vivent dans le bush et qui parlent encore les langues traditionnelles, représentent une communauté de 50 à 80 000 personnes. La grande majorité des Aborigènes qui vivent dans les grandes villes côtières ont perdu toute trace de leur culture.. Aujourd’hui on fait beaucoup de transcriptions de langues aborigènes pour ne pas en perdre leur trace.

Lorsque les Aborigènes viennent en ville ils ont tendance à s’alcooliser mais lorsqu’ils retournent dans le bush il y a pas d’alcool.

Un des premiers artistes aborigènes reconnu se nomme Albert Namatjira. Il peignait des paysages à l’aquarelle. Il a donné le goût de la peinture à beaucoup d’Aborigènes.