Cours du 16 avril 2012

Picasso (suite)

Sommaire : Le cubisme analytique, le cubisme synthétique, la période néo classique, les thèmes qui le rapprochent de Cézanne, les crânes, l’arlequin, les baigneurs.

Le cubisme analytique

Portrait A. Vollard

P. Picasso – Portrait d’Ambroise Vollard (1909) – Musée des beaux-arts Pouchkine Moscou

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A partir de 1910, Picasso, puis Braque, désireux d’évoquer désormais la personne humaine ou l’objet comme on le pense et non tels qu’on les voit, vont les représenter sous plusieurs faces. Ils analysent ces faces avec un tel soin dans leur schématisation géométrique, afin de les « reconstruire en esprit, qu’ils en arrivent alors à rompre totalement les volumes et à les fragmenter en d’innombrables plans identifiés aux reflets lumineux, donnant à leurs ouvres cette apparence polyédrique qui n’est pas sans rappeler, par ses multiples facettes les verres en cristal taillé. C’est la rupture avec la tradition classique et l’adoption de la multiplicité des angles de vision pour donner une vue aussi totale que possible.

P. Picasso – Portrait de Kahnweiler (1910) – The Art Institute of Chicago

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Portrait de D. Kahnweiler Échelle et la perspective ont disparu; formes sont simplifiées en blocs. Il n’y a pas de distinction entre premier plan et d’arrière-plan, les formes de la peinture semblent être empilés les uns sur les autres. On distingue la raie au milieu, quelques indices du réel qui nous permettent de reconstituer le modèle. Le peintre déconstruit le modèle et propose des indices qui permettent une reconstruction intellectuelle.

G. Braque – Violon et palette (1909) – Solomon R. Guggenheim Museum, New York

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Les objets sont encore reconnaissables, mais ils sont fracturées en multiples facettes, ainsi que l’espace environnant avec lequel ils se fondent. Les compositions sont mises en mouvement de vue se déplacer d’un plan à l’autre, et en tendant à différencier les formes sous un éclairage particulier. Dans Violon et Palette, les parties segmentées du violon, des feuilles de musique, et la palette de l’artiste sont disposées verticalement, ce qui accroît leur planéité. Ironie du sort, Braque a représenté le clou au sommet de la toile d’une manière illusionniste, jusqu’à son ombre elle même, soulignant ainsi le contraste entre les modes traditionnels et cubistes de la représentation.

A cette époque, Picasso et Braque travaillent ensemble et leurs styles s’influencent voir : Jeune fille à la mandoline (Picasso) et femme tenant une mandoline (Braque), le tableau de G. Braque est plus hermétique

P. Picasso – Femme à la mandoline (1909) – Musée de l’Ermitage, Saint- Pétersbourg

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Picasso Femme à la mandoline. Résonances directe dans leurs travaux

P. Picasso – Nature morte au piano (1911) – Collection Heinz Berggruen, Genève

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En 1911 à Céret introduction des lettres dans un tableau pour la première fois. Nature morte au piano (lettres CORT marque de piano CORTES fragmenté comme l’image).

G. Braque – Hommage à J.S. Bach (1911) – MoMA, New York

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Braque Hommage à J.S. Bach.
Fin d’une période de plusieurs mois dans laquelle ils ont travaillé étroitement avec Pablo Picasso, dans un style qui est devenu connu sous le nom cubisme analytique. Le cubisme analytique est très compressé et peu profond, les couleurs sont réduites à une palette de bronze et gris. Les parties d’un violon apparaissent uniquement dans le scintillement. Avec cette peinture de Braque introduit dans le cubisme; l’imitation du grain du bois. Il avait appris cette technique par son père décorateur. La pratique du pochoir pour les lettres, BACH, J et S-a également été inspiré par la formation commerciale de Braque.
Récurrence du thème des instruments de musique, année de la première aquarelle abstraite de Kandinsky. A cette époque, on a le sentiment, qu’en devant plus abstrait la peinture va égaler la musique (ce qui explique l’apparition des instruments de musique).

P. Picasso – La coquille Saint-Jacques (notre avenir est dans l’air) (1912)

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Picasso la coquille saint Jacques. « Notre avenir est dans l’air » fragment de phrase dans le tableau. Voir un commentaire. Braque avait appris auprès de son père le trompe l’œil, il l’a transmis à Picasso.

P. Picasso – Nature morte à la chaise cannée (1912) Musée Picasso Paris

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En 1912 la nature morte à la chaise cannée. Des objets sont posés sur une chaise cannelée, format ovale, collage d’une toile cirée figurant un morceau de cannage. C’est le premier collage de l’histoire de l’art. Il ajoute par dessus les objets fragmentés. Il entoure ensuite la toile d’une corde qui renvoie aux cadres traditionnels. Il introduit la troisième phase du cubisme le cubisme synthétique. Si le réel est en train de disparaître il faut qu’il revienne sous une forme concrète (collage).
Voir un commentaire.

Le cubisme synthétique

Cette période est caractérisée par le retour de la couleur et par l’utilisation de la technique du collage (papiers, objets). Le peintre sélectionne les facettes les plus pertinentes de l’objet déconstruit (contrairement à la deuxième phase, où il n’y a pas de sélection). Des éléments de la réalité sont réintroduits, notamment par le collage de papiers ou donnant des indications de matière à l’objet représenté (faux bois ou toile cirée).

P. Picasso – Verre et bouteille de Suze (1912) Washington University Gallery of Art , Saint Louis

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Picasso verre et bouteille de Suze, Papiers collés, gouache et fusain. Voir une analyse du tableau.

P. Picasso – Guitare (1913) MoMA New York

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L’élément le plus frappant de cette guitare est la page du journal « El Diluvio » daté de Barcelone le 31 mars 1913 dont les deux morceaux déchirés constituent un ensemble par rapport aux autres éléments de la composition. Bandes de tapisseries damassées et papiers unis rehaussés d’encre et de fusain. Les bandes de papier jouent de l’opposition du clair et du foncé pour animer l’espace

P. Picasso – Guitare et bouteille de Bass (1913) Musée Picasso Paris

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Œuvre réalisée avec de moyens réduits : deux morceaux de papier journal, quelques lignes et hachures au fusain. Picasso découpe une forme irrégulière dans du papier journal et y ajoute un manche de violon surmonté de sa crosse. Il trace sur le papier journal quelques lignes qui composent une partie du violon. Il place dans la partie supérieure droite la découpe restreinte du journal qui joue le rôle de fond et entre en concurrence avec le morceau de journal employé comme motif. Le jaunissement du papier évoque la couleur du bois du violon. Les feuilles de papier journal sont décalées de manière à dessiner une diagonale décalée vers le haut. Cette instabilité est compensée par des hachures au fusain à droite

Un nouveau personnage est entré dans la vie de Picasso, Éva Gouel sa nouvelle compagne. Voir également la valse des muses de Picasso.

P. Picasso – Femme en chemise assise dans un fauteuil (1913) Musée Picasso Paris

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Femme en chemise dans un fauteuil. Reconstruction d’EVA avec quatre seins, lingerie de soie, assise dans un fauteuil avec un journal, cheveux longs sur la côté. (voir une étude préparatoire).
Avec cette toile s’achève la période orthodoxe du cubisme. Picasso aborde une réalité moins austère pour enrichir son œuvre d’éléments du réel proches de la vie. La rigueur cubiste s’associe à la réalité la plus familière dans un climat fantastique. Elle devint une œuvre de référence des surréalistes. Selon eux Picasso a affranchi la peinture de ses contraintes imitatives et a rejoint les mutations poétiques de Breton et de ses amis. Picasso place une femme abstraite reconstruite conceptuellement dans un vrai fauteuil. La couleur réapparaît dans les tableaux. La rigueur cubiste s’y associe à la réalité la plus familière. Les seins sont doublés : modèle européen et modèle nègre. Les plis souples de la chemise sont décorés d’un ourlet festonné. Le triangle du visage est adouci par le motif ondulé des cheveux

P. Picasso – Portrait de jeune fille (Éva Gouel) (1914) Musée Picasso Paris

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Picasso en 1914 portrait de jeune fille (Éva Gouel) à dominante verte, effet de collage imité par de la peinture à l’huile. La dominante de vert saturé ajoute à la joie de ce tableau qui date d’avant le commencement de la guerre. De fausses moulures, une ampoule électrique et un dessin de compotier coexistent avec des plages de pointillisme d’une grande virtuosité. C’est un hommage à tout ce qu’Eva avait apporté à sa vie de peintre

P. Picasso – Étudiant à la pipe (1914) MoMA New York

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Étudiant à la pipe (MoMA) Mélange de peinture et de collages. Cela ressemble presque à des graffitis, c’est comme dessiner sur un mur, cette impression est due à la texture.

P. Picasso – Homme à la pipe (1914)

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1914 Homme à la pipe (thème cher à Cézanne).

P. Picasso – Le peintre et son modèle (1914) Musée Picasso Paris

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Le peintre et son modèle (Musée Picasso) est volontairement inachevé, Picasso a envie de laisser tomber le cubisme. De nombreux peintres se sont emparés du cubisme (Gris). Il n’est plus intéressé.
Braque part au front, Kahnweiler ne peut plus rentrer en France. Il rentre dans la période néo classique.
Le thème du peintre et de son modèle a profondément retenu Picasso. Méditatif le peintre est assis perpendiculairement à sa chaise dont l’insertion sur le sol est masquée par les jambes. La main droite posée sur sa cuisse est grossie pour montrer qu’elle est en avant. La grâce délicate du modèle suggère Éva. La jeune femme est complètement peinte ainsi que derrière elle une partie de la toile représentant un paysage. Cette toile, autant peinture que dessin, a été réalisée sur la toile fine d’un torchon de cuisine (rayure rouge dans le bas du tableau). Curieuse anatomie du modèle : seins petits, jambes courtes. Tableau sans profondeur ; on a l’impression que le fond du tableau est la surface de la toile. Ce tableau n’a été révélé qu’après la mort de Picasso

Position de l’homme inspirée de Cézanne (accoudé) le dessin est de type ingresque. Il place entre le peintre et le modèle un paysage (renvoie à l’atelier de Courbet).

P. Picasso – Homme dans un chapeau melon assis dans un fauteuil (1915) – The Art Institute of Chicago

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Homme au chapeau melon 1915 imitation du collage.

Période néo classique

Voir un autoportrait (1916) très ingriste.

Éva Gouel meurt de tuberculose. Il accepte de fréquenter le cercle de Jean Cocteau. Il va rejoindre en Italie les ballets russes de Serge de Diaghilev, avec Stravisnky. Il rencontre Olga danseuse des ballets russes.


Nouvelle compagne, Olga Khokhlova. Elle était de la haute société et apprécie les mondanités alors que Picasso était plus bohème. Leur fils (Paul) Paulo est né en 1921 (et décédé en 1975), durant cette période, Picasso se tourne vers des thèmes mère et l’enfant.

P. Picasso – Portrait d’Olga (1917) – Musée Picasso Paris

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Muse période néo classique en 1917. Portrait classique d’Olga. Il a dépouillé le contexte et donne un parfum de luxe que l’on ne retrouve pas sur la photo, ombre portée. (Détail il arrête de la zone ombrée, à gauche de la tête d’Olga on distingue son profil sur le côté). Même pose que . On constate que Picasso, comme Cézanne, voir la femme en rouge a représenté sa femme dans un fauteuil et qu’il en fait un objet de recherche, d’étude, comme il le fera avec toutes les femmes qui ont partagé sa vie. (curieusement celles qui ont été des rencontres plus passagères ne sont pas installées dans des fauteuils….)Il épouse Olga en 1918.

Il ne fait pas poser ses modèles, il les peint de mémoire en s’aidant parfois d’une photographie. Les deux œuvres suivantes sont deux exceptions à cette règle.

P. Picasso – Portrait de Gertrude Stein (1906) MoMA New York

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Gertrude Stein en 1906, portrait fait avec une pose. Il s’inspire de la pose de François Bertin peint par Ingres. Il la représente dans le style qu’il avait alors, il a eu des difficulté à peindre son visage, qu’il a repeint ensuite, comme un masque (sans sa présence). Voir un commentaire.

P. Picasso – Portrait de Madame Rosenberg et sa fille Biarritz, (1918) Musée Picasso Paris

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Paul Rosenberg a demandé à Picasso un portrait de sa femme et de sa fille (grand mère d’Anne Sinclair). Il a été contraint de s’exécuter, soucieux de ne rien refuser à son nouveau marchand. Picasso n’habitait pas très loin des Rosenberg . Voir un commentaire.

P. Picasso – Olga lisant assise dans un fauteuil (1920)

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Picasso fit de nombreux portraits de femme dans des fauteuils. Portrait d’Olga dans un fauteuil 1920. Tête vue du dessus, il tourne autour du modèle, vision un peu distordue. Il monumentalise le corps en lui donnant un caractère sculptural.

P. Picasso – Nature morte au pichet et aux formes (1919)

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1919 nature morte au pichet et aux formes (sinuosités féminines). Picasso a choisi un pichet et une assiette d’aspect humble, à la silhouette épaisse et au vernis blanc fade. Sur le pichet nous avons l’impression de sentir l’action des doigts qui modèlent la glaise. Le coloris est très doux ; le pichet décline toute la gamme de gris assourdis avec juste quelques nuances ocre. Le mur est d’un gris à peine plus mauve. La table est légèrement rosée de bois de pin brut. La couleur des pommes opaques est indéfinissable. L’axe est légèrement décalé sur la gauche et le pichet se présente légèrement en biais. Une pomme est plus proche de nous ce qui crée des obliques dans l’espace

P. Picasso – Portrait d’Olga (1921)

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1921 portrait d’Olga. Effet de collage et de rupture. Son fils Paulo est né le 4 février 1921. Picasso célèbre Olga âgée de trente ans. Le visage d’Olga est traité avec un aspect monumental qui rappelle la troisième dimension de la sculpture. La tête est vue de trois quarts et est d’un volume imposant : le nez, les lèvres et les paupières sont épaissis, comme sculptés dans la pierre. La collerette avec ses échancrures profondes se dresse telle les cannelures d’une sculpture antique. Expression de douceur, de féminité et de mélancolie. L’œuvre resta inachevée. Picasso découpa la partie supérieure qui pouvait passer pour une œuvre autonome. Plus tard il réunit les deux parties, pastel et fusain. Le pur graphisme dispensé dans les bras et les mains d’Olga forme un heureux contraste aux couleurs du pastel

P. Picasso – Portrait d’Olga (1921)

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1923 portrait de la femme de l’artiste (Olga) leurs relations se sont distendues. Naissance de son fils Paul. Olga paraît triste.

1921 portrait d’Olga. Effet de collage et de rupture.

P. Picasso – Portrait d’Olga (1921)

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Ce portrait au pastel témoigne d’un retour au classicisme strict. Elle apparaît pensive et peut-être malade. Pendant l’été 1922 elle a dû être transportée depuis son lieu de vacances à Paris pour y subir une intervention chirurgicale. Cet évènement marque la fin de l’intimité entre le peintre et son modèle. Picasso semble détaché de son sujet. Les relations entre les époux se détérioreront jusqu’au divorce en 1935. Picasso tend à rajeunir son visage à l’aide de celui de Sara Murphy. Olga est plongée dans ses pensées, lucide. Si elle pensait reprendre sa carrière de danseuse la naissance de Paulo et sa récente opération l’en ont dissuadé. La sensualité tactile du vêtement et du col de fourrure est plus intense que celle des bras et du visage

Voir d’autres portraits d’Olga

Olga refuse le divorce

Dès 1925, Picasso a un autre amour Marie Thérèse Walter (guitare avec M & T et P, profil de Picasso sur la gauche, sérénade de la conquête amoureuse).
Dessin de Marie Thérèse, à 17 ans.
Marie Thérèse est blonde, grande, sportive, elle fascine Picasso, ils ont 28 ans de différence. Elle a le menton lègèrement arrondi, il va accentuer cette caractéristique dans ses tableaux.

P. Picasso – Le fauteuil rouge (Marie Thérèse) 1931 – Musée Picasso Paris

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1931 fauteuil rouge (Marie Thèrèse). Continuité entre le font et le nez, menton arrondi. Il va se concentrer sur les lignes courbes. Il introduit un code couleur, le jaune et le mauve-violet (couleur de son chemisier lors de leur première rencontre, ou une exposition sur Gaugin lors de leur rencontre). Pour la première fois Picasso présente Marie-Thérèse de façon reconnaissable. Il joue de l’opposition des courbes de Marie-Thérèse et de celles du fauteuil. Il avait rencontré Marie-Thérèse quand elle avait seize ans et qu’elle sortait des Galeries Lafayettes. Il avait lui 44 ans. Rougissant et agité Picasso la saisit par le bras et s’écria : « Mademoiselle je vous attendrai ici tous les jours à six heures de l’après midi. Je dois vous revoir ». Avec sa sœur elle vint à l’heure dite. Le « vieil homme » était là. Le détournement de mineur était sévèrement puni en France et Picasso prit de sérieuses précautions. Il était résident étranger. Et n’oublions pas la jalousie d’Olga

En 1931 il achète le château de Boisgeloup, il sculpte le buste de Marie Thérèse continuité font et nez)

P. Picasso – Grande nature morte au guéridon 1931 – Musée Picasso Paris

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Grande nature morte au guéridon, cruche qui ressemble à un coq, fesses seins, rondeurs partout, beaucoup de féminité. Cette nature morte est une allusion déguisée à sa nouvelle maîtresse Marie-Thérèse par les formes et le choix des couleurs. Picasso crée un nouveau langage pictural réservé à Marie-Thérèse et qui se caractérise par : La générosité des formes courbes et rondes et particulièrement les deux pommes vertes avec un point noir, Le jeu des arabesques, La dominante mauve-jaune, De la natures morte traditionnelle il a conservé : Le guéridon à trois pieds, Le compotier blanc et ses trois fruits, Le grand pot jaune. Il semble que tout bouge et que tous ondule dans cette toile, débordante de vitalité : la torsion des pieds, les lignes du sol ou du mur ; rien ne résiste à l’énergie dynamique des courbes. Les formes ovoïdes des fruits sont des images de fécondité et correspondent à la vision qu’a l’artiste de Marie-Thérèse : une femme prête à éclore d’où peuvent jaillir fleurs et fruits
Il enchâsse ici des aplats de couleurs franches et brillantes à la façon du plomb autour du vitrail

P. Picasso – Le rêve (Marie Thérèse endormie) 1932 – Collection particulière

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1932 Endormie Marie Thérèse endormie. Losanges issus de l’arlequin, une sorte de signature. Portrait très sexué (position des mains). Voir un commentaire.

P. Picasso – Femme à la fleur (1932)

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Femme avec fleurs 1932. Entrée de Marie-Thérèse et de ses courbes dans la peinture de son amant. Tête en forme de haricot, seins ronds et membres semblables à des pétales ou des feuilles. Olga fait des scènes pénibles.

P. Picasso – Femme au fauteuil rouge (Marie Thèrèse) (1932)

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1932 femme au fauteuil rouge (Marie Thèrèse) matière très minérale, pétrifiée. Le surréalisme est dominant à cette époque (plus d’audace dans ces déformations). La peinture laisse entrevoir les préoccupations du sculpteur Picasso qui depuis des mois gâche le plâtre. Picasso pratique le dialogue constant entre les différentes techniques. C’est Marie-Thérèse nonchalamment assise dans un fauteuil rouge, somnolente, la tête retombant vers l’épaule. On dirait que le corps et fait de pierres ou d’ossements agglomérés qui reprennent comme autant d’éléments autonomes les différentes parties de son anatomie : tête, cou, torse avec deux petites boules pour faire les seins, bras qui encadrent la grosse boule du ventre. Instabilité de cet empilement qu’un petit déplacement d’une de ses parties ferait crouler. Violence de l’éclairage qui fait saillir les volumes devant un fond noir et bouché. Belle endormie minérale, inaccessible et inquiétante dans son sommeil

P. Picasso – Minotaure caressant du mufle la main d’une dormeuse, (1933) MoMA New York

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Il s’imagine un alter égo le minotaure. Minotaure caressant la main (dessin)

Minotaure violant une femme (1933). Tête près des seins de Marie Thérèse. Taureau et femme (scène de viol) – 1933. Minotaure aveugle guidé par Marie Thérèse aux pigeons dans une nuit étoilée (1934 – 35). Cette série permet de mieux comprendre son identification au minotaure.

P. Picasso – Portrait de marie Thérèse (1937) Musée Picasso Paris

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Marie Thérèse est enfermée dans un caisson, murée, Picasso est inspiré par le portrait de madame Moitessier par Ingres. Représentation assez dure, enfermé dans un espace géométrique.

Le langage concernant Marie-Thérèse conserve l’arrondi, les couleurs caressantes, l’arabesque et les tons pastels à dominante bleu-jaune. Tout le corps est souple et les longs doigts sont semblables à des palmes. Les teintes froides bleu et vert baignent son visage dans une atmosphère lunaire de rêverie poétique et de tendresse. Le motif des stries, évoquant le carton ondulé, contraste avec la simplicité dénudée du fond auquel la perspective faussée donne l’apparence d’une boîte. On reconnaît le grand nez proéminent dans la ligne du front. Les yeux sortent des paupières fendues comme des pièces de monnaie

En 1937, Picasso a un autre amour Dora Maar. C’est une artiste, photographe et peintre, pour la première fois, Picasso a une compagne avec qui il peut partager son art.

P. Picasso – Portrait de Dora Maar (1937) musée Picasso Paris

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Très maquillée, très mince, très « à la mode ». Photographe, intellectuelle, une personnalité d’artiste. Photographe d’origine yougoslave, Dora Markovitch, amie de Paul Eluard est la nouvelle femme dans la vie de Picasso. Pendant plusieurs années alternent la blonde Marie-Thérèse et la brune Dora. Dora assise dans un fauteuil apparaît majestueuse et souriante, la tête appuyée sur une longue main fine aux ongles peints. Visage de face et de profil, un œil rouge dans un sens et l’autre vert à contresens.

P. Picasso – Femme qui pleure Dora Maar (1937) Tate Modern, Londres

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Dora Maar, restera à tout jamais « la Femme qui pleure », de 1937. « Pour moi, elle est une femme qui pleure. Pendant des années, je l’ai peinte en formes torturées, non par sadisme ou par plaisir. Je ne pouvais que donner la vision qui s’imposait à moi, c’était la réalité profonde de Dora. » Picasso compose d’éblouissantes variations sur ses larmes, tandis que dans les yeux de Dora vont s’inscrire bientôt les bombardiers de Guernica. Voir un commentaire.

P. Picasso – Femme à la résille (1938)

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Dora Maar porte un chapeau qui met le visage en valeur. Pour souligner l’élégance de Dora Maar Picasso met en valeur son vêtement. On a même l’impression que le vêtement est présenté devant un buste de Dora Maar qui ne porte pas le vêtement.

P. Picasso – Femme assise au chapeau (1938)

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Ce portrait de Dora Maar évoque un totem, un fétiche en vannerie. Faire de la femme un fétiche c’est tout à la fois reconnaître ses pouvoirs et prendre ses distances avec elle en la réduisant à un objet. Dans cet exercice Picasso introduit l’humour : le chapeau de Dora est un bateau en papier confectionné pour un enfant. Portrait de Dora dans un jardin corps éclaté, fusionant avec le siège (madame Cézanne dans la serre).

P. Picasso – Le pull over jaune (Dora) 1939

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En cette période où Picasso joue sur les lignes parallèles, les stries et les rayures, Dora Maar semble habillée d’une vannerie. Elle se tient droite, un peu raide, présente mais distante. Picasso dessine avec soin l’œil de la photographe qu’elle est. Sa séduction était plus intellectuelle que physique. Son allure était avant tout nette, droite, presque stoïque. Elle vivait tout entière dans son amour pour Picasso, attendant chaque matin son appel au téléphone et sacralisant ses moindres faits et gestes..

P. Picasso – Femme dans un fauteuil (Dora) 1941-42

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La tension est forte en cette période d’exécution d’otages. Les distorsions du visage de Dora sont encore dramatisées par la réduction de l’atelier à la taille d’une cellule de prison. Influence cubiste. Grande plascicité du visage.

P. Picasso – Femme en vert (Dora) 1943

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1943 Femme en vert.

Françoise Gilot suit les traces de sa mère, une aquarelliste, et s’oriente vers le dessin et la peinture. À 21 ans elle rencontre Picasso, alors amant de Dora Maar, et deviendra sa compagne de 1944 à 1953

P. Picasso – Portrait de Françoise 1946

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Portrait de Françoise 1946. Picasso décide qu’elle est sa femme fleur. En mai 1946 Françoise accepte de vivre avec Picasso avec qui elle aura deux enfants : Claude né en 1947 et Paloma née en 1949. Les peintures qui représentent Françoise exaltent la silhouette svelte et déliée de la jeune femme qui a quarante ans de moins que lui. Il représente son modèle debout car, dit-il « François n’est pas le genre passif ». Picasso lui dira « Vous voyez, une femme tient le monde –ciel et terre– dans sa main ». Le déséquilibre des seins est compensé par le rythme des bras et des ondes de la chevelure. Il cherchait une autre forme de tête que l’ovale lunaire mais il n’y parvenait pas. « Je n’y peux rien, disait-il, le peintre ne choisit pas. Il y a des formes qui s’imposent à lui »
Françoise le pousse à lier des liens d’amitié avec Matisse. Il le rencontre, et il est influencé par son style. Matisse dans son atelier était entouré de plantes vertes. Il remplace la chevelure de Françoise par des feuilles vertes. Comme matisse,il découpe des papiers pour choisir la composition harmonique qui lui convient (comme Matisse) avant de peindre.

P. Picasso – Buste de Françoise (1946)

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P. Picasso – La joie de vivre (1946)

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Peinture sur du fibro ciment. Françoise danse entourée d’images heureuses.
En été 46 Picasso s’installe à l’étage supérieur du château d’Antibes pour y travailler cinq mois. La « Joie de vivre » correspond au bonheur de travailler dans la paix reconquise. Ce tableau présente la lumière méditerranéenne et les mythes des civilisations qu’elle a modelées. La guerre est finie : une nouvelle humanité va naître. Les seins et la chevelure de la nymphe au tambourin s’épanouissent comme la corolle d’une fleur au soleil. Telle la déesse mère, la femme règne au centre de la composition qui s’ordonne par amples surfaces ondulantes légèrement colorées. Autour d’elle un chœur la chante et la célèbre : – à gauche le centaure avec sa flûte – à droite deux chevaux gambadant et le faune avec sa flûte double. Par cette allégorie Picasso crée l’image des espoirs nés de la résistance à la nuit de l’oppression. Voir un commentaire.

P. Picasso – Femme dans un fauteuil (1949)

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Picasso aura deux enfants Claude et Paloma avec Françoise Gilot. Séparation en 1951, Françoise le quitte. Picasso a été très affecté.

Rencontre avec Jacqueline Roque

P. Picasso – Femmes d’Alger (1956)

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Cette œuvre est inspirée par le tableau de Delacroix « Les femmes d’Alger ». Matisse est mort le 3 novembre 1954 et Picasso a le sentiment d’être le seul désormais à assurer la responsabilité de la peinture moderne. L’insurrection en Algérie a débuté en novembre 1954. Picasso a réalisé quinze versions des « Femmes d’Alger ». Dans cette dernière version l’espace fortement géométrisé exalte les contrastes de rythmes. Picasso cadre simultanément plusieurs plans différenciés selon plusieurs angles. La femme de gauche aux seins nus (Jacqueline) contraste avec sa compagne étendu sur la droite, la servante emportant le plateau et la figure dans l’encadrement de la porte ou du miroir ; toutes trois entièrement nues et pareillement construites sur des plans et sous des angles différents. Voir un commentaire.

P. Picasso – Portrait de Jacqueline avec les mains croisées (1954) Musée Picasso Paris

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P. Picasso – Femme assise Jacqueline (1963)

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Depuis 1961 Picasso est établi au mas Notre Dame de Vie à Mougins. Jacqueline est un modèle qui se plie à toutes ses fantaisies. Ici, elle arbore un visage serein, émerveillé avec ses grands yeux et ses longs cheveux noirs. Harmonie de verts rehaussés de blancs qui évoque Matisse. Traits d’une pureté toute classique. Le buste est esquissé à larges paraphes noirs

P. Picasso – Autoportrait (1972)

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Autoportrait 1972 encre de chine gouache et lavis. Voir les autoportraits de Picasso.

P. Picasso – Autoportrait (1972) Fuji Television Co Gallery, Tokyo

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autoportrait 1972 Cire sur papier (vert)

Thèmes qu’il partage avec Cézanne

Les crânes

P. Picasso – Poireau, tête de poisson, crâne et pichet (1945)

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P. Picasso – Crane livre et lampe à pétrole (1946)

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P. Picasso – Crâne, oursins et lampe sur une table, (1946)

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Thème des arlequins

Cézanne en 1888, et 1890 a peint des Arlequins. Voir l’arlequin (1888-1890)

Le thème des arlequins apparaît à toutes les périodes de son oeuvre

P. Picasso – Arlequin accoudé (1901-1904)

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P. Picasso – Famille d’acrobates avec un singe (1905)

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P. Picasso – Arlequin (1915)

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On distingue, sur la palette le profil de Picasso.

1915 est une année douloureuse pour Picasso. Éva est morte le 14 décembre 1914. Jeu de plans colorés et dépouillés à la limite de l’abstraction, fondé sur un support de base rouge-noir. La tête est réduite à une boule de mannequin. Inhumanité aggravée par un rictus des dents accroché à la boule. L’identité est marquée par le jeu des losanges colorés sur la géométrisation totale du corps. Déséquilibre de l’ensemble du personnage

P. Picasso – Les trois musiciens (1921) – Philadelphie

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Il y a deux versions : Philadelphie et New York. On pense que la première version est celle de Philadelphie, plus luxuriante. Ordre des trois personnages : Arlequin, Pierrot, Moine. Arlequin joue du violon. Le moine chante en s’accompagnant d’un accordéon. Pierrot joue de la clarinette. Espace cubiste : les personnages créent leur avancée vers nous par leur géométrisation. La musique de jazz apportée par les soldats américains déferle sur Paris. Le moine est Max Jacob qui au printemps 1921 s’est retiré au monastère de St Benoît sur Loire. Pierrot évoquerait Apollinaire mort en novembre 1918 de la grippe espagnole. Arlequin est le double de Picasso. Pour Picasso c’est la fin de la jeunesse. Il a quarante ans. Il n’a plus autour de lui ses deux poètes préférés qui l’ont accompagné dans les percées décisives de son art

P. Picasso – Paul en arlequin (1924)

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Ce tableau représente Paul, dit Paulo, né le 4 février 1921. Il a donc trois ans. Le caractère inachevé laisse voir le fond neutre. La minutie de certains détails rappelle le portrait d’Olga dans un fauteuil ; c’est le même fauteuil. Importance du thème de l’Arlequin dans l’œuvre de Picasso. Enfant revêtu du célèbre costume à losanges ce qui crée une identification du père au fils. Il nous regarde fixement avec les mêmes grands yeux sombres que ceux de l’artiste. La fragilité de Paulo est accentuée par l’instabilité de sa posture avec la jambe repliée. Il n’est ni assis ni vraiment accoudé au fauteuil
Il semble posé à plat comme une carte à jouer sur le fond sombre du fauteuil évoquant le « Joueur de fifre de Manet ». Il flotte comme une apparition puisque ses pieds ne sont pas peints. Aspect lissé et porcelainé ; finesse des traits. Ce portrait s’inscrit dans la lignée de ceux des enfants royaux représentés par Francisco Goya

P. Picasso – Arlequin, Jacinto Salvado (1924)

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L’attention du peintre s’est concentrée sur le visage pour obtenir réellement un portrait. Tout mène à ce centre d’où émane l’énergie, c’est-à-dire, le visage, et tout se détend lorsqu’on s’en éloigne
Picasso a fait plusieurs versions de Salvado en Arlequin. Cette version d’Arlequin de face est mélancolique. Le contraste entre les parties peintes et non peintes lui donne de la force et en fait une étape importante de la période classique de Picasso. Le costume d’Arlequin avait été apporté à Picasso en 1916 par Cocteau

Arlequin avec un miroir (1924)

P. Picasso – L’arlequin derrière jeune fille devant un miroir (1932) MoMA new York

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L’arlequin derrière jeune fille devant un miroir (1932) face solaire et lunaire. La figure de la femme est composée d’une série de lignes courbes, d’épaisseur variable, qui délimitent les zones de couleur. Elle est vive à la fois de face et de côté (le jaune d’une moitié du visage sert à mettre en évidence le profil). Le miroir reflète le personnage. Couleurs crues et complémentaires : le jaune et le violet, le rouge et le vert. Picasso tourne autour du modèle, en saisit les formes successives et les représente toutes à la fois sur la toile. Le miroir redouble cet effet de représentation simultanée d’images saisies de différents points de vue. Juxtaposition des aplats colorés qui sont « découpés » selon des lignes souples qui accentue la féminité

Thème des baigneurs

Cézanne a peint de nombreux baigneurs, voir Le baigneur aux bras écartés (1877-1878)

P. Picasso – Les deux frères (1906)

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P. Picasso – Les adolescents (1906)

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Il peint 1906 les adolescents, les deux frères. Couleur rose.
En été 1906 Picasso séjourne à Gosol dans les Pyrénées espagnoles. Cette visite en Espagne dans ce hameau proche d’Andorre nous révèle l’engouement de Picasso pour la civilisation ibère archaïque. Ce classicisme méditerranéen est souligné par les corps sveltes et la jarre que le personnage féminin (androgyne) porte sur la tête. La sveltesse de leur âge est compensée par une certaine lourdeur. Le coloris terreux tend à évoquer la boue

P. Picasso – Grand nu rose Fernande (1906)

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Grand nu rose, Fernande devient immatériel comme les baigneuses de Cézanne.

P. Picasso – Femme nue assise (1906)

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Cette toile marque le moment où après la découverte de Gauguin c’est l’insertion des volumes du corps dans l’espace qui devient le sujet du tableau. Le masque avec les yeux vides est à mettre en rapport avec la découverte par Picasso d’une sculpture nègre achetée par Matisse. Max Jacob écrit : « Nous dinâmes un soir chez Matisse, Apollinaire, Picasso et moi. Matisse prit sur un meuble une statuette de bois nègre. Picasso la tint à la main toute la soirée ». Il s’agit d’une petite statuette Vili, un homme assis remarquable par ses très grands yeux vides. Picasso portait une extrême attention à la forme de l’œil

P. Picasso – Les baigneuses (1918)

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1918 vacances mondaines avec Olga. Baigneuses à la mode des années 20. Déformations de Ingres. Depuis celles de son enfance ce sont les premières vacances de Picasso au bord de la mer. Il passe l’été 1918 avec Olga chez Madame Errazuriz dans un milieu mondain. Les plaisirs de la plage et la vie en plein air l’inspirent. Trois baigneuses que leur maillot de bain et le paysage (voilier, phare, petits nuages) situent dans l’ambiance des bains de mer alors en vogue, tordent leurs corps déformés par un étrange étirement. La baigneuse au maillot rayé présente le devant et l’arrière de son anatomie, témoignant de la marque durable du cubisme qui voulait montrer les choses sous toutes leurs faces. Plage de rêve irréelle à cause de la précision des détails (les pierres !). Les couleurs acidulées et brillantes confèrent au tableau un caractère naïf (Rousseau). Les corps filiformes aux membres pointus sont rares chez Picasso
Deux femmes nues se tenant (1920).

P. Picasso – Trois baigneuses (1920)

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1920 Trois baigneuses, rêverie antiquisante, hors du temps.

Femme nue assise s’essuyant les pieds (1921)

P. Picasso – Trois Femmes à la fontaine, (1921)

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Trois femmes voir les relations avec Cézanne.

P. Picasso – Famille au bord de la mer (1922)

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Famille au bord de la mer 1922

P. Picasso – Deux femmes courant sur la plage (1922) Musée Picasso Paris

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Le choc visuel provient de l’antinomie ente le poids de ces géantes et la légèreté de leurs mouvements. Malgré leurs membres lourds elles semblent sur le point de s’envoler. Pour suggérer le dynamisme Picasso recourt à divers moyens ! – chevelures et vêtements flottants – tête renversée de l’une et visage effacé de l’autre – direction des lignes de force, diagonale et horizontale qui structurent la composition – le triangle des deux obliques des bras suggère l’ascension. La vitesse est indiquée par la sensation d’étirement démesuré du grand bras lancé comme une flèche en avant et fixé dans le prolongement de la jambe rejetée vers l’arrière. Les personnages s’inspirent des études des danseuses liées à la fréquentation par Picasso des ballets russes. Les draperies indiquent aussi une référence aux sculptures de la gréce antique

P. Picasso – La flute de pan (1923) Musée Picasso Paris

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Deux jeunes hommes dont l’un joue de la flûte de Pan au bord d’une mer d’huile. Il n’y a pas d’ombre sauf celle de l’une des jambes du musicien. Décor fait de blocs géométriques ocres, dont la disposition est celle d’un décor de théâtre et qui créent artificiellement la profondeur devant un rideau de fond que deux bleus différents partagent entre ciel et mer. La flûte de Pan fait de ces deux hommes deux jeune bergers antiques dont le corps est sans grâce. Ils ont l’air étranger l’un à l’autre. Référence à Cézanne dont les Baigneurs ont ce corps massif. Œuvre de calme et de sérénité avant les orages qui menacent l’équilibre de Picasso Voir un commentaire.

La nageuse (1927). Le vrai sujet de cette grande huile est moins une femme en train de se baigner, en état d’apesanteur, que les déformations optiques qui déstructurent un objet — ici un corps humain aperçu à travers la surface d’une eau agitée. Ceci explique la bizarre minceur d’un avant-bras réduit à l’état de fil.

P. Picasso – Baigneuse assise au bord de la mer (1930)

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Démembrée, évidée, ajourée, cette femme n’a plus rien d’humain. Sa fantastique croissance qui prolifère sur le bleu tranquille de la mer semble avoir été moulée dans le béton. Son ossature décharnée fonctionne avec la précision d’une étrange mécanique. Ce grand nu articulé tel un squelette semble exorciser la femme terrifiante et terrorisante qu’Olga est peut-être alors devenue pour Picasso. Plus question de jeux de plage, la femme aux seins protubérants se trouve naturalisée en une sorte de mante religieuse sèche et décharnée

P. Picasso – Grande baigneuse au livre (1937)

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1937 Grande baigneuse au livre. Le corps semble architecturé. L’air circule entre les bras semblables à des piliers. Alternance de formes courbes et d’arêtes tranchantes. L’aspect érotique a disparu pour faire place à de scènes de fantaisie et de mystère. Le corps a une apparence rugueuse et friable. Le livre est semblable à un bloc de pierre triangulaire. L’écriture y apparaît comme l’empreinte digitale d’un pouce

P. Picasso – Baigneuse au ballon (Marie Thérèse) (1932) MoMA new York

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Composition simple mais subtile. Les formes anguleuses s’opposent aux formes courbes. Les formes naturalistes jouent avec des formes abstraites. Des éléments de forme sphérique ou renflée comme des jambons, d’autres élancées, composent une figure évoquant vaguement un corps humain. Avec ses jambes jetées de part et d’autre et des bras croisés dans leur élan vers le haut, la baigneuse vient d’attraper au vol une petite balle insignifiante par rapport à sa propre masse qui remplit toute la toile. Picasso fait suivre au mouvement la diagonale ascendante du tableau. Grands motifs du maillot de bain

En conclusion : Ce qui est intéressant à étudier dans l’œuvre de Picasso, c’est la ressemblance entre les personnage, ses modèles, et le portrait qu’il en fait. Il déconstruit le modèle et invite le spectateur à le reconstruire lui-même. « Je vous parle de telle personne telle que je l’imagine » nous dit-il. Il revendique le droit de projeter sa vision personnelle sur les êtres, il charge chaque personnage de formes et d’attributs imaginaires. Chaque personne qu’il féquente, lui ouvre un champs de référence dans l’histoire de l’art. Des attributs imaginaires, sont rajoutés, avec une forte composante psychologique et psycho sexuelle. C’est une œuvre très riche et très diversifiée, dans l’invention permanente. Le style ne lui importe pas, il était un virtuose du dessin et de la peinture classique, (ce que n’était pas le cas de Cézanne) et il a passé sa vie à s’en défier. Ce qui fait les grands artistes c’est leur capacité à inventer des mondes. Cézanne et Picasso sont deux artistes restés dans un face à face avec la réalité.

De nombreux sites très riches existent sur Picasso.

Voir le site KERDONIS

Voir également Wikipainting.