Voyage à Bruxelles et Anvers

Notre voyage à Bruxelles et Anvers du 30 mai au 5 juin était si riche sur le plan des découvertes artistiques que j’aimerais le partager avec un plus grand nombre. Cette conférence me permet d’approfondir et de développer ces coups de cœur afin de fixer les souvenirs des participants, et de donner envie à d’autres, sans doute, de se rendre à leur tour chez nos voisins belges.

Intervenante : Agnès Ghenassia


Jour 1

Le TGV direct Marseille – Bruxelles arrive en gare de Brussels Midi, mais la gare la plus proche du centre, où est situé notre hôtel, est la gare de Brussels central. Le plafond peint à la sortie, sur le thème des Schtroumpfs, annonce que Bruxelles est, entre autres, la capitale europénne de la bande dessinée.


Plafond de la gare Brussels Central
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Direction la Grand-Place vers laquelle tout le monde afflue !


Bruxelles la Grand-Place
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C’est un superbe ensemble de bâtiments, tout autour d’un vaste espace pavé : nous sommes au cœur de la ville basse, dont le passé médiéval perdure dans les noms des rues alentour: rue au beurre, rue des harengs, rue du marché au charbon. L’Hôtel de Ville domine en hauteur avec sa flèche de 96 m surmontée d’un Saint-Michel doré, symbole de la ville.


Bruxelles la Grand-Place Hôtel de ville
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C’est un bâtiment de style gothique, le seul de la place qui ait survécu au bombardement par les armées françaises en 1695. Une peinture d’un artiste anonyme visible dans la maison du roi, en face, illustre cet épisode désastreux. Louis XIV avait entrepris d’annexer les Flandres, il s’était emparé du Luxembourg, mais avait échoué à Namur et à Bruxelles.

Les puissantes guildes se sont organisées pour reconstruire en quelques années la Grand-Place, où la richesse de leurs maisons témoigne du succès économique de la ville. Les bâtiments sont de style à la fois Renaissance pour certains et baroques pour d’autres surmontés de sculptures symboliques souvent dorées.
Ainsi la Louve, maison des archers, est surmontée par un phénix (elle renait de ses cendres).


Bruxelles la Grand-Place, La Louve
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En dessous, sur le fronton, Apollon tuant le python.


Bruxelles la Grand-Place, La Louve
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Plus bas, 4 femmes allégoriques: la vérité, le mensonge, la paix, la discorde. Au rez-de-chaussée, la louve allaitant Romulus et Rémus, au dessus de la porte.

Le pigeon, maison des peintres, n’est pas la façade la plus spectaculaire, mais elle nous intéresse car Victor Hugo y a habité en 1852, fuyant la France de Napoléon III.


Bruxelles la Grand-Place, la maison du pigeon
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En 1837, à 35 ans, il était venu en touriste à Bruxelles au bras de Juliette Drouet, et il avait écrit : “l’Hôtel de Ville de Bruxelles est un bijou comparable à la flèche de Chartres, une éblouissante fantaisie de poète tombée de la tête d’un architecte, et puis la place qui l’entoure est une merveille”. 15 ans plus tard, il s’y installe sous le faux nom de Jacques Firmin Lanvin, avant de s’exiler à Jersey où il restera 10 ans. C’est encore à Bruxelles en 1862, qu’il va peaufiner les misérables et choisir une maison d’édition belge. Bruxelles était la ville des écrivains exilés, elle a accueilli notamment Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Karl Marx.

Justement, en tournant à l’angle de la rue des Brasseurs, une plaque commémorative rappelle que là, Verlaine a blessé Rimbaud d’un coup de revolver. C’était en 1873, le couple Verlaine-Rimbaud se déchire au fil de violentes disputes, et Rimbaud fait part de son désir de rompre. Verlaine quitte l’appartement, achète une arme dans une boutique de la galerie Saint-Hubert, fait halte dans plusieurs bars, et entrant ivre au domicile, tire sur son ami qu’il blesse au poignet. Ce geste lui vaudra une peine de prison de 2 ans.

En prenant la rue de l’étuve, nous allons rendre visite au célèbre Manneken-Pis.


Bruxelles le Manneken-Pis
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Il est tout petit, 55 cm, c’est une fontaine sculptée en 1619 pour alimenter le quartier en eau. La sculpture portait alors le nom de “petit Julien”. Pour l’honorer, la coutume est de lui offrir un vêtement, depuis que le que Maximilien Emmanuel de Bavière lui avait fait cadeau d’une tenue en 1698. Depuis, plusieurs chefs d’État étrangers l’ont habillé à la mode de leur pays (dont Louis XV), ce qui fait que ce bambin possède plus de 1 000 costumes qui sont visibles dans un espace qui lui est dédié non loin, sous le nom de “garde-robe Manneken-Pis
Les vitrines populaires du quartier s’en donnent à cœur joie pour amuser les touristes !

Le Manneken-Pis a son pendant féminin, au bout de la rue des Bouchers, dans l’impasse de la fidélité : c’est la Jeanneke pis, c’est une fontaine qui a été inaugurée en 1987, à l’initiative d’un propriétaire de cet impasse désireux d’y attirer des touristes..

Depuis la Grand-Place, nous pénétrons dans les Galeries Saint-Hubert : la galerie du roi et la galerie de la reine.


Bruxelles Galeries Saint-Hubert
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C’est un grand passage couvert piétonnier construit en 1846 (la première galerie de ce type construite en Europe) et couvert par une voûte de verre en plein cintre tendue sur une armature métallique. Elles abritent des magasins de luxe (bijoux, chocolat, mode, design) et d’agréables cafés terrasse. La taverne du passage, au centre, c’est l’équivalent de nos Deux Garçons, le restaurant historique des écrivains et des artistes.


Bruxelles Galeries Saint-Hubert

Nous sommes allés ensuite visiter la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule, grande architecture gothique dont les vitraux et la chaire baroque avaient enthousiasmé Victor Hugo. Elle accueille dans ses vastes espaces les mariages et les funérailles de la famille royale.


Bruxelles cathédrale Saints-Michel-et-Gudule
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La chaire baroque en bois sculpté est en effet impressionnante. Réalisée par Hendrik Frans Verbruggen, en 1699, elle montre Adam et Eve chassés du Paradis, dans un ensemble complexe et riche. Cette œuvre montre le passage de l’humanité d’Ève à la Vierge Marie, symbolisant ainsi le rachat des péchés originels de l’humanité par Jésus-Christ.


Bruxelles cathédrale Saints-Michel-et-Gudule chaire de la vérité
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Ecoutons Victor Hugo : “C’est la création toute entière, c’est toute la philosophie c’est toute la poésie figurée par un arbre énorme qui porte dans ses rameau une chaire, dans ses feuillages tout un monde d’oiseaux et d’animaux, à sa base Adam et Eve chassés par l’ange triste et suivis par la mort joyeuse, et séparés par la queue du serpent. A son sommet la croix, la Vérité, l’Enfant-Jésus, et sous le pied de l’enfant, la tête du serpent écrasé. Tout ce poème est sculpté et ciselé en plein chêne, de la manière la plus forte, la plus tendue et la plus spirituelle. L’ensemble est prodigieusement rococo et prodigieusement beau. Que les fanatiques du sévère arrangent cela comme ils voudront cela est. Cette chaire est dans l’art un des rares points d’intersection où le beau et le rococo se rencontrent.”

Voir des détails : Détail 1, Détail 2.

Avant de redescendre vers la ville basse, nous sommes allés flâner dans les jardins royaux, où une exposition temporaire des sculptures de Philippe Geluck nous a permis de finir en beauté cette première journée.
Geluck est né à Bruxelles en 1954, et il est l’auteur bien connu du chat, un personnage plein de bon sens et d’humour. Voici quelques-unes de ses sculptures.


Bruxelles sculpture de Philippe Geluck
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Bruxelles sculpture de Philippe Geluck
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Voir d’autres sculptures : Roméo et Juliette, le chat écrase la voiture, le docteur.

Jour 2

Le mont des arts. C’est le quartier des musées qui a été créé par Léopold II, avec l’ambition d’y concentrer l’une des plus riches collections d’art du monde à la fin du 19e siècle.


Bruxelles le mont des arts
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Notre première visite est consacrée au Musée royal des Beaux-Arts.

Le Musée d’Art Ancien (old masters) occupe un palais de style classique prolongé par une aile moderne. Il est mondialement connu pour ses primitifs flamands, ses œuvres de Brueghel l’ancien et le Rubens.
Dans le vaste hall d’entrée, nous avons aimé une toile de Constant Montald, Das boot der ideale (la barque de l’idéal) 1907.


Constant Montald, Das boot der ideale (la barque de l’idéal) 1907 huile sur toile 405 x 505 cm, Bruxelles – Musées royaux des Beaux-Arts
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(On ne voit pas la barque qui était dans la partie basse du tableau, aujourd’hui perdue.)
Dans le style décoratif de nos peintres symbolistes. Montald qui enseignait à l’école des Beaux-Arts de Bruxelles a été le professeur de Magritte et Delvaux entre autres.


David Altmejd, sans titre Bruxelles – Musées royaux des Beaux-Arts
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Une sculpture contemporaine de David Altmejd, (sculpteur québécois) qui multiplie les formes de mains.

Ainsi qu’un bel Alechinsky, dont les remarques marginales sont faites d’empreintes de bouches d’égout et de pneus.

Chez les vieux maîtres nous avons aimé cette Annonciation de Robert Campin.


Le Maître de Flémale (Robert Campin), Annonciation, 1415-1425 Bruxelles – Musées royaux des Beaux-Arts
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pour la douceur de sa Vierge et le fait qu’il ait situé la scène dans un intérieur flamand du 15e siècle.

Cette lamentation de Rogier Van der Weyden 1441 dont le caractère dramatique est accentué par un éclairage rouge.

La Pietà de Pétrus Christus 1455-1460 pour la dignité des personnages dans leur douleur,


Jérôme Bosch Triptyque de la Tentation de Saint Antoine, 1520 huile sur bois 98 × 188 cm Bruxelles – Musées royaux des Beaux-Arts
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La tentation de Saint-Antoine, triptyque de Jérôme Bosch avec cette inventivité incroyable dans les détails. Voir un commentaire.

De Bruegel nous avons vu de multiples facettes. D’abord la chute des anges rebelles 1562 qui a longtemps été attribuée par erreur à Jérôme Bosch.


Pieter Brueghel l’ancien la chute des anges rebelles, 1562 huile sur bois 117 × 162 cm Bruxelles – Musées royaux des Beaux-Arts
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L’artiste mêle ici la bataille de l’archange Saint-Michel contre les anges rebelles au début des temps, avec un épisode de l’Apocalypse. Au fur et à mesure de leur chute, les anges deviennent des créatures hybrides pourvues d’ailes de papillon ou de coquilles de moules, d’écailles, de pattes d’insecte. Pour composer ces créatures, il s’est inspiré des cabinets de curiosité qui révèlent les découvertes rapportées des contrées lointaines (un tatou, des plumes d’indiens etc).
Avec des notes franchement cocasses, par exemple, ce personnage dont le turban rouge qui se déroule dans sa chute est celui de Van Eyck dans son célèbre autoportrait. Nous avons été aidés dans cette analyse par un montage vidéo sur grand écran.


Bruegel l’ancien Paysage d’hiver avec patineur et trappe à oiseaux 1565 huile sur bois 37 x 55,5 cm Bruxelles – Musées royaux des Beaux-Arts
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Paysage d’hiver avec patineur et trappes à oiseaux 1565 a eu un tel succès en son temps que 130 copies ont été réalisées. Un village paisible. Au premier plan à gauche, les gens profitent d’un lac gelé pour jouer sur la glace. A droite, des oiseaux s’approchent d’une sorte d’abri où l’on a déposé des graines. C’est un piège, et la trappe va se refermer sur eux. L’aspect symbolique de ce paysage, c’est qu’il renvoie à la précarité de la vie, la couche de glace peut céder à tout moment.


Bruegel l’ancien Le démembrement de Bethléem 1566 huile sur bois 115,5 x 163,5 cm Bruxelles – Musées royaux des Beaux-Arts
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Le démembrement de Bethléem 1566. Encore un village enneigé, où chacun vaque à ses occupations. À l’auberge, la foule est nombreuse, les habitants apportent des tonneaux de bière ou de vin, des poules et des porcs, et paient la dîme, l’impôt, au seigneur du village qui prend note sur un registre. Charles Quint avait exigé ce recensement des populations. Ils voient à peine l’arrivée de la Sainte Famille, accompagnée d’un âne et d’un bœuf. (C’est une une scène qui a eu lieu en Judée 1600 ans auparavant Joseph et Marie se rendaient à Bethléem pour répondre au recensement de l’empereur Auguste). L’homme porte une scie de charpentier, et la femme est drapée de bleu. Joseph et Marie se rendent à Bethléem pour le recensement décrété par l’empereur Auguste.
Brueghel mêle deux époques autour d’une même idée.

Dans la même salle, une peinture presque identique et portant le même titre est attribuée à Pieter Brueghel Le Jeune, en 1610.


Brueghel le jeune, Le démembrement de Bethléem 1610 huile sur bois 115,5 x 163,5 cm Bruxelles – Musées royaux des Beaux-Arts
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Il s’agit du fils de Brueghel l’ancien, qui a consacré sa carrière de peintre à faire des copies des œuvres de son père pour répondre à de nombreux commanditaires. Il ajoute parfois des éléments personnels, d’autant plus qu’il avait souvent comme modèle que les études préparatoires ou les gravures de son père, décédé lorsqu’il avait 5 ans. Ici les arbres sont plus fournis, les lumières plus chaudes.


Brueghel le jeune, Le massacre des innocents 1621 huile sur bois 167 x 120 cm Bruxelles – Musées royaux des Beaux-Arts
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Le massacre des innocents est l’une des nombreuses copies que Brueghel le jeune a fait de l’original de son père (qui appartient au château de Windsor). Brueghel a peint ceci alors que le duc d’Albe avait été envoyé en Flandre par Philippe II d’Espagne pour mettre fin aux révoltes protestantes. La scène cependant montre comment, à la suite d’une prophétie annonçant la venue au monde du roi des Juifs, Hérode ordonne de faire assassiner tous les enfants de moins de 2 ans. Détail cruel: une famille négocie avec le soldat, prenez ma fille mais laissez-moi le garçon !
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Brueghel l’ancien la danse de la mariée en plein air 1558 huile sur bois 119,4 × 157,5 cm Bruxelles – Musées royaux des Beaux-Arts
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Pieter Brueghel le jeune la danse de noce en plein air. Voir un commentaire.


Brueghel le jeune le combat de carnaval et de carême 1638 huile sur bois 119,4 × 157,5 cm Bruxelles – Musées royaux des Beaux-Arts
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Pieter Brueghel Le Jeune le combat de carnaval et de carême dont l’original du père est à Vienne). A gauche on trouve viandes, danses et réjouissances, à droite poissons, charité et pénitence. D’un côté la taverne, de l’autre l’église où les statues sont voilées pour Pâques. Au premier plan, une joute entre un Carnaval rondouillard chevauchant un tonneau de bière armée d’une broche avec des viandes et Carême, une femme décharnée, armée d’une pelle à pain avec deux maigres poissons dessus. Elle tient dans sa main gauche de quoi se flageller.

Voir d’autres oeuvres de Pieter Brueghel le jeune au musée des beaux arts de Bruxelles.