… en songeant à cette forme de garantie pour faire partie des élus que s’offrait ainsi la famille de Christophe Plantin au 16e siècle, célèbre imprimeur anversois, en se plaçant sous la protection des saints et en figurant comme donateur au premier plan du triptyque. On achetait ainsi son salut.
Autre œuvre contemporaine acquise par la cathédrale Javier Perez, corona 2018, une couronne d’épines en verre.
Ensuite, surprise, la maison de Rubens vient de fermer pour travaux.
Nous nous dirigeons donc vers le MOMU (Modemuseum Musée de la Mode) dans le quartier des jeunes stylistes. Il abrite la plus grande collection de mode belge et organise des expositions temporaires de qualité. Nous sommes tombés sur une exposition intitulée Man Ray et la mode,
qui nous a permis de voir les photos de mode réalisées par Man Ray pour les grands couturiers de la belle époque et des années folles, confrontées aux vêtements en question présentés sur des mannequins.
Mais surtout de voir comment les photos les plus originales de Man Ray peuvent ou ont pu inspirer des stylistes contemporains.
Un styliste belge qui a été inspiré par la chevelure de Man Ray.
Il a été inspiré par le violon d’Ingres de Man Ray, qui est figuré à l’arrière.
Qui a été inspiré par cette photo de Man Ray.
Inspiré par les larmes (en perles) de Man Ray.
En savoir plus sur cette exposition.
Un espace, au rez-de-chaussée, est également réservé aux travaux des étudiants de l’école de mode d’Anvers, célèbre au niveau international. Voir des travaux d’étudiant dont il était demandé de revisiter le concept de jupe.
Le soir, nous sommes allé le long de l’Escaut, voir le Steen, (la pierre), qui est le plus vieux château de la ville. Il a été construit au 9e siècle pour défendre la ville, puis agrandi au 16e siècle sous Charles Quint.
Jour 5
Nous allons en bus jusqu’au KMSKA, (le musée royal des Beaux-Arts), qui vient de rouvrir après 10 ans de travaux. Une façade à colonnades corinthiennes surmontée de chars en bronze et ornée de 4 figures allégoriques. Le musée abrite quantité de chefs-d’œuvre parmi les plus connus comme le tableau de Jean Fouquet Madone entouré de Séraphins et de Chérubins,
Jean Fouquet, madone entourée de séraphins et de chérubins, 1450 huile sur toile 94 x 85 cm Anvers Musée des beaux arts
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Jan Van Eyck, la Vierge à la fontaine, 1439 huile sur bois 19 x 12 cm Anvers Musée des beaux arts
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– Rogier Van Der Weyden, le portrait de Philippe de Croy 1460. Voir un commentaire.
– et le triptyque des 7 sacrements, 1445 voir un commentaire.
Mais l’originalité de ce parcours dans les œuvres historiques c’est qu’il est ponctué par la présence d’œuvres contemporaines dont le propos résonnent avec celui des maîtres anciens.
Par exemple dans cette salle où domine la souffrance du Christ et des martyrs, cette sculpture de Berlinde de Bruyckere, en cire, autre chair souffrante agrippée à une colonne,
… ou bien à côté de ce Christ mort une vidéo de Bill Viola qui parle (silencieusement) de l’affliction. Dans une salle qui rassemble des portraits de puissants sur le thème du pouvoir, cette œuvre ironique de Magritte madame Récamier.
Hans Memling portrait d’homme à la médaille 1471 huile sur bois 31 x 23 cm Anvers Musée des beaux arts
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Simone Martini polyptyque 1433, voir un commentaire.
Jean Clouet, le dauphin François de France enfant 1518 (François 1ier enfant).
Quentin Metsys le prêteur et sa femme et
Quentin Metsys le prêteur et sa femme 1514 huile sur bois 71 x 67 cm Anvers Musée des beaux arts
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Quentin Metsys, le triptyque de la déploration du Christ 1509.
Abraham Janssens Scaldis et Anvers 1609.
Abraham Janssens Scaldis et Anvers 1609 huile sur bois 174 x 308 cm Anvers Musée des beaux arts
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C’est une allégorie. Scaldis en latin c’est l’Escaut. Ce tableau a été commandé au peintre par le magistrat de la ville pour la chambre des États de l’hôtel de ville. Le conseil municipal voulait inciter les négociateurs (Provinces Unies et les Pays-Bas espagnols) à rouvrir l’Escaut à la navigation, ce dont dépend la prospérité d’Anvers.
La jeune fille (Anvers) est représentée avec une corne d’abondance, face au dieu de la rivière Scaldis (Escaut). En tombant, de cette corne d’abondance, les fruits et les légumes prennent la forme d’un visage humain (clin d’œil à Arcimboldo).
Le vieux Dieu s’appuie sur une amphore, d’où s’écoule l’eau. La composition générale renvoie à la création d’Adam par Michel-Ange.
Jacob Jordaens, le concert de famille 1638 une scène de genre bien flamande.
Pierre Paul Rubens l’incrédulité de saint Thomas 1613.
Pierre Paul Rubens l’incrédulité de saint Thomas 1613 huile sur bois 143 x 123 cm Anvers Musée des beaux arts
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Et parmi les modernes (19e siècle) nous avons été amusé par ceci :
Jan Verhas le défilé des écoles 1878 huile sur toile 241 x 423 cm Anvers Musée des beaux arts
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Jan Verhas, le défilé des écoles 1878 en présence du roi Léopold II (alors que l’on reparle d’uniforme à l’école…)
et par Emile Claus, désherbage du lin en Flandre 1887.
Un tableau du symboliste Jan Toorop, la nouvelle génération,
Jan Toorop, la nouvelle génération 1892 huile sur toile 96,5 x 110 cm
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Il a représenté sa fille, sur sa chaise haute, environnée par un paysage fantastique. Voir un commentaire.
Notre parcours de salle en salle était ponctué par la présence incongrue de grands volumes. Ce sont des réalisations d’un artiste scénographe contemporain Christophe Coppens destinées à nous faire retrouver, dans la même salle, quel détail dans un tableau l’a inspiré.
Ainsi par exemple cette grosse masse rocheuse, c’est celle de la fuite en Égypte de Joachim Patinir,
Cette main au doigts crochus qui tourne à l’angle du plafond, c’est la main de Saint-Jérôme dans l’œuvre de Marinus van Reymerswaele
Ces chameaux en velours affalés sur une banquette se sont à l’arrière-plan de l‘Adoration des Mages de Rubens,
Cette énorme mâchoire animale est un détail de la tentation de Saint-Antoine de Maertens de Vos.
Après ce parcours très riche, nous avons traversé une zone en chantier pour atteindre le MHKA le Musée d’Art Contemporain, aménagé dans un ancien silo à grains. L’espace d’exposition est très vaste, sur deux étages.
Au premier étage, nous avons fait connaissance d’un artiste contemporain Ignace Cami né en 1986 qui avait installé, en collaboration avec une boulangerie locale, un étal- charrette pour offrir aux visiteurs des spéculoos fraîchement cuits, à partir de planches de biscuit qu’il avait lui-même gravées avec des portraits de héros populaires.
Les planches étaient présentées au mur. Voir un commentaire.
Dans la salle voisine, une grande table ronde avec des verres auxquels étaient attachées par des chaînes des têtes d’oies en céramique.
Ignace Cami I’ll explain everything to the geese Anvers musée d’art moderne
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Cette œuvre s’inspire d’une ancienne tradition du tir à l’oie, qui se pratique encore dans certains villages des Flandres. Lors d’une compétition, les cavaliers de différentes associations locales passent l’un après l’autre sous une oie suspendue par les pattes à une corde tendue entre deux perches. Le but est d’être le premier à arracher la tête de l’oie, tout en restant juché sur son cheval. Le vainqueur est le roi de l’association pendant un an. Depuis quelques années des oies en céramique ont remplacé les vraies oies.
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Bref, Ignace Cami, qui par ailleurs enseigne en école d’art, expérimente de manière ludique diverses formes du patrimoine culturel local.
Dans un autre espace, plusieurs documents, images et textes rappellent le souvenir d’un mouvement collectif belge à l’esprit 68, Max Moving, qui publiait une revue mensuelle satirique et organisait des manifestations collectives dans les lieux publics. En 1972, dans le cadre de la Biennale de Venise, ils avaient installé pour leur Butterfly project un cocon géant devant le Palais des doges, pour faire éclore des milliers de papillons.
Et le musée rendait aussi hommage à Gordon Matta-Clark (1943-1978) le fils de Matta le surréaliste chilien. Nous le connaissons, pour ses interventions “d’anarchitecture” consistant à découper des ouvertures géométriques dans des bâtiments en voie de démolition et combiner ainsi le langage minimaliste et la monumentalité du land art.
Sur un écran mural était projeté le film d’une de ses actions performance en 1973, à New York « clock shower ». On le voit s’installer de façon acrobatique sur une grosse horloge, équipé d’une aiguille d’un tuyau et prendre sa douche, se raser etc. Lorsque la caméra prend du recul, on découvre d’où il était perché.
Gordon Matta-Clark, Clockshower, 1973
Enfin dans une dernière salle était projeté sur grand écran le film d’une action de Askhat Akhmedyarov né en 1965 au Kazakhstan, réalisée en 2019, entre art et activisme. On le voit, en vue aérienne, installer dans le paysage des bottes de paille qui, à force va-et-vient, composent un portrait d’homme. Puis il met le feu, et le visage progressivement s’efface dans la paille brûlante. J’ai lu que les portraits choisis sont ceux de lauréats du prix Nobel de la paix et de politiciens qui autrefois avaientt tenté de mettre fin au feu de la guerre. Dans ce double geste de création et de destruction, l’artiste dit qu’il a choisi le feu pour sa nature ambivalente, à la fois terrifiante et fascinante et là pour son pouvoir purificateur. L’œuvre s’intitule en dialogue avec le feu.
Jour 6
Nous sommes allés visiter le musée Mayer Van den Berghe dans ce qu’on appelle le quartier latin. Il est installé dans une maison de style néo-gothique du début du 20e siècle et montre les collections de Fritz Mayer van den Bergh (1858-1901) qui a acheté des sculptures médiévales, des peintures, des tapisseries. Mort prématurément, il avait demandé à sa mère d’exaucer son vœu de montrer sa collection dans un musée. Les salles sont chargées de tableaux présentés sur des murs tapissés de cuir de Cordoue. Parmi des centaines d’autres nous avons retenu :
Jan Gossaert (Mabuse) Marie-Madeleine 1525
Jan Gossaert (Mabuse) Marie-Madeleine 1525 Anvers musée Mayer Van den Berghe
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et Quentin Metsys, triptyque crucifixion avec donateur 1500-1525.
Quentin Metsys, triptyque crucifixion avec donateur 1500-1525 Anvers musée Mayer Van den Berghe
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Mais le chef-d’œuvre qui fait courir les foules c’est un Brueghel, Margot la folle 1554 parce que les historiens d’art se disputent diverses interprétations.
Brueghel l’ancien, Margot la folle 1554 huile sur bois 115 x 161 cm Anvers musée Mayer Van den Berghe
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C’est en effet une œuvre à la fois ironique et cruelle. En flamand le titre est Dulle Griet et Griet désigne une femme qui laisse libre cours à sa colère. Dans la toile, les femmes attaquent des hommes/monstrueux façon Jérôme Bosch, certains en profitent pour piller. Quant à Margot, elle se dirige résolument vers la bouche de l’enfer, figurée comme une bouche ouverte d’un enfant. Certains y voient une œuvre féministe avant l’heure, une sorte de bataille des sexes où les femmes veulent prendre le pouvoir, d’autres pensent que c’est une moquerie de Brueghel envers les femmes hystériques, d’autres enfin y voient l’illustration d’un proverbe flamand : “elle pouvait aller piller l’enfer et revenir saine et sauve” ou “elle pouvait aller en enfer avec une épée dans sa main”. Voir un commentaire.
Voir d’autres oeuvres du musée.
Puis nous sommes allés, en tramway, dans le quartier des docks (Het Eilandje), sur les berges de l’Escaut. Ce quartier toujours en chantier bénéficie d’un bâtiment spectaculaire le MAS, (Museum aan Stroom, musée sur le fleuve), c’est pour les anversois le Guggenheim de Bilbao.
Construit par un cabinet d’architecte néerlandais, c’est une tour de 62m de haut qui évoque des containers posés les uns sur les autres suspendus entre d’immenses baies vitrées dont les vagues rappellent le rideau d’eau d’une cascade. Ceci allège visuellement la pierre de sable rouge. Détail 3 185 mains en aluminium sont fixées sur la façade, référence à la légende de Silvius Brabo. On fait avec des escalators une balade verticale de 10 étages qui permet de voir la ville d’en haut. Ce musée est consacré à l’histoire d’Anvers dans le monde, et du monde à Anvers. La muséographie est épatante et concerne tous les publics : un étage est consacré aux enfants avec des récits audio et des installations de contes et de légendes,
Voir également la tête du géant Druon qui terrifiait les habitants à l’époque romaine.
Un autre étage retrace l’aventure du commerce, des siècles d’échange de marchandises transitant par Anvers, associant des objets réels ramenés des pays exotiques et ceux figurant dans les tableaux.
Un autre étage à la question ancienne et actuelle de l’approvisionnement en eau, à la question de la colonisation.
Un étage consacré aux objets protecteurs de la maison sur les quatre continents.
Au dernier étage on trouve la collection Dora Janssen-Arts d’art d’Amérique précolombienne.
Un peu plus loin dans le même quartier, nous avons vu le Nieuw Havenhuis (capitainerie du port) de Zara Hadid, superbe construction en forme de diamant taillé, chevauchant une ancienne caserne du 19e siècle, rénovée.
Symbole du riche passé des ports et de la ville, ce bâtiment accueille les autorités portuaires. Le bâtiment date de 2016, l’année de la disparition de l’architecte.
Jour 7
Voyage retour en train.
La Belgique n’est une nation indépendante que depuis 1830. Jusque-là, elle a toujours été convoitée pour le dynamisme de ses artisans et de ses commerçants et a été tour à tour aux mains des Carolingiens, des ducs de Bourgogne, de Charles Quint, Philippe de d’Espagne puis de Marie-Thérèse d’Autriche, menacé par Louis XIV, par Napoléon, et par les Pays-Bas. Le pays a été déchiré par des guerres de religion et a payé un lourd tribut aux deux guerres mondiales du 20e siècle.
Depuis 1970 et 1994 la Constitution remaniée a créé un État fédéral à trois régions: le Nord flamand, le Sud wallon francophone et Bruxelles bilingue.
Le rôle de Bruxelles comme capitale européenne lui assure un avenir international. Anvers est le deuxième port d’Europe (derrière Rotterdam) c’est une ville qui entretient soigneusement son patrimoine culturel et historique, tout en construisant des projets audacieux. C’est ce dynamisme que nous avons ressenti avec une population jeune et accueillante.