La danse de l’ère industrielle à nos jours

Utopie esthétique et idéologie totalitaire

Laban va concevoir la cérémonie d’ouverture des JO de 1936 à Berlin.


Cérémonie d’ouverture de JO de 1936 à Berlin
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Cérémonie d’ouverture de JO de 1936 à Berlin
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On va instrumentaliser les corps, Laban finalement n’assistera pas à la cérémonie d’ouverture des JO.
Rudolf Laban, chorégraphe des JO de Berlin 1936

Les disciples de la danse expressionniste allemande :
– Mary Wigman qui s’éloigne de Laban va se rapprocher ensuite d’Emil Nolde et du groupe Die Brücke.
Kurt Jooss, très préoccupé par les questions sociales, est sommé de quitter l’Allemagne en 1933, il s’installe en Angleterre. De retour en Allemagne en 1947, il parcourt l’Allemagne et l’Europe en dispensant, jusqu’à sa retraite, son enseignement et ses chorégraphies dans les plus grandes compagnies, Inventeur du « Tanztheater », il a monté notamment la table verte. Il fut notamment le professeur de Pina Bausch.

Depuis le début du XXème siècle Dada et le surréalisme vont rapprocher l’art de la vie. L’idée est que l’expression immédiate de sa conscience est le reflet de ce que l’on est. Tout peut être art (même la fontaine de Marcel Duchamp).
Dans ce contexte, la danse va adopter une esthétique nouvelle

Martha Graham va également être inspirée par Laban. La technique de danse qu’elle développe est caractérisée par des mouvements expressifs et puissants du corps, mettant l’accent sur l’expression émotionnelle et l’exploration des profondeurs de la psyché humaine. Sa technique repose sur une respiration profonde et contrôlée, une utilisation de la gravité et une tension musculaire spécifique pour créer des mouvements dynamiques. La danse est basée sur des concepts de tension et de détente, de contraste entre la fluidité et la rigidité, et d’exploration des émotions et des thèmes universels tels que la passion, la douleur, la lutte et la résilience.


Martha Graham Dance Company

D’autres danseurs explorent cette voie également Ruth St Denis et Ted Schawn, Doris Humphrey, et Erik Hawkins

6 – La contre culture aux USA, vers une société de consommation

Le black mountain college prolonge aux Etats-Unis le courant du Bauhaus en créant un foisonnement artistique (abstraction, minimalisme, Sérialisme, musique stochastique, l’aléatoire, le non figuratif).
Merce Cunnigham va révolutionner la danse. Il travaille avec Robert Rauschenberg et John Cage.
Il va rentrer dans une autre manière de voir la danse qu’il considère comme un art total.


Comment Merce Cunningham a révolutionné la danse

Art et politique aux USA dans les années 60

Epoque aux USA dites « des minorités » Les « Trente glorieuses », l’opposition à la guerre du Vietnam, les mouvements révolutionnaires parmi les classes aisées (Beatnik, hippie et yippie). Les jeunes contestent les valeurs de leurs parents et dénoncent la société de consommation.


Génération Woodstock
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La danse de cette époque est complètement différente, on rapproche l’art de la vie, le geste quotidien est très important. Merce Cunningham a travaillé avec Robert Rauschenberg et Andy Warhol.

Yvonne Rainer va écrire un manifeste, le No Manifesto.
« Non au spectacle
non à la virtuosité
non aux transformations, au merveilleux, au trompe-l’œil
non à la fascination et à la transcendance de l’image de la star
non à l’héroïque
non à l’anti-héroïque
non aux images de pacotille
non à l’engagement du performer ou du spectateur
non au style
non au maniéré
non à la séduction du spectateur par les artifices de l’interprète
non à l’excentricité
non à l’émouvant et à l’ému.
»
Non à tout, par exemple, elle va permettre à ses acteurs se déshabiller et s’habiller en regardant intensément le public. Geste du quotidien mis en scène. On est sur la réalité des actions quotidiennes.

Trisha Brown une des pionnières de la post moderne danse américaine. Elle ne va travailler que sous forme de performance, souvent sans musique, dans des endroits inattendus (façades d’immeubles, la rue, hangars etc.)
Voir Trisha Brown, Floor of the forest 1970. Cette œuvre explore les interactions entre le corps, le mouvement et l’espace en mettant l’accent sur la relation entre le danseur et le sol.
Mais sa chorégraphie la plus célèbre est Parades and Changes en 1964, dans laquelle les danseurs se déshabillaient et disposaient sur scène de grands rouleaux de papier de couleur chair, pour dissimuler un peu leur nudité.


Minute du spectateur – Trisha Brown – Maison de la Danse

C’est une manière révolutionnaire de voir la danse dans les années 60.

Anna Halprin avait également pour intention de rapprocher l’art de la vie. Sa danse ne raconte rien, ne porte aucun message. Il s’agit de revenir au principe le plus essentiel de la danse : le mouvement pur.
Elle a accueilli en stage de nombreux artistes et consacré toutes ses dernières années à faire danser les malades du sida, des blancs et des noirs ensemble, des détenus, des personnes âgées etc. Pour elle, la danse est un art-thérapie.
Voir le souffle de la danse.

Le Pop Art, Action Painting, l’art et la vie

Dans l’Action painting de Pollock, le geste est partie prenante de l’œuvre.
Andy Warhol, devenu la star du Pop Art, utilise les mêmes rouages que la société de consommation dans son travail artistique : il multiplie et assomme le regardeur. La Campbell’s Soup est hissée au rang d’une icône artistique symbolisant la consommation.


Andy Warhol, Campbell’s Soup, 1962, 97cm x 163 cm MoMA
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En France la danse semblait en dehors de cette dynamique, mais plusieurs artistes vont s’y installer.
D’une part le Centre national de danse contemporaine (CNDC) est créé à Angers en 1978, et en 1992, Cunningham y a créé une pièce intitulée « Trackers » à l’invitation du CNDC, alors dirigé par le chorégraphe français Dominique Bagouet.

D’autres part des danseurs vont être influencés par l’Allemagne comme Dominique et Françoise Dupuy, Karine Waehner, qui vont travailler avec Mary Wigman, et retourner en France.

Une nouvelle danse émerge avec Dominique Bagouet, Angelin Preljocaj et Michel Kelemènis, Maguy Marin.

Pour eux, le corps devient matière. Le geste habille les états du corps. Comme Marcel Duchamp, on s’intéresser plus au processus qu’au produit.

Maguy Marin par exemple va travailler sur l’absurde avec May B. La chorégraphie explore la solitude, la fragilité et les interactions sociales à travers un langage corporel expressif et poétique.


Maguy Marin May B

Dominique Bagouet va créer So Schell en étant en interaction avec le Pop art. Comme Roy Lichtenstein, il va travailler à la pixélisation du temps, et du geste. Il choisit comme musique une cantate de Bach jouée en accéléré (il était à l’époque proche de la mort et il avait une urgence à vivre).

La danse contemporaine se développe ailleurs avec des processus artistiques nouveaux.

C’est la cas en Belgique avec De Keersmaecker qui présente « Rosas danst Rosas ». La pièce est une exploration de la féminité, de l’intimité et de la répétition. La chorégraphie de « Rosas danst Rosas » est basée sur des mouvements répétitifs et des motifs précis.


Anne Teresa De Keersmaeker – Rosas danst Rosas

En Allemagne, avec Pina Bausch, l’expressionnisme devient le « Tanztheater » qui est une forme de danse qui intègre des éléments du théâtre, de la danse contemporaine et de l’expressionnisme.
Exemple : Kontakthof : dans un décor de Rolf Borzik – une grande salle de bal aux murs gris – se rencontrent, se croisent, s’affrontent, se toisent des hommes en costumes sombres et des femmes en robes de satin et talons aiguilles. La danse est interrompue par des séquences au micro : arrêts sur des souvenirs, des bribes de vie…


Pina Bausch KONTAKTHOF

Maguy Marin aborde souvent des thèmes politiques et sociaux dans ses chorégraphies, en remettant en question les structures de pouvoir, les inégalités et les injustices de la société. Elle utilise la danse comme un moyen d’expression et de critique sociale. Elle explore de nouvelles formes de mouvement et utilise des techniques non conventionnelles pour créer des compositions originales et surprenantes.
Maguy Marin va dénoncer la société de surconsommation, le capitalisme néolibéral à travers notamment « ligne de crête« .
Il s’agit d’un espace de co-working, vide au début qui se rempli de choses inutiles au fur et à mesure de l’occupation des locaux (les gens qui y travaillent amènent avec eux des objets de leur quotidien et les laissent à leur départ).


Maguy Marin Ligne de crête 2018

C’est une critique très acerbe de la société de consommation.


Un siècle de danse par Sonia Schoonejeans et Pierre François Decouflé

Voir également : La danse et les arts plastiques (A. Ghenassia)