La danse de l’ère industrielle à nos jours


Nijinski, 1912, plâtre, Paris, musée Rodin
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Ses oeuvres semblent animées d’un mouvement éternel.


Mouvements de danse Musée Rodin Paris
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Nijinski fait le lien avec l’antiquité grecque, Dionysos, le retour aux sources.


Lien entre Nijinski, et l’antiquité grecque
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Nijinski s’est directement inspiré de l’antiquité pour créer l’après midi d’un faune en 1912 (la grande nymphe est dansée par la sœur de Nijinski).

Rodin redécouvre les infinis possibles du geste et au delà d’Isodora Ducan, il revisite ses études de la Grèce antique.
Il va rencontrer les Aspara (danseuses Cambodgiennes) à Paris en 1906 venues pour l’exposition coloniale de Marseille. Il va être sous le choc esthétique de cette danse.
La danse est un acte qui pour lui résume tous les autres : « La beauté plastique peut se nicher dans le moindre repli de la chair. » Il a une passion pour l’universalité du mouvement.
Pour Mario Meunier (helléniste) « Dans la danse, c’est la peinture, la sculpture et la musique tout entière qui s’animent« .
Pour Rodin, on est sur le génie de la danse, l’expression de l’instinct et il va réaliser de nombreux dessins.


Auguste Rodin. Danseuse cambodgienne 1906 Paris, musée Rodin
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Voir d’autres dessins.

Cette modernité va s’arrêter car Nijinski va interrompre l’aventure des ballets russes, il va entrer dans une forme de folie. Les nouveaux chorégraphes des ballets russes, ne vont pas poursuivre dans cette voie, ils vont plutôt se tourner vers une forme de néo-classicisme.
La danse en France va être ensuite influencée par des modèles provenant soit d’Allemagne, soit des Etats-Unis.

Voir également : La danse classique occidentale rentre dans la modernité au XXème siècle.

4 – L’expressionnisme en danse, un réel subjectivé

Des penseurs vont être sur la libération des corps avec la notion d’élan vital. La notion d’élan vital est une idée philosophique développée par Henri Bergson. Selon Bergson, l’élan vital est une force créatrice et évolutive présente dans toute la nature, qui anime et impulse la vie. Pour Bergson, la vie ne peut pas être réduite à de simples lois physiques ou à des processus mécaniques. Au lieu de cela, il soutient que la vie est essentiellement un processus créatif et imprévisible dans une harmonie avec l’espace, le temps, l’esprit et le corps.

On est dans une « révolution spirituelle » avec des idées de réforme de vie, création de mouvements de jeunesse pour être en accord avec la nature (randonnées forestières, « Wandervögel« ). L’idée est de s’affranchir des normes pour être en relation avec le cosmos (vision de Démocrite d’un cosmos sans maître). La culture de l’expression consiste à percevoir et à comprendre le corps comme moyen d’expression.

C’est une autre manière de voir le corps. La relation au réel ne va plus être objective. On parle en Allemagne de «Ausdruckskultur» culture d’expression. C’est dans ce contexte qu’est né l’expressionnisme, un courant artistique figuratif apparu au début du XXe siècle, en Europe du Nord, particulièrement en Allemagne.
L’expressionnisme a touché de multiples domaines artistiques : la peinture, l’architecture, la littérature, le théâtre, le cinéma, la musique, la danse, etc. L’expressionnisme fut condamné par le régime nazi qui le considérait comme un « art dégénéré ». L’expressionnisme est la projection d’une subjectivité qui tend à déformer la réalité pour inspirer au spectateur une réaction émotionnelle.
Les représentations sont souvent fondées sur des visions angoissantes, déformant et stylisant la réalité pour atteindre la plus grande intensité expressive.


Edvard Munch Le cri 1893 huile sur toile 91 x 73 cm Musée national de l’Art, de l’Architecture et du Design Oslo
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L’expression de la subjectivité (AER appropriation esthétique du réel), conduit à une représentation différente de la réalité par exemple, le cri de Munch est le résultat d’une « expression subjectivée ».


Emil Nolde, Danse autour du veau d’or, 1910 Huile sur toile, 87,5 x 105 cm
Munich, Pinacothèque d’art moderne

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La danse était à l’époque en Allemagne en interaction avec les autres arts. La théorie des couleurs de Goethe qui développe la notion de résonance psychologique de la couleur va influencer les artistes de cette époque. Les couleurs complémentaires sont souvent les opposées et c’est la même chose en danse.

Kandinsky va expliquer ces oppositions de couleurs et de formes, de lumières et d’ombres dans son ouvrage, Du Spirituel dans l’art.


Wassily Kandinsky Jaune-rouge-bleu (1925) huile sur toile 128 × 201,5 cm Centre Pompidou Paris
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Il consacre le tableau Jaune-rouge-bleu (1925) au thème des correspondances entre forme et couleur avec une composition qui transpose la théorie de la spatialisation induite par la couleur en peinture. Voir un commentaire.

D’autres peintres, Frantz Marc, Max Beckmann, Georg Grosz, sont associés à ce mouvement et et prônent une intériorité entièrement spiritualisée et dématérialisée de la sensation.
Pour l’expressionisme, l’improvisation et composition sont les parties les plus importantes.

On va retrouver ces éléments dans la danse. L’expressionnisme allemand en danse cherchait à exprimer les émotions et les états intérieurs des danseurs de manière abstraite et subjective. Il rejetait les formes traditionnelles de danse classique et mettait l’accent sur l’expression personnelle, la gestuelle expressive et les mouvements anguleux. Les formes et les gestuels qui sont en contraste sont les plus complémentaires dans une harmonisation du geste (gestes légers ou très saccadés, très soudains, très explosifs).

La danseuse Mary Wigman va émerger dans le courant expressionniste allemand.


Mary Wigman, Hexentanz

L’exagération du réel permet d’accroitre le pouvoir expressif. On est sur l’expression immédiate de la conscience.

Au Bauhaus également Oskar Schlemmer et son ballet triadique veut créer une œuvre d’art totale mêlant la danse, les arts plastiques, musique, les décors.


Ballet triadique

Gestuelle économe influencée par la révolution industrielle, costumes architecturaux.

5 – Philosophies vitalistes et idéologie des corps

D’autres groupes vont trouver dans cette démarche de l’intérêt que peut avoir un corps hygiénique, qui permet d’assurer son bien être et son rapport à la nature.

Rudolf Laban il crée en Suisse, à Ascona, sur le Monte Verità, une école que rejoignent bientôt de nombreux partisans de la danse moderne. Il y dispense des cours d’été (1913-1919). Ce site devient un haut lieu de la liberté de penser et le symbole d’un mode de vie alternatif et ludique rejetant le capitalisme industriel et la société de consommation.


Le Monte Vérità
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Des artistes, des penseurs utopistes, des danseurs vont venir, pour inventer une nouvelle manière de vivre (le naturisme, le végétarisme, et des relations plus libres entre hommes et femmes).

En 1928, il publie Kinetographie Laban qui propose un système de notation pour les mouvements dansés primaires, appelé par suite Labanotation. Ce système permet de transcrire et d’analyser les mouvements du corps dans l’espace avec précision. Il propose également des mouvements de danse pour les masses, soit un art du « chœur en mouvement ». La création d’un système d’écriture permet à de nombreux danseurs de créer une chorégraphie sans même se voir.
Il va créer sa propre compagnie qui sera reconnue par l’Etat. Ce retour à l’Antiquité, la recherche du geste juste, et le retour à la nature va occasionner un idéal nationaliste. Le groupe permet à l’individu de s’épanouir, ce qui va intéresser le 3ème Reich et la danse va être prise en otage à cette époque par ce régime.


LABAN les fondamentaux du mouvement