Considérée comme classique en son temps par opposition au romantisme de Géricault et Delacroix, l’œuvre de Ingres est un répertoire de formes et d’idées d’une richesse telle que les artistes modernes et contemporains y ont puisé à l’infini: hommages, emprunts, reformulations, absorption, irrévérence… toutes ces procédures de » citation » ont depuis des générations contribué à renouveler notre regard sur ce grand maître » classique » si audacieux.
Intervenante : Agnès Ghenassia
Je me suis appuyée largement sur l’exposition que le musée Ingres de Montauban a présentée en 2009 avec un immense succès ainsi que celle plus récente de 2022 consacrée aux emprunts que Picabia avait fait aux dessins de Ingres.
Jean Auguste Dominique Ingres est né à Montauban en 1780, son père était sculpteur d’ornements. Il est l’aîné de 5 enfants. On reconnaît très tôt sa précocité exceptionnelle pour le dessin et il rentre dès l’âge de 11 ans à l’Académie des beaux-arts de Toulouse. En même temps il apprend le violon et adolescent, il devient même second violon dans l’orchestre de Toulouse.
Jacques Carelman le véritable violon d’Ingres 1980 (l’artiste né à Marseille en 1929 est le concepteur d’une soixantaine d’objets introuvables).
Paris 1797-1806
Ingres entre dans l’atelier de David, qui travaillait aux Sabines, son “tableau grec”. Dès 1800, il tente le Grand Prix de Rome, qu’il obtiendra en 1801 avec son tableau Achille recevant les envoyés d’Agamemnon 1801.
Ingres, Achille recevant les envoyés d’Agamemnon 1801 huile sur toile 1010 x 1550 cm École nationale supérieure des beaux-arts Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Une grande composition montrant sa maîtrise parfaite des modèles antiques et une excellente connaissance du texte d’Homère (qualités indispensables aux yeux du jury). Ainsi son personnage d’Ulysse en toge rouge est inspiré d’une sculpture romaine du Vatican, Phocion.
Ces savoir-faire ont été nourris par une étude approfondie des anatomies masculines à partir de modèles vivants (appelés des académies) autour de l’année 1800. Ces travaux sur le nu permettaient de perfectionner son art du dessin. Ces académies d’hommes ont inspiré quelques détournements à nos contemporains.
Braco Dimitrijevic, Triptychos Post Historicus, Ingres, pelle, poire 2008. Artiste serbe, né à Sarajevo en 1948, il vit entre Paris, Londres et New York.
Braco Dimitrijevic, Triptychos Post Historicus, Ingres, pelle, poire 2008
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Il donne une toute autre signification à ce torse en installant devant des objets du quotidien. C’est une façon de montrer qu’aujourd’hui ces poses n’ont plus cours dans les ateliers.
Calum Colvin Narcissus 1987
Calum Colvin Narcissus 1987 Peinture sur photographie, couleur, sur papier 155 × 122 cm Tate Londres
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Né à Glasgow en 1961, son travail se situe entre sculpture, peinture, photo et art numérique. Il construit une scène, dans son atelier, à partir de vieux objets et meubles, puis sur la photo de cette scène, il peint un sujet pris dans la peinture ancienne, et re-photographie l’ensemble.
Le jeune Ingres répond à quelques commandes, comme celle du portrait de Napoléon Bonaparte, Premier consul en 1804 que Napoléon destinait à la ville de Liège.
Ingres, portrait de Napoléon Bonaparte premier consul, 1804 huile sur toile 226 x 144 cm La Boverie, Liège Belgique
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
On voit la Ville de Liège à la fenêtre. Comme on ne lui a pas accordé de séances de pose, Ingres s’est inspiré de l’œuvre de Jean-Antoine Gros (1802), 2 ans auparavant, pour représenter Napoléon
Parmi les premières commendes d’Ingres, on trouve également les portraits de 3 membres de la famille Rivière.
Ingres, portrait de Madame et de Monsieur Rivière 1805 huile sur toile
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Portrait de Madame et de Monsieur Rivière 1805. Lui est à haut fonctionnaire de l’Empire, jurisconsulte à la cour impériale. Ingres l’a représenté dans le style des portraits de David, très dessinés, très précis.
Madame Rivière, dite “la femme au châle”, est traitée très différemment. Elle est installée dans un format ovale, tout en courbes, avec une attention particulière aux textures.
Picasso s’est inspiré de sa pause accoudée, lorsqu’il a peint Olga dans un fauteuil en 1918. Le physique très classique d’Olga lui avait immédiatement fait penser à Ingres. C’était aussi pour lui une façon de rompre avec le cubisme.
Mais beaucoup plus célèbre est le portrait que Ingres a peint de leur fille mademoiselle Caroline Rivière en 1806 alors âgée de 13 ans.
Ingres, mademoiselle Caroline Rivière 1806 huile sur toile 100 x 70 cm musée du Louvre Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Une œuvre plus surprenante avec cette tête qui parait trop lourde pour ce corps menu, et ce boa de fourrure retenu par des gants jaune moutarde, qui ne paraissent pas de son âge et ce paysage à l’arrière-plan qui rappelle celui des portraits florentin de la Renaissance.
Voir un commentaire.
A cause de ces étrangetés, les contemporains se sont beaucoup attachés à elle :
Larry Rivers, I like Ingres a copie 1962 a encore allongé sa silhouette et accentué sa fraîcheur. Ce n’est pas une parodie, l’artiste américain avait été frappé par ce portrait d’Ingres vu au Louvre et qu’il a eu envie de lui rendre hommage.
Kurt Polkey, a peint en 2001 I like Larry Rivers a copy of Ingres un hommage à Larry Rivers.
Fernando Botero, mademoiselle Rivière d’après Ingres 2001.
Fernando Botero, mademoiselle Rivière d’après Ingres 2001 huile sur toile 205 × 144 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Le peintre colombien en a donné quatre versions « pachydermiques », voir également. Il essaye malgré tout de lui garder sa fraicheur.
Jiří Kolář, hommage à Mademoiselle Rivière, 1981 artiste tchèque (1914-2002) influencé par le surréalisme, très connu pour ses collages.
Avec sa version papillon de Mademoiselle Rivière, il en accentue la jeunesse et la fraîcheur, ailleurs il met l’accent sur l’allongement de la jeune fille. Il est plus iconoclaste avec les froissages de son image.
Antonio Bueno, mademoiselle Rivière hommage à Ingres 1981. Peintre d’origine espagnole (1918-1984) naturalisé italien.
Son interprétation donne un caractère enfantin à Caroline Rivière.
A l’inverse, Marco Ventura pour le magazine Playboy en 1997 lui a donné des formes beaucoup plus sexy. Mademoiselle Rivière féminist studies. C’est une huile sur papier. C’est un peintre illustrateur né en Italie en 1963 il a travaillé pour de nombreux magazines.
Marco Ventura, Mademoiselle Rivière féminist studies, (Playboy Magazine) 1997
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Patrick Raynaud, Ingre’s post cards mademoiselle Rivière 1991.
Patrick Raynaud, Ingres’ Post Cards: Mademoiselle Rivière, 1991 photographies couleur collées sur cartes en PVD et plexiglas 112 x 45,5 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Ce sont des photos couleur contrecollées entre Plexiglas et PVC sur un présentoir en métal. Patrick Raynaud, (né en 1946) a dirigé de 2002 à 2008 l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs à Paris. Son travail, qui prend des formes très diverses, il s’attache à la médiatisation des œuvres d’art.
Ruthie Ann, Modern Day Mademoiselle Rivière Ingres 2013, peinture très épaisse, au couteau.
Robert Wilson, metteur en scène et plasticien américain né en 1941.
Gaga portraits mademoiselle Rivière 2013 a filmé Lady Gaga en vidéo, elle est beaucoup plus hautaine.
et … même un playmobil
Ainsi les portraits ont parfois un destin magique ! La preuve, Caroline Rivière était décédée un an après que Ingres ait réalisé son célèbre portrait.
En 1806, Ingres réalise le portrait de madame Aymon ou la belle Zélie.
Ingres, Portrait de Madame Aymon ou la Belle Zélie 1806 huile sur toile 59 x 49 cm musée des beaux arts de Rouen
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Format ovale, son surnom est lié à un refrain d’une chanson à la mode dans l’atelier de David. Le portrait se caractérise par un style épuré et simple qui met en évidence les détails des boucles de cheveux et du châle.
Voir un commentaire.
Ce portrait a inspiré à Francis Picabia toute une série d’Espagnoles en 1920-1922.
Voir également Espagnole
Pol Bury, a réalisé un mélangeur de la belle Zélie 1992. Il reste fidèle aux courbes du modèle dans des déformations mouvantes. L’artiste belge (1922-2005) est connu pour ses fontaines cinétiques.
A l’âge de 81 ans il a appris à utiliser Photoshop sur son ordinateur et à jouer avec des œuvres d’art. 30 ans avant, sa technique du mélangeur contient une dizaine de représentations identiques superposées dans lesquelles il a découpé des cercles concentriques de sorte que, lorsqu’on les manipule, on recompose à l’infini l’image initiale. Il exploite ensuite cette technique avec Photoshop.
Rome 1806-1820
Ingres rejoint Rome où les lauréats du Grand Prix sont accueillis dans la villa Médicis que vient d’acquérir Napoléon. Il y découvre les peintures de Raphaël et du Quattrocento italien qui le passionnent.
Les commandes de portraits affluent :
Madame Léthière et son fils Lucien, c’est la femme et le fils du directeur de la Villa Médicis.
Ingres, madame Léthière et son fils Lucien portrait au crayon 24,1 x 18,7 cm MET New York
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
C’est un grand portrait dessiné avec un trait précis qui fournit tous les détails, c’est ce style de dessin ‘Ingresque” qui fera l’admiration de tous, de Picasso à David Hockney.
Joon Sung Bae série, le costume du peintre 2010, artiste coréen né en 1967, il pose sur les portraits de la peinture européenne, un regard qui déshabille les modèles.
Il fait poser nus et photographie des modèles coréens, puis tire les photos en grand format et recouvre son tirage d’un film vinyle transparent et amovible sur lequel il peint à l’huile tout l’attirail vestimentaire.
Ingres peint en 1807 le portrait de madame Duvauçay.
Ingres, Madame Duvauçay, 1807 huile sur toile 76 × 59 cm musée de Chantilly
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Madame Duvauçay est alors épouse d’un capitaine d’infanterie, et maîtresse de l’ambassadeur de France auprès du Saint Siège à Rome. Peinture toujours précédée d’un dessin.
Voir un commentaire.
Portrait de François Marius Granet 1807 artiste et ami d’Ingres, ancien condisciple de l’atelier de David. A l’arrière-plan, on voit le palais du Quirinal de Rome. Ce portrait est au Musée Granet.
Par ailleurs, il y a des travaux destinés à être envoyés à Paris par les pensionnaires pour témoigner de leurs progrès.
Parmi les premiers envois d’Ingres, on trouve La baigneuse de dos, dite baigneuse Valpinçon 1808, qui bénéficie aujourd’hui d’une admiration universelle.
Ingres, Baigneuse de dos, dite Baigneuse Valpinçon, 1808 huile sur toile 146 × 97 cm musée du Louvre
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Son nom est celui de ses anciens propriétaires. Tableau pudique et doux commenté à l’infini par les artistes.
Voir un commentaire.
Man Ray 1924 le violon d’Ingres. Une photo de Kiki de Montparnasse rehaussée par l’artiste à l’encre de Chine.
Voir un commentaire.
Axell, le viol d’Ingres par Axel 1968.
Axell, le viol d’Ingres par Axell, 1968 Huile sur toile, Formica, émail, polyester 132 x 202 cm collection Pinault
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Axell, alias Évelyne Devaux, est une artiste belge née en 1935 et décédée en 1972. Comédienne et pop artiste, elle mêle peinture acrylique à des plaques de plastique ou d’aluminium qu’elle peint à l’émail. Ici à gauche, la silhouette masculine, découpée en creux sur un faux marbre, est empruntée au torse d’homme d’Ingres en 1800 et se détournant de lui à droite, la jeune femme est celle de la Baigneuse Valpinçon.
Antonio Saura, Dame assise (superposition) 1974. Peinture sur reproduction photographique. Peintre espagnol (1930-1998) très connu pour ses crucifixions expressionnistes. Ici sa superposition amusante n’affecte pas la lisibilité du modèle.
Hans Peter Feldmann, coloriage 1977. Artiste allemand né en 1941.
Ici il a rehaussé à la main à l’aquarelle une photocopie en noir et blanc de l’œuvre, en lui gardant toute sa douceur.
Dany Leriche, Abaya diptyque 1992, peintre et photographe née en 1951, son travail porte sur les archétypes féminins dans l’histoire de l’art.
Il a fait poser une jeune femme noire venue du Bénin, Abaya, avec le tissu noué dans ses cheveux à la manière des femmes de son pays. Dans ce moment de détente, une agression possible est suggérée par la présence d’une épée derrière elle. Sur le panneau de droite, un grand papillon bleu est assailli par des milliers d’épingles.
– Mario Sorrenti, le publicitaire, a exploité la Baigneuse Valpinçon pour une publicité de Yves Saint Laurent Rive Gauche en 1999.
– Valéry Koshlyakov. Artiste russe né en 1962,
il a transposé la baigneuse en ruban adhésif coloré, scotch d’emballage, délibérément pour désacraliser l’œuvre d’art avec un matériau bas de gamme.
– Herman Braun Vega, Picasso et les baigneuses, Ingres et Matisse, 2004.
artiste péruvien né en 1933, il vit en France depuis 1951, se passionne pour Ingres depuis 1972. C’est de la peinture acrylique sur toile de même que, avant le bain 1987.
– Miss Tic est née à Paris en 1956. Ses premiers pochoirs urbains datent de 1985. Ses slogans associés à des femmes sont toujours percutants. Elles ont bon dos, les femmes passives, femmes faciles.
Hassan Musa dans sa série l’art de l’art avec Hokusai 2000. Ce sont des encres pour textile sur un assemblage de tissus imprimés. Né au Soudan, il vit en France dans le Gard depuis 1978. La baigneuse est associée au Christ de Mantegna et à l’autoportrait d’Hokusai, il joue à mêler les cultures et les époques.
Depuis peu, les travaux de Musa prennent un sens plus politique. Ainsi on retrouve la baigneuse dans Les fiancés d’Istanbul 2018 en compagnie de Jamal Khashoggi journaliste saoudien qui s’était exilé en 2017 aux États-Unis avant d’être assassiné en 2018 à Istanbul, mort qui a provoqué une crise diplomatique importante.
Le nu de dos de Ingres a motivé de nombreux artistes à la fin du 19e siècle à peindre aussi des modèles de dos :
– Edgar Degas, femme nue de dos se coiffant,1886,
– Seurat, poseuse de dos 1887,
– Gauguin, Paul Gauguin, Vahine no te miti 1892,
– Dali, ma femme nue, regardant son propre corps devenir marches, trois vertèbres d’une colonne, ciel et architecture, 1945.
Envoyée en même temps à Paris l’autre grande œuvre de 1808 est Oedipe et le sphinx.
Ingres Œdipe et le sphinx 1808 huile sur toile 144 x 185 cm Louvre Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
A la fois peinture de nu et tableau d’histoire mythologique. Oedipe, de profil, un pied sur un rocher, résout l’énigme du Sphinx qui lui fait face (une sphinge plus exactement), cachée dans l’ombre d’une grotte. Un homme au loin s’enfuit effrayé par les éléments d’un squelette évoquant les précédentes victimes du monstre. Face à face de deux profils “Grecs” masculins féminins
Voir un commentaire.
…. et qui a été très vite paraphrasé par les artistes.
Honoré Daumier le nouvel Oedipe devant le nouveau Sphinx 1851 lithographie parue dans charivari en 1851.
Gustave Moreau 1864 Œdipe et le Sphinx
Gustave Moreau 1864 Œdipe et le Sphinx 1864, 206 × 105 cm Metropolitan Museum of Art, New York
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Même face à face masculin/féminin mais cette fois Œdipe est debout et la sphinge s’agrippe à lui de façon provocante. Même squelette au premier plan, mais le modèle n’est plus “esthétique grec”. Oedipe a un geste de recul, et en même temps un geste de défi, il s’appuie sur une lance. Comme Ingres, Gustave Moreau a entièrement préparé l’œuvre d’abord en dessin.
Voir un commentaire.
En 1922 Francis Picabia réalise la feuille de vigne, dessin français. Picabia reprend la silhouette d’Œdipe chez Ingres et l’affuble d’un long nez pointu et d’une feuille de vigne. C’est une peinture au Ripolin sur toile qui renvoie à la posture dadaïste de l’artiste : tourner en dérision les valeurs bourgeoises. Pourquoi « dessin français » ? Parce qu’à l’époque d’Ingres, la peinture était très patriotique et il a occupé de nombreux postes officiels au cours de sa carrière. Tout ce que déteste Picabia.
Alfred Courmes Oedipe et le Sphinx (version scout) 1944 l’artiste (1898-1993) a peint cette version pendant l’occupation. Son Œdipe est un adolescent comique qui réfléchit à l’énigme posée par le Sphinx juché sur un chapiteau de colonne. Curieusement, un bras blanc surgit de la nuque de cette créature tenant une sorte de de lampe.
Giorgio de Chirico Œdipe et le Sphinx 1968
Giorgio de Chirico Œdipe et le Sphinx 1968 huile sur toile 90 x 70 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Bien dans le style « surréaliste métaphysique » de l’artiste.
Voir un commentaire.
Francis Bacon Œdipe et le Sphinx d’après Ingres en 1983. En 1967 Bacon est venu à Paris visiter la rétrospective Ingres au Petit Palais. Cette toile de 1983 appartient à Sylvester Stallone.
Francis Bacon Œdipe et le Sphinx d’après Ingres 1983 huile sur toile 127,7 × 89,5 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Œdipe est obnubilé par le pansement sanguinolent qui bande son pied et ne prête aucune attention au Sphinx qui tourne la tête vers le spectateur. Alors à l’arrière-plan, sur fond noir, une sphinge rappelle la culpabilité d’Œdipe. Quant au pied sanguinolent, il renvoie au nom même d’œdipe qui signifie « celui qui a les pieds enflés ». En effet l’oracle ayant prédit à Laïos et Jocaste (roi et reine de Thèbes) que, s’ils avaient un fils, celui-ci tuerait son père et épouserait sa mère. A sa naissance ils ont ordonné à un serviteur d’abandonner l’enfant sur le mont Cithéron, après lui avoir ligoté les pieds. Un berger l’a trouvé, puis l’a confié à un voyageur à la cour du roi de Corinthe, qui l’a élevé comme son fils, sans lui révéler le secret de son origine et lui a donné le nom d’Œdipe en raison de ses pieds liés.
Voir un commentaire.
Vik Muniz Œdipe and the Sphinx after Ingres (pictures of junk) 2006. Vik Muniz est né en 1961 à Sao Paulo au Brésil dans une favela. Atteint par une balle à la jambe il a reçu une compensation financière qui lui a permis de s’installer à New York. Oeuvre réalisée à partir de déchets.
Vik Muniz Œdipe and the Sphinx after Ingres (pictures of junk) 2006 Photographie chromogénique, 237 x 180 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
En souvenir de sa jeunesse, pour réaliser cette série, il a fait travailler des trieurs de déchets du plus grand dépotoir de la planète au Brésil. Avec des déchets ils construisent des images issues du monde de l’art, qui sont ensuite photographiées et tirées en grand format.
Konrad Klapheck, les questions du Sphinx 1984. Artiste allemand né en 1935. En août 1977 il s’est rendu au musée Ingres de Montauban pour y étudier, en plusieurs jours, tous les dessins du maître. 1999 la salle de bain (la sphinge est devenue une vielle femme), ici une inquiétante machine à coudre monumentale … qui est moins explicite.
Christian Milovanoff,
Né en 1948 il est photographe, professeur à l’école de photographie d’Arles depuis 1983. 45 photos composent cette série du Louvre revisité. Il joue sur la tension entre un détail d’un tableau, son cadre et le mur porteur.
Le Louvre revisité Ingres Œdipe expliquant l’énigme 1986.
Patrick Raynaud, valise d’Ingres Œdipe et les sphinx 1990.
Patrick Raynaud, Valise d’Ingres, Œdipe et le Sphinx, 1990 Boitier métal, cibachrome en boitier et lumineux avec néon 164.5 x 75 x 47.3 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
La photo est éclairée par transparence au moyen de tubes fluorescents.
Calum Colvin Œdipe toujours la même technique, photo, puis peinture.
Pol Bury Œdipe explique l’énigme du Sphinx 2002. Monotype numérique sur toile, ramollissement généralisé grâce à Photoshop.
Parmi les autres peintures d’Ingres de ce premier séjour à Rome
La baigneuse à mi-corps 1807 a toujours un dos pudique.
Ingres La baigneuse à mi-corps 1807 huile sur toile 51 x 42 cm musée Bonnat, Bayonne
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Des artistes contemporains ont réinterprété cette oeuvre :
– Martial Raysse, made in Japan in Marcialcolor 1964 à grand renfort de peinture acrylique sur sérigraphie en noir et blanc.
Martial Raysse made in Japan in Marcialcolor 1964 huile sur toile 51 x 42 cm musée Bonnat, Bayonne
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
mais aussi par
– Erró qui l’a confrontée à des engins spatiaux Skylab project 1977 puis à des spationautes en combinaison Mercury astronauts in pressure suits 1979. C’est de la peinture acrylique sur toile, peinte à partir de collages. Son oeuvre montre les télescopages culturels.
– Pol Bury la baigneuse 2002 la fait frissonner davantage
– et le coréen Joon Sung Bae, the costume of painter Ingres 2001 l’a fait interpréter par une jeune coréenne, dont on peut lui enlever le foulard en soulevant le film transparent qui la recouvre.
Ingres peint en 1814, la grande Odalisque.
Ingres La grande Odalisque 1814 huile sur toile 137 x 162 cm Louvre Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
C’était une commande de Caroline Murat, reine de Naples à qui elle avait été livrée mais non payée en raison de la chute de Murat. Ingres l’a donc récupérée et exposée au Salon de 1819. Il en a produit d’autres versions plus petites. Il a également peint deux fois la tête seule de l’odalisque. C’est une peinture qui a été vivement critiquée pour ses vertèbres en trop, son inexpressivité … mais c’est celle qui a connu la plus grande célébrité.
Voir un commentaire
Dès 1903 Jules Flandrin (1871-1894) la grande odalisque d’après Ingres en fait une copie avec juste 2 cm en moins, très fidèle, au Louvre.
Picasso en 1907 l’année des Demoiselles d’Avignon,
Pablo Picasso La grande Odalisque d’après Ingres 1907 encre bleue, gouache, crayon 48 x 63 cm Musée Picasso Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
il la réinterprète de façon violemment hachée, géométrisée.
1917 Amedeo Modigliani, s’inspire de la pose de l’odalisque dans le nu couché sur le côté gauche, cette fois sans accessoire orientaliste.
En 1967 Ruytchi Souzouki, réalise « anatomie de la beauté ». Artiste né à Tokyo en 1904 mort à Paris en 1985.
Sa grande odalisque s’inscrit dans toute une série d’hommages picturaux tout aussi corrosifs. Ici le squelette apparent en fait une grande désossée.
1970 Enrico Baj
L’Odalisca acrylique et collage sur toile, confronte la grande odalisque à 3 personnages naïvement inquiétants. L’artiste italien (1924-2003) anarchiste, a été un temps proche des surréalistes.
En 1964 Martial Raysse, dans sa série made in France en 1964 lui donne une nouvelle jeunesse avec des couleurs volontairement artificielles et de “mauvais goût”.
Martial Raysse, La grande odalisque (1964) Peinture acrylique, verre, plastique, mouche, sur photographie marouflée sur toile 231 × 151 cm Centre Pompidou
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
et la même année la célèbre made in Japan la grande odalisque, acrylique verre, mouche en plastique sur photographie marouflée sur toile.
Le verre, ce sont des perles du bijou qui fixent le turban. Les pompons glands sur la nuque sont vrais aussi, de même que la mouche en plastique sur fond rouge. Très années 60, Raysse a souligné la paupière d’un trait épais d’acrylique noir.
« Made in Japan » Raysse
Passée cette période “pop” qui lui a valu la célébrité, Raysse s’est retiré à la campagne et dessine, peint en dehors de tout courant, mais continue ça et là à rêver à l’odalisque avec ces mots accompagnant les croquis de son visage “Ingres rend fou”, en 2001 crayon aquarelle et lavis ou ces titres respectueux:
Re-mon cher Maître 2007 acrylique et tempéra sur toile.
En 1967 Tano Festa Odalisca, peintre italien (1938-1988) dont les mises en scène évoquent souvent des séries de portes, de fenêtres, ou de penderies dans des jeux de rectangles.