Le séjour d’Ingres à la Villa Médicis s’est terminé mais il décide de ne pas rentrer à Paris et de rester en Italie.

A 33 ans en 1813, il se marie avec Madeleine Chapelle, une jeune et jolie modiste venue de Guéret pour le rencontrer.
Portrait de Madeleine Chapelle madame Ingres

Un an après, il la dessine enceinte, mais elle ne gardera pas le bébé.

Ingres travaille avec acharnement à une grande composition « Romulus vainqueur d’Acron porte les dépouilles opimes au temple de Jupiter » et sur « le songe d’Ossian ».
Deux commandes destinées à décorer l’un des salons de l’impératrice Joséphine, l’autre le plafond de la chambre à coucher de l’empereur au palais du Quirinal à Rome.

Selon une légende gaélique Ossian, un barde écossais du 3e siècle serait l’auteur d’une série de poèmes qui ont été publiés à la fin du 18e siècle. L’œuvre représente Ossian endormi sur sa harpe, auquel apparaissent en songe, d’un côté son fils Oscar en guerrier, de l’autre la mère d’Oscar Evirallina, épouse du poète, décédée, qui lui tend la main depuis l’au-delà. Derrière eux, des ancêtres, des bardes, des guerriers et de jeunes muses jouant de la harpe.
Voir une animation du « songe d’Ossian » dont l’intention est de donner un nouveau regard au tableau.

Erró, espace 1984, est une peinture répondant à une commande du constructeur automobile Renault.

Le songe d’Ossian surgit devant le véhicule de façon assez incongrue collection l’art moderne Renault.

Jacques Brissot, songe 1984, à la place du barde, un jeune homme en T-shirt Jean et basket dort sur un poste de télévision.

Roman Cieslervicz, artiste ukrainien (1930-1996) Monsieur Dupont Série “Les Mystères d’Udolpho” 1995. C’est un collage. Monsieur Dupont est l’un des 26 photomontages illustrant une édition polonaise des mystères d’Udolphe d’Ann Radcliffe.

Il a superposé un fragment du Songe d’Ossian à un morceau du visage du chanoine Van der Paele peint par Van Eyck en 1436.

Virgile lisant à l’Énéide ou Tu Marcellus Eris 1812. Une commande du général Miollis gouverneur de Rome pour sa villa.

L’un est au Musée des Augustins à Toulouse l’autre à Bruxelles. Virgile à gauche tenant le manuscrit de l’Énéide déroulé. L’empereur Auguste et sa sœur Octavie lui font face. Elle s’évanouit lorsque le poète prononce les mots Tu Marcellus Eris lui rappelant son fils mort assassiné. Assise à côté, Livia l’épouse d’Auguste, est la probable commanditaire du meurtre.
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Le tableau de Bruxelles est plus resserré comme on ne voit plus Virgile en train de lire on comprend plus difficilement le sens de la scène.

Picabia s’en est inspiré dans les années 20.

Parallèlement, Ingres développe son art du portrait dessiné. Portrait de la famille Stamaty 1818 l’un des plus célèbres.

Le père était consul de France à Civitavecchia. Autour des parents, le fils aîné, le plus jeune, serré contre sa mère et la jeune fille au piano, c’est Atala qui a 15 ans. Le dessin accroché au mur est d’elle, c’est une copie de la tête de la grande odalisque.
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Ce dessin a été unanimement apprécié par Degas, et par Picasso, mais ce sont les contemporains qui s’en sont inspirés de façon décoiffante.

Kathleen Gilje la famille Stamaty restored 2011. Elle a copié avec une grande exactitude le dessin d’Ingres, mais elle a relooké les adolescents.

Le garçon à droite, en jean a posé son skate devant lui. La jeune Atala a une coupe de cheveux moderne et porte un tatouage sur le bras. Au sol les jouets du plus jeune sont changés, de même que le portrait au mur.

Joon Sung Bae, the costume of painter, Ingres 2010. Il a déshabillé les personnages puis les a rabillés en photos couleurs recouvertes d’une peinture à l’huile sur film vinyle transparent.

Ingres a également réalisé des portraits peints portrait du baron Norvins 1811 chef de la police française à Rome,

Madame de Senonnes 1814 on se presse dans l’atelier d’Ingres qui s’efforce de rendre avec justesse la personnalité de chacun de ces modèles.

Ici rendu des textures: velours, dentelle festonnée autour du cou, bijoux, châle soyeux… Très admiré par Matisse et Modigliani.
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James Tissot, madame de Senonnes d’après Ingres 1899 en a fait une copie grandeur nature dans une monochromie brune au Musée des Beaux-Arts de Nantes.

Pierre Buraglio dessin d’après Ingres de Madame de Senonnes 1983 en a tiré un grand dessin sur papier calque retenant l’essentiel y compris le miroir.

Joon Sung Bae The costume of painter Ingres 2009 a fait poser une jeune coréenne et pris du recul par rapport au cadrage du portrait d’Ingres et a inséré aussi madame de Senonnes dans l’architecture d’un palais.

A Rome aussi, Ingres s’est intéressé à des sujets historiques ou littéraires dit le style troubadour, mode encouragée par l’impératrice Joséphine. Ainsi il a consacré plusieurs toiles à la vie de Raphaël (son idole) et en particulier à son amour pour sa maîtresse et modèle la Fornarina.

1814 Raphaël et la Fornarina musée de Cambridge. Elle est assise sur les genoux de Raphael dans l’atelier du peintre.

Ingres s’est inspiré de son portrait par Raphaël. L’avant-dernière des quatre tableaux consacrés à ce sujet a été peint plus tard en 1846.

Elle est plus inclinée contre lui, et à l’arrière-plan, une toile de Raphaël, la Transfiguration.
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André Masson s’est emparé de cette version plus sensuelle en 1932 avec un dessin à la plume.

Picasso en 1968 a réalisé une série d’eau-forte inspirée par cette même scène, à laquelle il a ajouté un voyeur, et un titre parfois ici Raphaël et la Fornarina, le Pape se sent cocu.

Joël Peter Witkin, photographe plasticien américain né en 1939, vit au Nouveau-Mexique. Spécialiste des mises en scène minutieuses et théâtralisées de cadavres.

Là, le peintre est un vieil homme mort, la tête renversée en arrière. Raphaël et la Fornarina 2003. La légende dit que Raphaël est mort très jeune dans une étreinte avec sa compagne.

Le portrait de madame Destouches 1815

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Il a fait l’objet d’une transposition dénudée par Joon Sung Bae en 2010.

En 1819 Paolo et Francesca est une autre peinture dans le style troubadour.

Le thème est issu de l’enfer dans la Divine Comédie de Dante. Tapi dans l’ombre, Gianciotto, l’épée à la main surprend les deux amants. Ingres en a peint sept versions.

Et des sujets empruntés à l’histoire de France comme François 1er recevant les derniers soupirs de Léonard de Vinci au Clos Lucé.

Henri IV surpris par l’ambassadeur d’Espagne en 1817 alors qu’il était en train de jouer par terre avec ses enfants.

Voir Ingres et la peinture troubadour.

Florence 1820-1824

En 1820 le peintre quitte Rome pour Florence. Pendant 3 ans, il travaille avec acharnement à une commande de l’État pour la cathédrale de Montauban. Cette œuvre, le vœu de Louis XIII 1824 est présentée au salon à Paris en 1824, l’année où Delacroix montrait les massacres de Scio a été unanimement appréciée. Il fit de nombreux dessins préparatoires.

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En 2009 Ernest Pignon Ernest invité à Montauban, a longuement observé les dessins d’Ingres conservés au musée, et a choisi de travailler sur les anges, voir ange de droite et ange de gauche, de part et d’autre de la Vierge dans le tableau de la cathédrale, à la pierre noire selon son habitude.

Ses deux grands dessins ont été installés en façade pendant les mois de l’exposition “Ingres et les modernes” au musée, et un jour on a découvert que des intégristes catholiques avaient arraché le sexe des anges. Le musée Ingres conserve aujourd’hui ce qui en reste.

Dans cette période florentine, Ingres a aussi réalisé des portraits comme celui de Jacques Louis Leblanc et de sa femme, madame Leblanc 1823 qui ont été ses riches protecteurs, détail du visage et du tissu sur l’accoudoir de son fauteuil qui met en valeur la robe noire.

Retour triomphal à Paris 1824-1834

Fort du succès de son vœu de Louis XII, Ingres revient à Paris où il s’attelle à l’apothéose d’Homère qui reçoit au salon de 1827 un accueil enthousiaste, non loin de la mort de Sardanapale de Delacroix. C’est une commande de l’État pour décorer un plafond du Louvre. Homère trône au centre, à ses pieds deux femmes symbolisant l’Iliade et l’Odyssée. Comme Raphaël pour l’école d’Athènes, Ingres mêle des personnages d’époque différentes. On reconnaît en bas à gauche Nicolas Poussin et au premier plan en bas tout à droite le portrait de Boileau. Chaque personnage, chaque geste a fait l’objet d’une étude dessinée.

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Et toujours des portraits le marquis de Pastoret 1826 et le très célèbre portrait de Monsieur Bertin 1832 dont le rendu du caractère psychologique a fasciné les peintres.

Louis-François Bertin était le plus grand homme de presse de son temps, il dirigeait le Journal des Débats. C’est le portrait d’un grand bourgeois parisien de la restauration.
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Léon Bonnat portrait d’Ernest Renan 1892 reprend la même pose.

Picasso, portrait de Gertrude de Stein, 1906. On sait quelle difficulté avait rencontré le jeune Picasso qui n’a pas pu refuser cette demande de portrait à sa principale cliente de l’époque, alors qu’il n’aimait pas peindre en présence d’un modèle.

Il a fait prendre à Gertrude la posture de Bertin, parce que comme lui, elle était massive et autoritaire. Le visage a été achevé 6 mois plus tard, dans un style qui n’est plus celui d’Ingres mais déjà celui des masques annonçant le cubisme.
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Jiří Kolář, un portrait inconnu de Monsieur B 1974. C’est un collage inattendu qui en fait un personnage grotesque

tout comme Roman Cieslewicz, gâteux aux bas DIM 1976 qui lui ôte toute autorité !

Georges Rohner, l’artiste dessinant la main de Monsieur Bertin 1994.

L’artiste (1913-2000) professeur de dessin aux Arts Décoratifs, avait séjourné à Rome et en 1968 avait été élu au fauteuil d’Ingres à l’Académie des Beaux-Arts. Cette toile est un véritable hommage à Ingres qu’il admirait profondément.

Pol Bury Louis-François Bertin dit l’ainé, 2002 monotype numérique sur toile.

Gaël Davrinche, monsieur Bertin 2005 est un artiste né en 1971. Depuis 2004 il propose des adaptations cocasses de chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art, dans une série qu’il appelle “dépeindre et repeindre”. C’est espiègle comme si Monsieur Bertin était vu par un enfant.

Pour Ingres, le grand chantier des années 1830, ce fut la réalisation du martyr de Saint-Symphorien en 1834, commandé pour la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, et qui fut mal accueilli par la critique parisienne (pas assez grec).

Etudes préparatoires nombreuses, et également. Déçu, Ingres quitte Paris et demande le poste de directeur de l’Académie de France à Rome (Villa Médicis).

Second séjour à Rome 1835-1841

Très impliqué dans son poste, il crée une bibliothèque et un cours d’archéologie, il choisit des moulages d’antiques à faire réaliser pour l’école des Beaux-Arts de Paris et demande à deux de ses élèves de copier les fresques de Raphaël au Vatican. Il peint en même temps deux grandes toiles
L’odalisque à l’esclave 1839 où il retrouve son art d’idéaliser la volupté. Elle a été peinte pour l’un de ses amis, Charles Marcotte. Une toile très appréciée par Matisse et Picasso.

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Martial Raysse made in Japan 1963 l’a considérablement rajeunie. acrylique et collage sur toile photos marouflé.

Erró Chinese pétrole 1976 confronte l’odalisque et la musicienne à un groupe de chinois très excités autour d’un puits de pétrole.

Ne cherchons pas d’interprétation subtile, Erró a dit que ces deux images se sont trouvées par hasard ensemble sur sa table de dessin et qu’il a eu envie de les réunir.

Kathleen Gilje, odalisque à l’esclave restaurée 2008, gouache crayon et encre reprend l’étude préparatoire d’Ingres de façon très fidèle, mais remplace le serviteur discret du fond par un grand noir tout à fait nu

… et idem en peinture et en grand format.

Miss Tic libertines sans liberté jolie définition pour une odalisque !

L’autre grande composition est « Antiochus et Stratonice » 1840, montre la maladie d’Antiochus.

C’est une commande de Ferdinand-Philippe d’Orléans. Cette scène, racontée par Plutarque et par Pline l’Ancien est la suivante : Antiochus est le fils de Séleucos premier général d’Alexandre le Grand. Il est tombé secrètement amoureux de la nouvelle épouse de son père Stratonice. Comme sa passion coupable le ronge, il tombe malade et, alors qu’il est mourant, le médecin découvre la source de sa maladie, car le cœur s’accélère lorsque Stratonice rentre dans la pièce. Son père s’effondre alors au pied du lit.
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La même année 1840 Vénus Anadyomène (du grec qui surgit vers le haut puis qui surgit de l’eau).

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Ingres revisite ici Botticelli, et son choix des bras levés est celui que reprendra Picasso dans Les Demoiselles d’Avignon 1907.
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En 1841, Ingres peint une vierge à l’hostie pour le futur tzar de Russie, puis une autre version dans un tondo (toile ronde). C’est cette seconde version qui est en France.

Francis Picabia va exploser en 1920 : deux écoles au-dessus d’un titre “la Sainte Vierge” violemment iconoclaste.

En 1842 le portrait de Cherubini musicien qu’il admire

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… et le portrait du duc d’Orléans, dont Manet reprendra le costume épaulettes en moins pour le fifre en 1864.

De nouveau à Paris 1843-1867

Ingres se lance dans un grand projet de décoration pour le salon du château de Dampierre. Une centaine de dessins de recherche qui aboutiront seulement à une peinture, « l’âge d’or ».

Les tâtonnements graphiques de l’artiste pour déterminer la position des membres inspireront à Picabia sa série des transparences, des aquarelles et des peintures qui superposent des motifs. Picabia a rassemblé aussi quelques silhouettes de l’âge d’or pour réaliser Optophone 1921-1922, qui suggère un mouvement circulaire entraînant une ronde de corps féminin.
mais auparavant le thème de l’âge d’or a été repris par :

Pierre Puvis de Chavanne dans le repos 1857

Paul Signac dans au temps de l’harmonie 1893

… pour aboutir à Matisse la joie de vivre 1906 où l’on retrouve la petite ronde centrale, et dans lequel la circulation des couleurs joue un rôle essentiel très novateur.

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Cette période est assombrie pour Ingres par la mort de sa femme Madeleine en 1847, puis par la Révolution de 1848.

3 ans après, Ingres se remarie avec Delphine Ramel. Il réalise de très célèbres portraits de femme dans ces années-là.

Le portrait de madame d’Haussonville 1845 connaît un énorme succès. Elle est vicomtesse, petite fille de Madame de Staël et fille du duc de Broglie.

Voir un dessin préparatoire. Ingres montre non seulement sa finesse et son élégance aristocratique mais aussi sa culture, il pose des jumelles de théâtre devant le miroir. Ensemble de couleurs froides rehaussées par le rouge d’un ruban et de quelques fleurs. Théophile Gautier l’a qualifiée de « grande dame moderne« .

En 1994-95 Kathleen Gilje a peint une parfaite copie du tableau, en montrant dans le reflet du miroir une femme provocante, tout à l’opposé de la jeune vicomtesse.

En 2018 Jessica Oyhenart propose une version Disney en donnant à Madame d’Haussonville le visage d’Aurore dans la Belle au bois dormant.

En 1851 portrait de madame Moitessier debout en robe noire

et de Madame Moitessier assise en 1856, en robe fleurie.

Ingres a trouvé la pose et le geste de son modèle dans une fresque d’Herculanum. Dans le miroir se reflète un profil sculptural qui ressemble énormément à ce que Picasso peindra dans les années 1920.
Études préparatoires, détails du tissu et des bijoux, voir aussi le profil très stylisé dans le miroir.