L’art et la guerre au 20e et 21e siècle

Après la guerre de nombreuses de ses peintures reviennent sur cet événement :
Blessé de guerre 1924 Gravure en taille-douce, 47 x 34.7 cm
Pourtant il a repris ses études aux Beaux-Arts de Dresde. Mais en 1924, il exécute une série d’eaux fortes intitulées “la guerre”, qui revient sur les horribles expériences de ces années et qui sont parmi les plus fortes représentations du drame de la guerre.
Danse des morts 1924 eau-forte 24,5 x 29,5 cm MoMA New York.
Ce n’est plus de la peinture d’histoire, nous sommes ici au plus près du drame humain qu’est la guerre.


Otto Dix la guerre 1929-30 tempera sur bois de 468 x 204 cm Gemälde galerie à Dresde
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

En 1929-1930 le triptyque “la guerre” emprunte un langage plus allégorique. La partie centrale s’inspire d’un élément du retable d’Issenheim de Mathias Grünewald. Le volet gauche représente le départ à la guerre et le droit le retour du soldat blessé et en bas un mort.
Voir un commentaire.

Dans sa période dadaïste, Otto Dix montre les invalides de guerre en intégrant des éléments de collage (carte à jouer fragments de journaux).


Otto Dix Les joueurs de skat 1920 tempera sur bois de 468 x 204 cm Gemälde galerie à Dresde
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir également :
Le marchand d’allumettes huile sur toile 141,5 x 166 cm Staatsgalerie Stuttgart. Voir un commentaire.
Rue de Prague huile sur toile 101 × 81 cm Kunstmuseum Stuttgart. Voir un commentaire.
Voir d’autres oeuvres d’Otto Dix.

George Grosz étudiait aux Beaux-Arts de Dresde quand la guerre a éclaté. Il avait 21 ans et faisait partie des rares personnes, qui dès le début, pensaient que cette guerre était une folie. Il réalise quelques dessins de guerre (le bombardement de la ville 1915 lithographie) puis, réformé après une opération, des peintures comme “explosion” en 1917 (huile sur panneau, 47,8 x 68,2 cm, Museum of Modern Art, New-York).


George Grosz Allemagne, un conte d’hiver 1919 oeuvre disparue
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

… ou comme “Allemagne conte d’hiver” 1917-1919 dont le titre est emprunté à Heine, qui décrit avec un humour corrosif la société allemande, avec un bourgeois joufflu attablé, et au premier plan les garants de l’ordre, le curé, le militaire, et un professeur qui tient Goethe sous son bras. Voir un commentaire.
Il poursuit ensuite son œuvre dénonciatrice avec des dessins, qui paraissent dans la revue “die Pleite” et lui valurent plusieurs amendes pour insulte gouvernement comme “ferme-là !” et Prêt pour le service actif ! (Le triomphe des sciences exactes… ironise la légende), le Christ avec un masque à gaz.

En France, en 1925, Marcel Gromaire peint la guerre, en montrant en plan rapproché des soldats-robots déshumanisés.


Marcel Gromaire la guerre, 1925 huile sur toile 127,6 x 97.8 cm Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir un commentaire.

En 2014 Kader Attia (artiste franco-algérien) a entrepris un travail autour des gueules cassées de cette guerre de 14-18. Il a demandé, dans un premier temps, à des artisans africains à Bamako, Libreville, et Dakar, de tailler des gueules cassées dans des arbres nés pendant la Première Guerre mondiale.


Kader Attia Open your eyes 2014
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Dans un second temps, à partir d’archives des hôpitaux où ont été pratiqués des actes de chirurgie réparatrice, il a fait réaliser en marbre blanc des copies en volume car, dit-il, ces hommes ont été à la fois honorés et en même temps cachés.


Kader Attia Open your eyes 2014
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

A côté de chaque buste est exposé un masque africain, blessé lui aussi, et qui a été réparé avec des agrafes lorsque le bois était fendu.

Le fascisme et la guerre d’Espagne 1936-1937

De nombreuses artistes de tous pays étaient en alerte devant la montée en puissance du fascisme.

Victor Brauner dès 1934 Hitler huile sur caton 22 x 16 cm centre Pompidou.

John Heartfield (artiste allemand qui a anglicisé son nom) et ses célèbres photomontages.


John Heartfield no passaran passaremos 1936 photomontage 30,3 cm x 21,1
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Les aigles symbole de l’Allemagne ne peuvent pas passer.

Voir également :
Monument à la gloire du fascisme photomontage
La liberté conduit le peuple d’Espagne photomontage

Max Ernst l’ange du foyer 1937 une créature monstrueuse s’agitant devant un ciel nuageux.


Max Ernst l’ange du foyer 1937 huile sur toile 114 × 146 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Peint en 1937 comme un manifeste contre Franco et le totalitarisme, ce tableau est prémonitoire, il annonce les massacres et les destructions qui bouleverseront l’Europe. Au même titre que la guerre, ce monstre fantastique détruit tout sur son passage, sans réflexion, en proie à un délire intérieur incompréhensible.

Léa Grundig artiste allemande d’origine juive et militante communiste.


Léa Grundig Mères, la guerre menace 1936 gravure
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Salvador Dali


Salvador Dali Construction molle avec haricots bouillis – Prémonition de la Guerre Civile 1936 Huile sur toile, 100 x 99cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

1936, c’est l’année où il fuit l’Espagne pour Paris.

Juan Miro


Juan Miro femme en révolte 1938 huile sur toile
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

et son affiche
Aidez l’Espagne

Et même l’artiste américain Stuart Davis
Contre la guerre et le fascisme 1937

René Magritte


René Magritte le drapeau noir 1937 huile sur toile 54,20 x 73,70 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Pierre Tal Coat
Massacre 1937 huile sur toile 24 x 33 cm

Horacio Ferrer artiste espagnol.
Madrid 1937, Aviones negros 1936 huile sur toile 148 x 129 cm musée reine Sofia Madrid.

En janvier 1937, Picasso a produit une série d’eaux fortes intitulées “songe et mensonge de Franco”, qui ont été diffusées est vendues au profit des républicains. On y voit par exemple un taureau fier et rayonnant, face à une horrible bête qui se contorsionne, c’est l’Espagne face au fascisme.
En prévision de l’Exposition internationale qui doit se tenir à Paris en juillet 1937, une délégation de républicains espagnols est venue demander à Picasso une composition magistrale pour le pavillon de l’Espagne.
Picasso n’a pas encore choisi son sujet lorsque le 26 avril, les forces aériennes nazies (Légion Condor) venant à l’appui des franquistes, ont bombardé la petite ville basque de Guernica, en plein marché, s’acharnant à poursuivre jusque dans les champs les femmes qui s’enfuyaient avec leurs enfants. Ce sont les images de presse de ce massacre qui ont mis Picasso au travail du 1er mai au 4 juin. 45 études préparatoires sur papier, certaines en couleur, ont précédé la composition finale qui mesure 777 cm de long.


Picasso Guernica 1937 huile sur toile 349 x 777 cm musée reine Sofia Madrid
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Picasso a fait le choix du noir et blanc, avec des grilles hachurées en graphisme pour rappeler les images de presse. La très grande efficacité de l’ensemble tient à la composition pyramidale centrale, très classique, associée à une fragmentation de type cubiste, ainsi qu’aux éléments allégoriques (taureau, cheval…) mêlés aux éléments réalistes (femmes et enfants à gauche, blessé au sol, maison en flammes).
C’est ce mélange de classicisme, de modernité, de réalisme et de symbolisme qui fait que c’est un tableau intemporel et universel et qui, en même temps, résume les drames du XXème siècle.


Picasso, l’engagement politique : analyse d’oeuvre : Guernica

Rappelons qu’en 1937 l’Espagne et la France étaient entourées par les pavillons fascistes et des pouvoirs autoritaires : l’Allemagne de Hitler, l’Italie de Mussolini et le pavillon soviétique des photos du pavillon de l’Espagne. Dans l’entrée du pavillon, cette phrase de Don Quichotte : On doit exposer sa vie pour la liberté.

1939-1945 Témoigner de l’irreprésentable
Aucun gouvernement n’a envoyé des artistes pour représenter cette guerre.

1 – Les témoignages directs des victimes

Rudolf Schlichter (1890-1953) est un artiste allemand qui avait rejoint à Berlin les artistes Dada (il était ami d’Heartfield et de Grosz). En 1937 Blind Macht (puissance aveugle) a été confisqué par les nazis, comme 16 autres de ses œuvres.


Rudolf Schlichter Blind Macht 1935 huile sur toile 349 x 777 cm musée reine Sofia Madrid
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Un solide guerrier vêtu à l’antique d’une simple tunique et équipé d’un casque d’armure médiéval, qui exhibe des entrailles composées de monstres. Il est équipé d’outils et d’équerres, et derrière lui, des foyers d’incendie.

Georges Grosz interrogatoire 1938. Une référence au meurtre de l’ami de Grosz, l’écrivain et anarchiste Erich Mühsam.

Marc Chagall


Marc Chagall la crucifixion blanche 1938 huile sur toile 154,62 × 140 cm, art institut Chicago
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

La crucifixion blanche 1938 à droite une maison incendiée à gauche un village détruit Le Christ sur la croix porte un châle de prière juif et des populations juives qui s’enfuient de tous côtés. Voir un commentaire.

Salvador Dali


Salvador Dali l’énigme d’Hitler 1938 huile sur toile 79,3 × 51,2 cm, musée reine Sofia Madrid
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Tableau énigmatique, avec une petite effigie de Hitler dans l’assiette. Voir un commentaire.
Voir également :
Le visage de la guerre 1940, huile sur toile 64 × 79 cm Musée Boijmans Van Beuningen

… et surtout les témoignages directs
Léa Grunding passagers à bord du navire des migrants illégaux 1940, qui après avoir été arrêtée et emprisonnée, juive et communiste, a réussi à atteindre en 1940 un camp de réfugiés en Slovaquie, d’où elle est partie en Palestine.

Wolfs (Wolfgang Schulze 1913-1951) est allemand réfugié en France, il a été emprisonné comme beaucoup d’autres allemands pacifistes en tant “qu’étranger ennemis” dans différents camps français dont celui des Milles.


Wolfs les pendus 1940
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

David Olère (1902-1985) est né en Pologne, il est issu d’une famille juive de Varsovie. En 1923 il s’est installé à Paris, où il a été naturalisé français. Mobilisé en 1939, il a été arrêté par la police française en 1943 et envoyé en camp de concentration à Drancy puis Auschwitz. Là son talent de dessinateur retient l’attention des SS, et comme il est quadrilingue, il sert de traducteur.
Revenu à Paris après la Libération, il n’a peint ensuite que pour témoigner ce qu’il avait vécu.

Boris Taslitzky (1911-2005) Né à Paris dans une famille juive communiste il est résistant. Fait prisonnier en juin 1940, il avait réussi à s’évader (il avait 29 ans), mais arrêté de nouveau, il a été déporté à Buchenwald, il y est resté jusqu’à la libération du camp en 1945. Dans ce camp, il a produit des centaines de dessins grâce à un SS qui lui fournissait un crayon à papier.


Boris Taslitzky Camarades fatigués attendant l’appel 1944 dessin
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir également :
Le petit camp à Buchenwald, février 1945 huile sur toile 300 x 500 cm centre Pompidou.
Les dessins sur le camp de Buchenwald.

Bedřich Fritta (1906-1944) est un dessinateur tchécoslovaque né en 1906 et mort en 1944 à Auschwitz.
En 1941 il avait été déporté au camp de Theresienstadt où il a bénéficié de matériel de dessin fourni par les Allemands. En juin 1944 il a été arrêté, avec d’autres artistes du camp, pour avoir fait sortir des dessins du camp. Condamné pour “propagande de terreur” il a été déporté à Auschwitz où il est mort.


Bedrich Fritta, un convoi quitte le ghetto 1942 dessin
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir d’autres dessins de Bedřich Fritta

Karel Fleischmann, né en 1897, est un plasticien tchécoslovaque qui était également médecin. Il était détenu dans le ghetto de Theresienstadt. En 1944, les quartiers des artistes ont été fouillés pour interdire les images représentant la réalité du camp. Fleischmann a été torturé puis envoyé à Auschwitz, où il a été exterminé.
Voir des dessins de Karel Fleischmann

Félix Nussbaum, né en 1904 est juif allemand. Réfugié en Belgique à l’arrivée des nazis, il a été déporté en 1944 à Auschwitz avec son épouse, où ils sont morts tous les deux peu avant la libération du camp en 1945.


Felix Nussbaum, peintre juif prisonnier du camp de concentration de Saint-Cyprien

Voir également :
Peur autoportrait avec sa nièce 1942 huile sur toile
Autoportrait au Passeport juif 1943 huile sur toile 56 x 49 cm


Félix Nussbaum, le triomphe de la mort 1944
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Le triomphe de la mort 1944, a été sa dernière peinture avant Auschwitz. Voir un commentaire.

2 – Les réactions des artistes

Henry Moore (1898-1986) célèbre sculpteur britannique a réalisé pendant la guerre de nombreux dessins dans les abris de Londres pendant les bombardements.


Henry Moore, Shelter Scene – Bunks and Sleepers, 1941 Aquarelle, gouache, encre et craie sur papier 48,3 x 43,2 cm Tate Londres
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir également :
Brown Tube Shelter 1940, dessins 54 x 37 cm.

Hans Bellmer, enfermé, comme Max Ernst, au camp des Milles a réalisé le portrait de Max Ernst aux briques 1941 tant la poussière des briques était oppressante dans leur local/cellule.


Hans Bellmer, portrait de Max Ernst, 1941 huile sur toile 39 x 39 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Max Ernst


Max Ernst, l’Europe après la pluie 1942 décalcomanie 148,2x 54,9 cm Wadsworth Atheneum Museum of Art, Hartford, Etats-Unis
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

“L’Europe après la pluie” 1942 joli titre pour ce monde détruit et désolé. Voir un commentaire.
Voir également :
La planète affolée 1942, huile sur toile 110 x 140 cm Tel-Aviv Art. C’est le premier dripping en arts plastiques, avant Pollock.

Maria Vieira Da Silva


Maria Vieira Da Silva, le désastre 1942 Huile sur toile 81 x 100 cm musée des beaux arts de Lyon
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

“Le désastre” 1942 un enchevêtrement de silhouettes et de décombres, et surtout la tentation de dire l’horreur par la forme, en torturant la matière, en l’incisant, en la griffant comme elle l’a fait. Voir un commentaire.

Jean Fautrier série “des otages” 1945, réalisés avec un mélange de plâtre et de caséine gratté et creusé après application de la peinture.


Jean Fautrier rétrospective

…et même longtemps après, comme Zoran Mušič, peintre dalmate né en 1909 dans un village aujourd’hui slovène, mais qui appartenait à l’Empire austro-hongrois. Refusant de collaborer avec la Gestapo, il a été déporté à Dachau en 1943. Il en est revenu, et c’est seulement en 1970, qu’il a peint et gravé une série intitulée “nous ne sommes pas les derniers”. Le traumatisme de la guerre est toujours très présent, des années après.

Même Pollock s’est exprimé sur la guerre en 1947.


Jackson Pollock, la guerre, 1947 Huile sur toile 52,4 x 66 cm MoMA New York
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

…et Bacon avait punaisé dans son atelier une photo de Goebbels en plein discours, dont la bouche ouverte le hantait.


Francis Bacon inspiré par la photo de Goebbels
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Tous les peintres allemands nés à la fin de la guerre ou pendant la guerre sont revenus sur ce traumatisme.

Gerhard Richter “tante Marianne” 1965. Une photo-peinture à partir de l’album de famille. La jeune Marianne qui tient Gerhard bébé sur ses genoux, a été euthanasiée par les nazis, à cause de sa déficience mentale.


Gerhard Richter, tante Marianne, 1965 photo-peinture 100 x 115 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir un commentaire.

Wolf Vostell (1932-1998) retravaille en 1967 et en grand format une photo prise à Treblinka.


Wolf Vostell, Treblinka 1967 sérigraphie, 60 x 80 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

TreblinKa est constituée d’objets, de dé-coll/age, d’une partie de motocyclette, de bois, d’un film et d’un transistor.

Anselme Kiefer, utilise la portée symbolique des matériaux, plomb, feuille d’or, rameau d’olivier, pour recréer des voies de chemin de fer qui conduisaient les déportés vers les camps.


Anselme Kiefer, chemin de fer 1989, feuilles d’or, bandes de plomb et rameau d’olivier
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

… et en 2008 Jake et Dinos Chapman anglais nés en 1962 et 1966 ont créé “Fucking Hell”, une œuvre composée de 9 vitrines disposées en forme de croix gammée. À l’intérieur, 30 000 figurines en fibre de verre représentent ce que l’humanité a inventé de pire. Les artistes se sont inspirés de scènes de camp de concentration, mais aussi de crucifixions religieuses, de Jérôme Bosch, et des désastres de la guerre de Goya. Dans chaque scène, est présente une figurine d’Hitler, que le spectateur est invité à chercher.
Cette œuvre, qui a nécessité des années de travail, a été acquise par François Pinault.
Voir un commentaire.