Arts plastiques et musique

Avec la représentation des musiciens et des instruments, la musique a d’abord été un thème formel pour les peintres. Au début du XX° siècle, c’est en s’appuyant sur la musique que les pionniers de l’abstraction ont franchi le pas, et simultanément, des compositeurs d’avant-garde ont renouvelé leur langage par la confrontation avec ces peintres, mettant en évidence de nombreuses correspondances structurelles.
A partir des années 50, c’est une vision décloisonnée de l’art que les artistes du mouvement Fluxus imposent, organisant des événements à la fois plastiques et musicaux. L’écriture même des partitions musicales évolue en « partitions graphiques ».
Mais avant tout, ce sont des histoires de familles et d’amitiés, ce sont des plasticiens-musiciens et des musiciens-peintres qui ont ouvert un champ infini de renouvellement et d’invention, avec un objectif commun : l’expression des émotions.

Intervenante : Agnès Ghenassia

L’expression des émotions est un objectif commun qui rapproche les musiciens, les peintres, les poètes, et les danseurs. Mais au 20e siècle ces quatre formes artistiques ont connu les mêmes bouleversements liés aux besoins de casser les codes.
La musique a toujours inspiré les peintres, soit pour glorifier Dieu, pour évoquer les plaisirs de la vie, et ce depuis très longtemps, comme témoigne les musiciens d’une fresque étrusque du 5e siècle dans la tombe de Tarquinia. Mais nous allons nous concentrer sur les modernes, puis les contemporains en six chapitres.

1 – La représentation des musiciens professionnels et amateurs

Au 19e siècle il y avait une tradition des musiciens de rue qui se produisaient parfois dans les cours d’immeuble. Ici Albert Bartholomé, en 1883 réalise une peinture des Les trois musiciens représentés dans une cour en 1883. On voit que les musiciens retiennent l’attention, mais cette peinture évoque également la pauvreté, la difficulté à gagner ainsi sa vie.


Pablo Picasso. Le Vieux Guitariste (1903) Période Bleue Commentaire.

De même, le vieux guitariste aveugle de Picasso, période bleue, ne peut que nous remplir de tristesse et de compassion.


Marc Chagall, Le violoneux , 1912 Huile sur toile, 188 x 158 cm, Stedelijk Museum, Amsterdam
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Le violoneux qui danse, le pied sur le toit d’une maison, et remplit tout l’espace de sa musique
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Il évoque les musiciens populaires de sa Russie natale, avec
Le Violoniste Huile sur toile, 94 x 89 cm, 1914, Kunstsammlung, Dusseldorf.
Le violoncelliste, 1934 huile sur toile 80.8 x 65 cm


Marc Chagall, , huile sur toile 198 x 108,6 cm Salomon Guggenheim New York
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Le violoniste vert, (1923), voir un commentaire.
C’est à la fois ancré dans la tradition, les racines de l’artiste, et dans la modernité, avec un vocabulaire oscillant entre cubisme et fauvisme.
Dans la culture juive, qui a vu grandir Chagall, le violoniste est connu sous le nom de Klezmer, terme de yiddish qui signifie instrument de chanson. Les musiciens klezmer étaient itinérants, précaires, et ils ont participé au mouvement migratoire des Juifs de l’Europe.
Certains historiens d’art affirment que Chagall s’identifie à cette figure du violoniste errant, on constate en effet que c’est une figure récurrente de l’œuvre du peintre. Pour lui la musique, mais aussi l’art en général, faisaient le lien entre l’homme et le sacré.

On change de monde avec les musiciens de Degas.


Edgar Degas Lorenzo Pagans et Auguste de Gas (1871) huile sur toile 54,5 x 39,5 cm Musée d’Orsay Paris
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Degas est élevé dans un milieu où la musique occupe une grande place. Son père, héritier de la banque familiale, tient un salon avec le goût pour la musique de Bach, de Rameau, et de Gluck. Degas fixe le souvenir de ces “lundis” dans l’unique portrait de son père, écoutant attentivement le ténor espagnol Lorenzo Pagans.
À ces soirées participent ses sœurs, Marguerite chanteuse, la pianiste Blanche Camus et les instrumentistes de l’Opéra de Paris.
Voir également :
Le violoncelliste Louis-Marie Pilet (1866 et 1869) huile sur toile 20 x 61 cm Musée d’Orsay.
Degas connait bien l’Opéra de Paris de la rue Le Peletier, puis lorsque le Palais Garnier remplace l’Opéra qui avait brûlé, son statut d’abonné lui donne accès à la scène, au ballet et au foyer.


Edgar Degas, L’orchestre de l’Opéra (1870) huile sur toile 56,5 × 46 cm Musée d’Orsay Paris
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L’Orchestre de l’Opéra 1870, n’est pourtant pas une représentation réaliste, car plusieurs des personnages qui figurent n’étaient pas des instrumentistes. Degas a assis au premier plan son ami le bassoniste Désiré Dihau, de gauche à droite le violoncelliste Louis-Marie Pilet, derrière lui, cheveux blonds frisés le ténor Lorenzo Pagans en jouant du violon, le peintre Alexandre Piot-Normand. Devant lui, le flûtiste Henry Altès. De sa loge d’avant-scène, on voit dépasser la tête du compositeur Emmanuel Chabrier.
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Edgar Degas, Ballet de Robert Le Diable (1876) Huile sur toile 76,6 x 81,3 cm M.E.T. New York
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Le ballet de Robert le Diable, est un opéra de Giacomo Meyerbeer, interprété par les danseurs de l’orchestre de l’Opéra de Paris.
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Voir également :
Musiciens à l’orchestre (1872) huile sur toile 69 × 49 cm musée Staedel de Francfort. Nous retrouvons trois des musiciens de L’Orchestre de l’Opéra, notamment l’ami du peintre, le bassoniste Désiré Dihau.

Raoul Dufy lui aussi, est né dans une famille où la musique tient une grande place : son père était organiste et ses deux frères musiciens professionnels. Raoul fréquentait donc depuis toujours les salles de concert parisiennes.


Raoul Dufy, Le grand concert (1948) huile sur toile 65 x 81cm, musée des Beaux-Arts Nice
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En 1948 il a peint de nombreux orchestres, en s’efforçant de capter par la couleur et la légèreté du dessin, quelque chose d’équivalent de la musique. Pas question ici de faire le portrait des musiciens, comme Degas en son temps, mais il s’agit surtout de saisir globalement une atmosphère.
Voir également :
Le grand orchestre (1942), huile sur toile 81 x 100 cm.

Les guitaristes et les pianistes ont fait l’objet de nombreuses représentations au 19e siècle.


Nicolas de Staël, Les musiciens, souvenir de Sydney Bechet (1952) huile sur toile 161,9 x 114,2 cm Centre Pompidou Paris
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Nicolas de Staël présente en 1952 les musiciens, souvenir de Sidney Bechet, voir un commentaire.
Voir également :
L’orchestre (1953) huile sur toile 350 × 200 cm Centre Pompidou Paris. Voir un commentaire.
Le concert (1955), Huile sur toile, 350 x 600 cm, Musée Picasso, Antibes.


Édouard Manet, Le guitarrero (1867) huile sur toile 147,3 × 114,3 cm Metropolitan Museum of Art, New York
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Édouard Manet a connu un grand succès au Salon de 1867 avec son chanteur espagnol (ou le guitarrero) qu’il avait exécuté dans son atelier, avec un modèle vivant dans le cadre de sa période hispanisante.
Ce mélange de réalisme et d’exotisme correspondait à la mode de l’Espagne lancée par l’impératrice Eugénie, et la guitare a connu un engouement énorme à cette époque, sans disque et sans radio, où la pratique de la musique en amateur était très répandue.


Édouard Manet, La leçon de musique (1870) huile sur toile 141,0 x 173,1 cm musée des Beaux-Arts de Boston
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Dans la leçon de musique, le professeur est la femme, ni elle ni l’élève ne se regardent, alors que le même thème chez Watteau, la gamme d’amour (1715-1718) est empreint de séduction.


Auguste Renoir, Jeune Espagnole jouant de la guitare (1898), huile sur toile 55,6 x 65,2 cm National Gallery of Art Washington
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Pierre-Auguste Renoir, jeune femme espagnole jouant de la guitare (1898) et Femme jouant de la guitare (1898) relèvent, dans un style plus sensuel, de la même mode, comme la femme à la guitare (1897) et la joueuse de guitare (1897).

L’autre instrument vedette c’est le piano. Dans les années 1860, à Paris, on comptait 20 000 professeurs de piano !


Edouard Manet, Madame Manet au piano (1868) Huile sur toile 38 x 46.5 cm Musée d’Orsay, Paris
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Madame Manet piano 1867. L’épouse de Manet, Suzanne Leenhoff, donne des leçons de piano au jeune frère du peintre. À l’époque, où il a peint cette toile, elle allait soulager les derniers moments de Baudelaire, à demi paralysé, en lui jouant du Wagner.
C’était une excellente interprète, elle se produisait régulièrement devant un public d’amis, jouant en particulier Schuman. C’est à elle qu’en 1873, Emmanuel Chabrier a dédié sa première œuvre importante pour le piano, impromptu en do majeur.
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Pierre Bonnard Jeune Femme au piano (1891) Huile sur toile 37,5 x 32 cm Collection particulière
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Pierre Bonnard, jeune femme au piano, 1891. Il s’agit de sa sœur Andrée, qui était pianiste, et il fait ici un portrait japonisant. Par l’intermédiaire de leur frère aîné Charles, ils ont rencontré Claude Terrasse professeur de piano et compositeur qui deviendra le mari d’Andrée et le meilleur ami de Pierre Bonnard.
Portrait de Claude Terrasse avec ses deux fils (1902) huile sur toile 95,0 x 77,5 cm musée d’Orsay Paris.


Henri Fantin-Latour, autour du piano (1885) huile sur toile 160 × 220 cm Musée d’Orsay Paris
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Henri Fantin-Latour, autour du piano 1885 est un portrait de groupe figurant 8 personnes autour d’Emmanuel Chabrier, au piano. Tous sont des admirateurs de Wagner, décédé en 1883 ; chacun d’entre eux a posé séparément dans l’atelier du peintre. Voir un commentaire.


Paul Cézanne, jeune fille au piano ou l’ouverture de Tannhauser (1867) huile sur toile 57,8 × 92,5 cm Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg
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Paul Cézanne, jeune fille au piano ou l’ouverture de Tannhauser (1867). La scène se déroule dans un salon du Jas de Bouffan, propriété de la famille Cézanne à d’Aix-en-Provence. Sa sœur, en blanc, est au piano, devant sa mère, en noir, qui coud, au fond du salon, sur le canapé…. Le piano s’est imposé dans tous les salons de bourgeois, toute bonne maîtresse de maison doit savoir jouer pour divertir ses invités. Donc on y exerce les jeunes filles. Voir un commentaire.


Berthe Morisot, Julie Manet jouant au violon (1893)

Julie est la fille d’Edouard Manet et de Berthe Morisot.
Voir également de Berthe Morisot.
La mandoline 1889 huile sur toile. C’est sa fille Julie la même que dans le tableau précédent.


Pierre-Auguste Renoir, Femme au piano (1875) Huile sur toile, 93 × 74 cm The Art Institute of Chicago
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Pierre-Auguste Renoir, Femme au piano (1875), c’est Nini Lopez, l’un des modèles préférés de Renoir entre 1875 et 1879.


Auguste Renoir, la leçon de piano (1889) Huile sur toile, 55.9 x 46.4 cm Joslyn Art Museum, Omaha, Nebraska
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Voir également :
Yvonne et Christine Lerolle au piano 1897, huile sur toile 93 × 74 cm Musée de l’orangerie Paris.
Jeunes filles au piano 1892, huile sur toile 116 × 81 cm Musée de l’orangerie Paris.