Constantin Brancusi et Henry Moore

Dans le même esprit que madame L.R., en bois, Brancusi a réalisé des cariatides dans un style très africain,


Constantin Brancusi Cariatide, 1914-1928
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ainsi que Adam et Eve, composé de deux parties sculptées séparées par un bloc de bois.


Constantin Brancusi Adam et Eve, 1916-1921 bois 238.8 x 47.6 x 46.4 cm
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Eve, dans la partie supérieure, n’a pas de bras mais une lèvre épaisse d’une femme africaine. Dans la partie inférieure, Adam a un aspect plus anguleux.
Voir un commentaire (musée Guggenheim).

Peu après, dans sa période surréaliste, Alberto Giacometti a lui aussi évoqué la femme de façon à la fois conceptuelle et africaine avec la femme cuillère de 1926.

Au début des années 20, Man Ray a aidé Brancusi à installer un laboratoire photo dans son atelier, pour qu’il réalise de façon autonome, les photographies de ses travaux.


Atelier de Constantin Brancusi 1921 avec Duchamp, Brancusi, Tzara, et Man Ray
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En 1920 Brancusi fait la connaissance de Nancy Cunard anglaise aristocrate, écrivaine, éditrice, militante antifasciste, collectionneuse d’art africain, muse et maîtresse de nombreux écrivains et artistes. Elle a été photographiée par Bérénice Abbott et par Man Ray.
Elle a inspiré à Brancusi jeune fille sophistiquée, qui semble tenir à la fois de la femme et de l’oiseau.


Constantin Brancusi Jeune fille sophistiquée, 1928 noyer sur base en marbre 62,9 x 31,8 x 11,1 cm
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Voir version en bronze, autre version.

Voir : Brancusi et ses muses.

En 1923, torse de jeune homme a été taillé dans un tronc de noyer, en exploitant la fourche de l’arbre.


Constantin Brancusi torse de jeune homme, 1923 bois noyer 43 x 28,4 x 15 cm
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c’est une belle synthèse du corps masculin réduit à son essence, moins touchant peut-être en bronze doré.

En 1926 la négresse blanche renoue avec la forme ovoïde chère à l’artiste.


Constantin Brancusi la négresse blanche, 1926 marbre blanc 49.5 × 14.5 × 19 cm
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Version en bronze
Vue de dos.

Léda du nom du cygne de la mythologie grecque


Constantin Brancusi Leda, 1926 plâtre patiné 52 x 73 x 23 cm
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Autre version

La sorcière


Constantin Brancusi La sorcière 1926, bois de noyer 113,7 x 49,5 x 64,8 cm
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Autre version

… et plus tard en 1935, le coq, est une synthèse du mouvement du coq dressé sur ses pattes, de sa crête et du cocorico.


Constantin Brancusi Le coq 1935 bronze poli 103,4 x 12,1 x 29,9 cm
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Autres versions :
Le coq version en bois
Le coq versions en plâtre
Le coq version en métal

Quant à la colonne sans fin, elle apparaît dans l’atelier dès 1918 sur un bloc de pierre (ensemble de 211 cm) dans toute son ambiguïté : était ce un socle comme tant d’autres destiné à recevoir une sculpture ? Où était ce considérée par Brancusi comme une œuvre abstraite, taillée dans un seul morceau de bois comme un empilement de formes rhomboïdales ?

En 1926, il en réalise une, in situ, une plus grande, dans un même bloc de bois, dans les jardins de Steichen à Voulangis.


Constantin Brancusi colonne sans fin dans les jardins de Steichen à Voulangis 1926
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Celle-ci mesure 6 m de haut et a été taillée sur place dans un tronc d’arbre. La répétition sérielle de la même forme suggère en effet un prolongement sans fin.

En 1927, une photo montre Brancusi et Man Ray trinquant à Voulangis devant la colonne sans fin avant son démontage.

Par la suite, les colonnes sans fin se multiplient dans l’atelier.


Images sans fin. Brancusi, film et photographie.

En 1935, la Ligue des femmes de Gorj en Roumanie lui commande un monument aux morts de la Première Guerre mondiale. Brancusi propose non pas un seul monument mais un parcours destiné à la méditation passant par 3 œuvres qui a été installé à Târgu Jiu, à quelques kilomètres du village natal de l’artiste.
Le monument comprend d’abord la table du silence,


Constantin Brancusi Târgu Jiu, la table du silence, 1938

un ensemble de pierres sculptées formant table et 12 sièges,
puis la porte du baiser,


Constantin Brancusi Târgu Jiu, porte du baiser, 1938
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une porte monumentale dont les piliers reprennent de façon abstraite le baiser célèbre de ses débuts 5 m de haut.

Enfin la colonne sans fin, en fonte,


Constantin Brancusi Târgu Jiu, colonne sans fin, 1938
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de 29 mètres de hauteur reproduit 16 fois le même motif entre terre et ciel.

1500 m séparent ces trois sculptures. L’ensemble ne peut pas être embrassé d’un seul regard et doit être parcouru à pied.

Brancusi a réalisé un parcours philosophique, universel, tourné vers les vivants, en éliminant toute figure et toute allusion commémorative traditionnelle.
On peut émettre l’hypothèse qu’il a, avec ce parcours, rendu un hommage secret au parcours parisien qui mène du bassin du jardin des Tuileries à l’obélisque de la Concorde, en passant par l’Arc de Triomphe du Carrousel réunissant ainsi symboliquement la ville qui l’a vu naître à celle où il a travaillé toute la toute sa vie.

Voir un parcours, dans les pas de Brancusi en Roumanie.

Dans son atelier, il photographiait régulièrement la mise en espace de ses œuvres dont il choisissait avec soin la disposition.


Constantin Brancusi son atelier
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Atelier de Constantin Brancusi

Présentation de Constantin BRANCUSI (archive de l’INA 1969)

On sait aussi que lorsqu’un visiteur sollicitait un rendez-vous en vue d’un achat, Brancusi lui demandait de passer entre telle et telle heure, où la lumière serait optimale.
En 1956, 1 ans avant sa mort, il a légué à l’Etat l’ensemble de ses ateliers (du numéro 8 au numéro 11 de l’impasse Ronsin), avec tout leur contenu, ébauches, œuvres achevées, meubles, outils, à charge pour le Musée national d’Art moderne de le reconstituer tel qu’il était impasse Ronsin. Il ne voulait pas séparer l’œuvre de son environnement privilégié. Grâce aux tirages de plâtre venus remplacer les originaux vendus, et grâce à tout le fond photographique, une première reconstitution de l’atelier a été installée en 1962 au Musée national d’art moderne, puis en 1997 Renzo Piano l’a reconstruit à l’identique en face du Centre Pompidou. Lorsqu’on s’y promène, on traverse une forêt de symboles qui dégage une force vitale subtile.


Atelier de Brancusi

Brancusi, créateur solitaire, sensible aux simplifications de la sculpture africaine, était obsédé par l’aptitude de l’art à montrer l’essence des choses, en renonçant à les décrire. Partant de thèmes universels, la naissance, l’amour, le féminin, le masculin, il a ouvert la sculpture à la limite de l’abstraction et considérablement influencé ses successeurs. “Ce n’est pas la forme extérieure qui est réelle, mais l’essence des choses. Partant de cette vérité, il est impossible à quiconque d’exprimer quelque chose de réel en imitant la surface des choses.
La Roumanie lui vous un véritable culte (voir le billet de 500 Lei en 1992).

Petite transition, parmi les femmes avec qui Brancusi s’était lié, il y en a une Vera Moore (originaire de Nouvelle-Zélande) pianiste, qui lui a donné un fils, John Constantin Brancusi (1934-2016) et qui n’a vu son père qu’une seule fois à l’âge de 20 ans. Tout lien avec le grand sculpteur britannique Henri Moore est à exclure malgré cette étonnante homonymie.

Henry Moore (1898-1986) est né dans une petite ville du Yorkshire. C’est le 7e de 8 enfants, son père était ingénieur des mines. En primaire, à l’âge de 10 ans, il a été marqué par sa jeune professeur d’art Alice Goldstick qui lui a fait connaître les styles minoens, babyloniens, romano-gothiques … dans des revues d’art. Elle lui a donné ses premiers outils pour sculpter le bois et plus tard lui permis d’obtenir une bourse d’étude d’art.

En 1917 il est mobilisé et envoyé sur le front français (bataille d’Arras et de Cambrai). Il étudie ensuite pour devenir enseignant. En 1919 il enseigne et avec sa bourse il s’inscrit au Beaux-Arts de Leeds. Trois années de formation technique artisanale. Là, il va rencontrer le vice-recteur de l’université Sir Michael Sadler qui collectionnait l’art moderne (Cézanne, Gauguin), ce qui le conforte dans l’idée que la réalité n’est pas l’imitation de celle-ci, mais qu’elle s’exprime puissamment dans les arts primitifs et chez Picasso. Il est très intéressé par l’art toltèque précolombien (les Chac Mool) ainsi que l’art cycladique.

En 1921, sa bourse lui permet d’étudier la sculpture au Royal College de Londres. Il fait de nombreuses copies antiques, il se passionne pour Michel-Ange et pour les sculptures du British Museum.

Tête de fille bois 1922


Henry Moore Tête de fille bois 1922
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Cette œuvre montre son talent à capturer la forme humaine de manière simplifiée mais expressive.

Figure debout bois 1923


Henry Moore figure debout bois 1923
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… qui doit beaucoup à l’art africain.

En 1923, il fait un premier voyage à Paris, il rencontre Aristide Mayol et voit des Cézanne dans lesquels la réalité est exprimée sans détails naturalistes.

Maternité pierre 1924


Henry Moore maternité pierre de bois 1924
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Il aime également la taille directe.

Il passe 6 mois en Italie, découvre Giotto et Masaccio à Florence, fait des croquis des Trois Grâces de la cathédrale de Sienne.
Son autre source d’inspiration, c’est la collection précolombienne du British Museum, ainsi que les sculptures cycladiques et africaines. Entre 1921 et 1926 il remplit 6 carnets de dessins d’après des sculptures primitives.

En 1924, il a été nommé professeur de sculpture au Royal College pour 7 ans. Il reçoit un salaire qui lui assure l’indépendance matérielle.
Il veut appliquer la leçon de Brancusi : ”La simplicité n’est pas le but suprême de l’art, mais nous l’atteignons malgré nous en nous rapprochant du réel des choses.
En 1926, il prend part à une exposition collective dans une galerie de Londres, avec notamment David Hockney.


Henry Moore Torse, 1927, bois
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En 1928, il accepte la contre-cœur la commande de l’architecte Charles Holden pour un relief destiné au siège de la compagnie des transports de Londres.


Henry Moore Vent d’ouest, 1928-29 compagnie des transports de Londres
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C’est sa première commande publique, mais il va par la suite regretter ce travail (manque d’originalité).

Cette même année, il a sa première exposition personnelle à la Warren Galerie de Londres. Il présente 42 sculptures, 51 dessins ; l’accueil est mitigé devant ses sculptures à caractères primitivistes. Il a montré là sa première Reclining figure (figure couchée) en béton coulé 1929.


Henry Moore reclining figure 1929 béton
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Demi-figure en pierre 1929


Henry Moore Demi-figure en pierre 1929
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Figure aux mains croisées en pierre 1929.


Henry Moore figure aux mains croisées en pierre 1929
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En 1929, il épouse Irina Radetzky, une étudiante en peinture née à Kiev de parents ukrainiens et polonais.

Le couple emménage dans un studio à Hampstead où vit une colonie d’artistes d’avant-garde : Barbara Hepworth, Ben Nicholson, Naum Gabo, le critique Herbert Read
Au début des années 30, il devient directeur du département de sculpture de l’école d’art de Chelsea. Tous sont influencés par leurs contacts avec Picasso, Braque, Arp et Giacometti. Beaucoup flirtent avec l’abstraction. Moore multiplie les recherches sur le thème de la maternité.

Mère et enfant 1930


Henry Moore Mère et enfant 1930 bois
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Cette pièce en particulier montre une mère tenant son enfant, mettant en valeur les thèmes de la maternité et de la tendresse.
Voir d’autres mère et enfant :
Mère et enfant, 1931, marbre
Mère et enfant 1932 albâtre

Interprétation d’un corps féminin 1931


Henry Moore Interprétation d’un corps féminin 1931
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Voir également :
Composition 1931

Puis sa première famille en 1931.


Henry Moore famille 1931 bois
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En 1934, il réalise sa première sculpture trouée.


Henry Moore figure 1933-34 marbre
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En 1935 il taille dans un grand tronc d’arbre une grande figure couchée.


Henry Moore Figure couchée, 1935, bois d’orme 48.26 x 93.34 x 44.45 cm Collection Buffalo AKG Art Museum
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L’inspiration pour ce thème provient de la sculpture Chac Mool précolombienne, mais l’idée de la réaliser en bois d’orme, vient d’une tombe de l’église Saint-André du 14e siècle.

En 1938, il en fait une autre, en pierre de Corschill, plus trouée, aux formes massives et douces, à la tête lunaire, et dont la matière, vue de près, a gardé la trace de fossile.


Henry Moore Figure couchée, 1938, pierre
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