Le monochrome

Les monochromes « duchampiens »

Daniel Walravens, (né en 1944).
Lorsqu’il a été invité au Domaine de Chaumont sur Loire en 2009, Il a présenté cinquante tableaux de 62 x 62 cm qu’il avait intitulé de vert en vert.
Sur une table, les spectateurs pouvaient voir que ces cinquante tableaux étaient associés à cinquante qualificatifs de la couleur verte.

Dans les années 80, il avait peint une série noire.


Daniel Walravens – Série noire (1984-1988), Série 66 monochromes Berlin, Martin-Gropius-Bau, Berlin, 2006
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Cette série expose les vingt noirs de la marque Tollens, appliqués avec différents outils (rouleau, brosse, éponges etc.) Sa pratique relève de l’inventaire. Daniel Walravens travaille également pour la marque Tollens pour laquelle il fabrique des nuanciers.

Bernard Brunon (né en 1948), il a fondé en 1989 à Houston, une société de peinture, « That’s Painting Productions » qu’il appelle « la première peinture en bâtiment en tant qu’art« .


Bernard Brunon au travail
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Il fait un travail qui ressemble à un peintre en bâtiment, mais chaque mur peint est daté et signé, il porte le nom de la peinture utilisée comme une oeuvre d’art.
Il met en évidence, par sa démarche, que la peinture monochrome, pourrait être réalisée par n’importe qui.

Il travaille souvent pour des musées

Etienne Bossut (né en 1946) accroche aux murs des objets qui ressemblent à des monochromes, sous le titre générique de « un monochrome de toutes les couleurs ».


Etienne Bossut – Un monochrome de toutes les couleurs Moulage de toiles en résines colorées
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Il s’agit de moulages de toiles en résines colorées qui restituent en un même bloc, le châssis, la toile, les clous, et la peinture. Voir un commentaire.

Voir d’autres oeuvres d’Etienne Bossut.

Claude Rutault (né en 1941). C’est le plus connu des artistes de cette veine.
Depuis 1977, a élaboré des « Définition méthode« . Il vend un lot de toiles vierges de différents formats, assorties d’une définition méthode. L’acquéreur a le choix entre plusieurs méthodes. Il peut soit :
– Repeindre la toile de la couleur du mur.
– Repeindre le mur de la couleur de la toile.
– Repeindre les deux d’une même couleur.


Claude Rutault – Définition méthode
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Voir un commentaire.

Les définitions méthode stipulent également des règles d’accrochage par exemple : installer des toiles de format marine de façon à obtenir une ligne ondulée horizontale figurant la mer.

Voir d’autres « définition méthode ».
Son projet annule la différence entre la décoration murale et la peinture d’artiste.

Voir d’autres oeuvres de Claude Rutault (Galerie Perrotin)

Voir un commentaire sur son oeuvre.
Son exposition dans les musées rompt avec la monotonie des murs blancs sur lesquels sont accrochés les oeuvres.

Roman Opalka (1931-2011), c’est la plus émouvante des démarches conceptuelles. Depuis 1965, il a consacré son temps à peindre la suite des nombres.


Roman Opalka 1965 / 1- ∞ , détail
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Il éclaircit progressivement le fond de ses toiles, qui deviennent un quasi-monochrome.

Après chaque tableau, il se photographiait.

Son objectif est de rendre perceptible l’écoulement du temps à l’échelle humaine.


Roman Opalka

Il existe également des parodies de monochromes destinées à faire sourire.

Les artistes avaient besoin de s’affranchir du poids de ce genre. C’est le cas de Roy Lichenstein (1923-1997) qui connaissait très bien l’histoire du monochrome.


Roy Lichtenstein – Sponge (1962) 91.5 x 91.5 cm huile sur toile
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Roy Lichtenstein Sponge 1962 on comprend que l’on va vers un monochrome blanc.
Idem pour « I Can See the Whole Room!… and There’s Nobody in It! » (Je peux voir toute la pièce…, il n’y a personne !) ironie sur le monochrome noir.

John Baldessari (né en 1931). Il peint des monochromes en indiquant qu’il s’agit de beauté pure, et c’est une parodie.


John Baldessari – Floating color (1972) photographies
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Il lance des cartons de couleurs depuis les fenêtres.

Marcel Broodthaers (né en 1945).
Il a réalisé des monochromes noirs avec des panneaux de moules (1966).

Allan McCollum (né en 1944)
Depuis 1980, il réalise des surrogate painting (substituts de peinture). Le tableau est remplacé par un simple substitut. Produit générique, reprenant les éléments du tableau traditionnel.
Il dit : « Je pense qu’il doit y avoir quelque chose de faux dans le désir de regarder un tableau ; il n’est pas possible que l’on naisse avec ce désir. » Donc les faux tableaux renvoient à des faux moi.

François Morellet (1926-2016)


François Morellet – Trois toiles vierges, inclinées à 90 °, 75°, et 60° (1959)
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Trois toiles vierges, inclinées à 90 °, 75°, et 60°

Dans les années 80, il propose d’accrocher des toiles blanches sur un mur blanc (Delacroix défiguré La Mort de Sardanapale).

Il réalise également des « défigurations ». A l’aide de formats « 30 figure » il masque les visages de prestigieuses peintures d’histoire à personnages.


François Morellet – Défiguration (projection d’une diapositive)
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Défiguration du tableau de Delacroix la justice de Trajan.
Les spectateurs du musée n’ont pas l’image de la diapositive du tableau. Ils doivent faire appel à leur culture artistique pour retrouver les tableaux originaux.

Voir également défiguration de la ronde de nuit de Rembrandt.

En 1982, il a réalisé sur la façade du musée des beaux arts de Chambéry le fantôme de Malévitch.

Il réalise également le naufrage de Malévitch.

Voir François Morellet rigoureux rigolard au musée des beaux arts de Caen en 2015.

Bertrand Lavier (né en 1949) est un adepte des recouvrements d’objets avec de la peinture, qu’il qualifie « d’avec une touche Van Gogh » (une touche bien apparente et épaisse). Il transforme (avec ironie) les objets en quelque chose de pictural grâce à sa touche.
Voir :
Peinture blanche et dorée, (1983) acrylique sur toile 214 x 166 cm
– Piano peint Gaveau (2008)


Bertrand Lavier – Mandarine, par Duco et Ripolin (1994) Peinture glycérophtalique sur toile, 250 x 220 cm Collection de l’artiste
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Voir Bertrand Lavier au centre Pompidou en 2013.

Rose-Marie Trockel artiste allemande, elle a elle a brodé sur une toile grise « Cogito ergo sum ». Voir un commentaire (centre Pompidou).

Le collectif d’artistes Présence Panchounette


Présence Panchounette – Ciel sans nuage et nuage sans ciel, (1988)
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Parodie de monnochrome

Olivier Liegent (né en 1952) il assemble des peintures monochromes aux couleurs pimpantes, sur toile, et en fait des table, des chaises.


Olivier Liégent – Living paintings, (2002)
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Fabrice Hyber (né en 1961), présente 1 m2 de rouge à lèvres en 1985.
Voir un commentaire.

Des monochromes récents…parce que l’histoire continue !
Des artiste actuels continuent à explorer le monochrome.

Alexa Meade (née en 1986)


Alexa Meade – Blueprint, (2010)
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Elle propose, sur les réseaux sociaux, de recevoir des clients dans son atelier, où elle les peint en monochrome.

Thomas Houseago (né en 1972). Il est surtout un sculpteur, il est exposé au MAM de Paris 2019


Thomas Houseago – Black paintings (2016) huile sur toile, 8 toiles 274 x 183 cm
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8 monochromes noirs sur lesquels des crânes sont tracés tous différents, dans l’épaisseur de la pâte. Voir le cartel.

Antoine Catala (né en 1975)


Antoine Catala – It’s over (2019) 9 panneaux 92 x 140 cm Biennale de Venise
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It’s over (c’est fini) Neuf monochromes,
A l’aide d’un dispositif pneumatique, sur chaque panneau, un texte en relief apparaît, transmettant des messages qui se veulent rassurants : «Ne vous inquiétez pas», «C’est fini», «Tout va bien», «Hé, détendez-vous», ou une image de deux ours en peluche s’embrassant.

Alphonse Allais (1854-1905), au XIXème siècle avait réalisé un album primo-avrilesque précurseur des monochromes en quelque sorte.

De la fin du XIXème siècle, jusqu’à aujourd’hui, l’histoire du monochrome a été sujette à de nombreux rebondissements. On a vu que le monochrome oscille entre manifestation de l’absolu et rire nihiliste et qu’il un éventail infini de possibilités aspirant tantôt à la beauté, au sublime, à la spiritualité, au matérialisme, à l’humour, au désespoir …
Si on revient à la pièce de Yasmina Reza, peu de monochromes sont accessibles aux non initiés, et que plus encore qu’une peinture figurative, ou une autre forme d’abstraction, le monochrome peut laisser le spectateur complètement frustré de ne pas entrer en connivence parce qu’il échappe à toute interprétation.
Pour Denis Riou (professeur d’art contemporain à la Sorbonne) « Les tableaux sont à la fois des objets visibles, et des objets conceptuels. Les tableaux sont des objets conceptuels sensibles et datés, et cette évidence apparaît avec encore plus d’acuité lorsqu’il s’agit de monochromes. » C’est ce qui explique que, encore aujourd’hui, le monochrome reste un objet perturbant parce qu’il n’en fini pas de mettre en question la peinture, l’art et l’esthétique.

Voir le monochrome (parcours dans les collections du centre Pompidou)

Le monochrome