Contraste avec Los Arpilleristas, un collectif d’artistes chiliennes nommé ainsi d’après le terme espagnol désignant les sacs de jute qu’elles utilisent comme support. Il s’agit de scènes de la vie quotidienne cousues et brodées.
Elles transportent un sac de riz avec du vrai riz.
Personnages réalisés en volume avec des boules de coton.
Isaac Chong Wai né en Chine en 1990, il vit entre l’Allemagne et Hong Kong. Il montre une vidéo qui évoque, entre performance et danse, les actes de violence commis contre les communautés de migrants asiatiques à l’étranger, mais aussi les attaques contre les homosexuels.
Les violences sont chorégraphiées.
Barbara Sanchez-Kane est née au Mexique en 1987, elle a créé un amusant groupe intitulé Prêt à Patria. Elle déconstruit les idées de masculinité en transformant l’uniforme militaire de l’État avec des sous-vêtements en dentelle.
Au niveau du sexe un support sort avec un miroir de poche.
Approche sarcastique du nationalisme mexicain et de son violent endoctrinement des identités.
C’est la même idée que traduit la vidéo d’Ana Segovia née en 1991 au Mexique, qui elle aussi, veut déconstruire les récits dominants de la virilité. Dans une salle rose, les scènes montrent en couleurs fluorescentes deux Charros (cowboys mexicains) portant des costumes traditionnels sur mesure aux teintes modifiées. Ses gros plans révèlent un certain homo érotisme.
Venise 2024 : Ana Segovia, Mexique
L’artiste raconte qu’elle a essuyé beaucoup de refus de tailleurs pour homme refusant de lui faire des « tissus de pédés« .
Violeta Quispé est née au Pérou en 1989. Artiste et activiste liée aux traditions andines de la culture Quechua, elle milite pour l’égalité des sexes.
Santiago Yahuarcani, est un artiste autodidacte né au Pérou en 1960. Il appartient au clan du héron blanc, et il exprime sur de très grands formats, la présence et la force des esprits, gardiens des plantes, des arbres et des animaux.
Peinture sur tissus remplie de personnages et de figures de divinités.
Rember Yahuarcani, son fils est né au Pérou en 1985. Ses peintures, très grandes elles aussi, s’appuient sur des récits mythologiques dans lesquels dit-il « les animaux, les plantes, les esprits, les humains, et les êtres de la forêt amazonienne sont connectés au niveau moléculaire et perpétuellement en mouvement« .
Visite rapide de l’Arsenale
Nous quittons cette partie de l’Arsenale pour aller voir quelques-uns des pavillons nationaux.
Le pavillon du Bénin où 4 artistes se partagent le pavillon.
Romuald Hazoumé né en 1962 nous fait pénétrer dans l’obscurité d’une tente sacrée avec un ciel étoilé, fait d’une centaine de bidons d’essence ornés comme des masques.
Moufouli Bello est née en 1987, elle est peintre, elle présente cinq grands formats formant une très belle galerie de portraits féminins bleus, jouant avec la géométrie des motifs et l’éclat des blancs.
C’est très bien composé, un peu matissien dans l’esprit.
L’artiste juriste de formation, est diplômée de l’ENA de l’université Abomey Calavi. Elle a étudié l’art au Fesnoy et poursuit actuellement un doctorat en arts visuels.
Ishola Akpo né en 1983 est photographe. Ici il a transféré sur un très grand format une ancienne photo de groupe du Bénin, avec des gens, sans doute rassemblés autour de la statue d’une idole, qu’il a remplacée par l’image d’une amie devenue ainsi une figure matriarcale protectrice.
La silhouette en couleur sur un tissu peint a aussi a été cousue à gros points sur la photo d’archive.
Le Sénégal a confié son pavillon à un peintre franco-sénégalais Alioune Diagne, né en 1985.
Il a réalisé une grande peinture murale représentant des scènes de vie quotidienne, ainsi que des scènes de départ sur des embarcations bondées, une sorte de grands puzzle de 4 m sur 12,
Il peint avec une étonnante technique pointilliste qui de loin lui donne une qualité de fresque.
Au sol, une pirogue traditionnelle brisée, enveloppée de tissus sénégalais, fait écho aux grandes vagues migratoires.
Le pavillon de l’Argentine présente Luciana Lamothe, née en 1975, qui travaille le bois et le métal. Son installation qui occupe toutes les salles du pavillon, présente des bois et des branches comme si, après la dévastation d’une forêt, ils retrouvaient une nouvelle forme de beauté réinventée.
Jeux de courbes et de contre courbes dans lesquels sont logés des fagots de bois.
C’est superbe !
Luciana Lamothe – Hope the Doors Collapse
L’Arabie Saoudite présente Manal AlDowayan née en 1973, elle a réalisé une installation intitulée « Chanson de combat« , qui porte sur les femmes de la société saoudienne. On déambule entre de grands éléments en soie imprimé composant les pétales d’une rose des sables.
Leur surface est sérigraphiée de textes écrits sur les femmes saoudiennes et de graffitis. C’est, dit-elle : « une cacophonie d’opinions qui ont contribué à assombrir leur propre représentation d’elles mêmes ».
L’artiste espère ainsi, dit-elle, encourager les femmes à écrire une nouvelle histoire.
En sortant, tout près de l’Arsenale, dans une petite rue sombre, est caché le pavillon du Panama, occupé par une artiste panaméenne née en 1957, Isabel de Obadia, qui peint et en même temps travaille le verre. C’est la première participation de son pays à la Biennale de Venise.
On y entre comme dans une forêt sombre, avec des couleurs et avec parfois des trouées de soleil. Réalisé en peinture et au pastel avec des coprs suspendus en verre. Elle suggère l’opacité de la jungle du Darien qui sépare le Panama de la Colombie. Cette jungle est réputée franchissable, et les migrants s’y risquent de plus en plus. L’artiste s’y est rendue sur place et parle des traces, d’objets abandonnés le long des pistes.
Pour matérialiser leur présence et leur douleur, elle suspend dans le vide des corps de verre colorés de différentes nuances et acéphales, dont la peau semble avoir été griffée et blessée.
En même temps, on entend des chuchotements, des bruits de la forêt. La puissance évocatrice de l’ensemble est très forte.
En conclusion, c’est une biennale généreuse particulièrement dans le contexte d’une droitisation des pays occidentaux. Elle fait place aux réfugiés, aux migrants, aux anciens colonisés à ceux qui se sentent marginalisés.
C’est un appel à une relecture mondialisée de l’histoire de l’art. La biennale précédente donnait à faire connaitre les femmes rejetées de la grande histoire de l’art, nous avons cette année une ouverture supplémentaire sur des artistes qui ne sont pas montrés ou le sont uniquement dans leur pays d’Amérique latine, d’Afrique ou d’Asie. Il est intéressant que l’art mondial ne soit plus auto centré sur l’occident.