ISOKON

Implantation structure environnement

En raison de la présence de deux tunnels ferroviaires aux extrémités du site, l’immeuble est placé en biais par rapport à la rue. L’aspect de l’édifice dérive directement de cette situation, obligeant Coates à construire au nord, en porte-à-faux au-dessus des tunnels, une tour élancée sur 5 niveaux abritant la cage d’escalier. L’escalier est éclairé par une baie vitrée. Cet escalier donne accès aux passages ouverts, également en porte-à-faux.


Cage d’escalier
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Il faut donc prévoir un cadre monobloc en béton armé, recouvert de deux couches de ciment étanche (cement wash render) légèrement coloré. La couleur finale a été un sujet de dispute entre Pritchard et Coates. La façade principale donnant sur Lawn road est marquée aux deux extrémités par une forte verticalité. Les escaliers au bout de chaque passage rompent la monotonie horizontale de la façade. En bas de la tour se trouvent les parties communes et un garage.

Cette tour est un rappel du bâtiment Konsum de la cité Törten à Dessau, visité deux ans plus tôt.

Sur l’autre façade, moins caractéristique, les appartements de chaque niveau sont éclairés par 12 baies vitrées par niveau, dont 3 prolongées par un balcon. Une des rares photos anciennes des balcons.

Une photo d’un balcon postérieure à la restauration. Il est aujourd’hui impossible de photographier la façade ouest, à cause des arbres qui poussent abondamment dans un parc privé clos, un rappel du logement des étudiants à Dessau.
La modernité naturelle de l’ensemble offre un contraste harmonieux avec les maisons victoriennes situées sur devant la façade principale.


Terrasse du bâtiment
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Sur la terrasse, Magnus Englund, gérant de Isokon gallery, qui a occupé le penthouse des Pritchard.


Musée Isokon
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J’ai eu le plaisir de le rencontrer ; il nous invite à visiter son petit musée.

Distribution des appartements sur 4 niveaux

Dans sa configuration d’origine, le bloc comprend quatre niveaux, y compris le rez-de-chaussée, accessibles par des passages ouverts. L’appartement des Pritchard au sommet comprend un module central pour les parents et une annexe pour les enfants. Ces deux appartements ne sont atteignables que par l’escalier de la tour. Il y avait en tout 32 appartements.


Distribution des appartements
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Sur chacun des 4 niveaux, on trouve
– un appartement “double” côté Sud, en rouge,

– « Minimum flats » (appartements standard), au Rdc, et 6 par étage, soit au total 22, en violet, leur superficie est égale à 25 m2, la hauteur de plafond réduit l’impression d’exiguïté.

– ainsi que 3 studios un peu plus grands en face aux cages d’escaliers et du monte charge (service lift), en jaune.

Le RDC accueille l’appartement avec trois chambres pour le personnel, bleu foncé,

La cuisine communautaire, la buanderie, et le garage, en vert.

Accès aux appartements

Locataires et visiteurs empruntent l’escalier de la tour située au nord. Pour des raisons d’économie, il n’a pas été prévu d’ascenseur.


Accès aux appartements
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Les couloirs desservent tous les appartements, à l’exception du penthouse situé au dernier niveau. Au bout du couloir un escalier permet de monter à l’étage supérieur ; il est ainsi possible d’aller discrètement d’un appartement à l’autre. Cette qualité devrait être appréciée d’un type particulier de locataires.

Minimum flats

Les 22 “minimun flats” sont les plus originaux. Ces appartements, comme indiqué sur les 2 plans, avec en haut vue en élévation et en bas vue en plan, sont une tentative de réponse aux défis et aux contraintes de la vie moderne en simplifiant le plus possible l’espace tout en donnant un maximum de confort et en utilisant le moins de matériaux. Ses dimensions sont de 5.4 m × 4.67 m. Ils peuvent pas être habitée par des familles ayant des enfants.


Cuisine
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Ils n’ont qu’une cuisine de poche dotée d’équipements électriques, mesurant 1.4 m × 1.52 m. La voici reconstituée dans Isokon gallery avec des éléments et un réchaud anciens, récupérés lors de la rénovation de l’immeuble.


Living room
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La partie living mesure 5.4 m × 3.15

Des meubles intégrés marquent la séparation entre le divan muni d’un matelas, compris dans la fourniture louée, et la table de travail, tandis que des portes coulissantes, en contreplaqué bien évidement, occultent les commodités, toutes placées à portée de main des occupants : le dressing, la salle de bain et la cuisine de poche.

Voici une photo de bien meilleure qualité, bien plus lisible. Elle n’est pas prise sur site ; c’est une reconstitution pour l’exposition « Thirties, british art and design before the war« , de 1979.


Salle de bain
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On ne voit d’ailleurs que la salle de bain. L’appartement était également équipé d’un dressing, pièce à la mode à l’époque, et nécessaire pour ranger les vêtements en l’absence d’une armoire qu’il aurait été impossible d’installer. C’est également une reconstitution, avec des meubles d’époque récupérés, qui se trouve dans Isokon gallery.

Les « grands » appartements


Chambre d’un « grand » appartement
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Les « grands appartements » répondent à des spécifications moins originales, il sont aussi équipés de cloisons coulissantes. Ils possèdent un lit double.

Le penthouse des Pritchard

L’appartement terrasse (penthouse) se trouve au 5ème niveau. A l’origine, il y avait deux appartements séparés, un pour les parents, un pour les deux enfants. Ils possédaient chacun une porte en contreplaqué renforcé par du métal, la spécialité de Jack Pritchard. Les 2 appartements ont été réunis, et la 2ème porte est aujourd’hui au musée.
Voici l’intérieur à l’époque des Pritchards. Vous retrouvez la chaise longue de Breuer.


Le penthouse des Pritchard
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Il donne sur une terrasse dont la surface est plus du double de la pièce habitée. Il est aujourd’hui habité et remeublé, dans l’idée de recréer l’appartement des Pritchard.


Le penthouse des Pritchard
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Les murs sont recouverts d’un placage de bouleau, majoritairement fabriqués par la société Venesta, l’ancien employeur de Jack Pritchard. La pièce à vivre combine à nouveau le salon de réception et la salle à manger ; une cloison avait en effet été ajoutée. Elle a été supprimé pendant la rénovation et le plancher en contreplaqué a été complété. Cette pièce à vivre est meublée d’originaux ou de répliques de meubles conçus dans les années 30, réalisés en contreplaqué plié.

Une baie vitrée donne sur la terrasse. La salle de bains et surtout la cuisine sont entièrement reconçus pendant la restauration de 2001-2004. La cuisine avait été prévue de petite dimension, puisque les occupants étaient sensés se fournir à la cuisine collective.


At Home In The Isokon Building Penthouse

L’Isobar club

J. Pritchard est avant tout un homme de réseaux (1st class networker) et un gourmet. Il entend recréer l’atmosphère intellectuelle qu’il a connu à Cambridge, dans la tradition du club britannique. En 1937, la la cuisine communautaire est transformée par Marcel Breuer en « Isobar club », ouvert non seulement aux résidents, mais aussi aux intellectuels résidents dans le quartier.
Voici coloriés en verts les meubles conçus par Marcel Breuer. C’est dans ce bar qu’est organisé son diner d’adieu de Walter et Ise Gropius.


Isobar club
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Après un essai peu concluant d’un club strictement privé, le club est repris par le chef Philipp Harben, a qui réalisé la 1ère émission « top chef » sur la BBC en 1946. Avec son épouse, il habite l’immeuble Isokon. Le mobilier et les luminaires dans la salle de restaurant sont signés Marcel Breuer. Comme il a une haute idée de son art, il y ajoute son portrait, ainsi qu’une carte du nord-ouest de Londres et une vue de Kenwood House.


Isobar club
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Lorsqu’il fait beau, le diner est servi dans le jardin. Comme ce n’est pas toujours le cas à Londres, Molly Pritchard, obsédé par la météo reçoit des informations en direct du ministère de l’air. Elle a même fait installer un baromètre-enregistreur dans le bar. Il se trouve aujourd’hui dans le petit musée. Le nom « isobar » traduit bien cette obsession.


Isobar club
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Autour d’un verre, ou à diner, se retrouvent à Isokon des artistes, peintres ou sculpteurs, (Adrian Stokes, Ben Nicholson, Henry Moore, Naum Gabo, Barbara Heoworth), des journalistes, des critiques d’art (Adrian Stokes, Nikolaus Pevsner), des designers, des philosophes, des architectes (Wells Coates, Serge Chermayeff, Erich Mendelssohn). La petite histoire raconte que Jack Pritchard avait pris la mauvaise habitude d’y manger régulièrement sans payer. Philip Harben a dû lui rappeler qu’il lui avait confier la gérance du restaurant.
Pendant la guerre, les réunions du club se tiennent dans l’abri anti-aérien que constitue cet immeuble en béton armé, protégé par des sacs de sable. Le club est converti en appartement en 1969, lors de la vente de l’immeuble à “New Statesman”.

Décadence et renaissance

En 1968, Jack Pritchard décide de vendre l’immeuble Isokon, qui est acquis l’année suivante par un magazine politique “New Statesman”. Il est ensuite revendu au Camden Council en 1972. Le manque d’entretien a pour conséquence logique sa dégradation progressive, malgré un premier classement en 1974 comme monument historique, listed building grade II, ce qui correspondrait à l’inventaire en France, le sauve de la démolition totale.

En 1994, English Heritage, l’équivalent de la direction du patrimoine, le classe « chef d’œuvre en péril ». Suivent comme en France des émissions de télévision. L’immeuble enfin classé comme « listed building grade I » en 1999, l’équivalent de « classé monument historique », et débarrassé progressivement de ses squatters.


Dégradation de l’immeuble
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L’édifice se trouve alors dans un état indigne de ses créateurs. Sous le feu des critiques, la municipalité de Camden lance en l’an 2000 un triple appel d’offre pour la vente, la gestion et la réhabilitation d’Isokon. Le bâtiment est acquis l’année suivante par Notting Hill Housing Group, Avanti Architects est chargé de la restauration, Isokon Trust est chargé de la conservation patrimoniale. L’objectif est de fournir des logements abordables en copropriété et en location, dans l’esprit des fondateurs. Les travaux comprennent une restauration intégrale de la structure en béton armé et de la façade et de lui restituer sa teinte rose pâle voulue par W. Coates, la restauration des murs, plafonds et sols mises aux normes modernes d’insonorisation et résistance aux incendies, la restauration ou le remplacement des menuiseries, et des éléments métalliques, la modernisation complète des circuits électriques, un chauffage central au gaz, l’installation de réseaux de communications modernes, tout en respectant la structure du bâtiment. Les panneaux en contreplaqué du penthouse ont été restaurés.


Restauration de l’immeuble
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Le nouvel Isokon est livré en 2004 et permet d’offrir 11 appartements en copropriété et 25 en location-vente pour des agents prioritaires de la municipalité, en fait des enseignants et des policiers.


Galerie Isokon
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La galerie Isokon s’installe dans l’ancien garage. Elle présente un aperçu des origines et de l’histoire de l’édifice, elle évoque Isobar et le Half Hundred Club, expose les meubles Isokon. C’est là que se trouvent la cuisine de poche et le dressing reconstitués.

Les meubles isokon avant 1935


Les meubles isokon avant 1935
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Dès 1930, alors qu’il travaille pour Venesta, Jack Pritchard crée des meubles en contreplaqué : bureau, armoire-bibliothèque. Il crée sa propre société destinée à la fabrication de meubles en contreplaqué l’année suivante. En 1933, Coates reconçoit ces meubles pour équiper le minimum flat de l’exposition à Dorland hall. Les ventes démarrent bien après l’exposition, mais ont tendance à stagner ensuite. Les dépliants publicitaires sont créés par le frère de Jack, Fleetwood Pritchard.

En 1933, Jack Pritchard cesse de concevoir des meubles ; il confie à Wells Coates la conception de ceux destinés au « minimum et double flats ». Il importe un petit tabouret en contreplaqué, fabriqué par Venesta en Estonie. Il va devenir le produit le plus vendu de son entreprise d’avant-guerre. Par la suite, les relations avec Wells Coates se sont particulièrement tendus, et Jack Pritchard fait appel à d’autres designers.

Voir d’autres meubles ISOKON.

Les locataires

Jack Pritchard cherche de nouveaux designers ; ce sont les anciens du Bauhaus, persécutés par les nazis, qui vont jouer ce rôle, dans une société entièrement contrôlée par Jack Pritchard. Ils seront, au moins temporairement, logés dans « the lawn road flats », comme le rappelle cette plaque apposée sur l’immeuble. Ce qui fait une excellente transition pour ma seconde partie.


Les locataires d’Isokon
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Les Pritchards ont déposé leurs notes à l’université d’East Anglia. Elles révèlent la présence de nombreux autres intellectuels parmi leurs premiers locataires, des écrivains, un économiste, un musicologue, d’autres artistes, d’autres architectes.

Des écrivains

Parmi les écrivains, le plus célèbre d’entre eux est une femme, Agatha Christie, qui y a élu domicile dans l’appartement N° 20, avec son mari l’archéologue Max Mallowan, de 1941 à 1947.


Agatha Christie et son mari
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Un égyptologue, Pr Stephen Glanville, résidant à Isokon, présente le couple à J. Pritchard. En effet, Agatha Christie et son mari sont « sans logis ». Leur vaste manoir de style géorgien dans le Devon est réquisitionné par l’amirauté, la maison de South Kensington a été bombardée, Agatha Christie décide de s’installer dans un petit appartement qui lui donne une impression de pouvoir résister aux bombes. Max, l’archéologue arabisant, accepte un poste dans le service de renseignement de la RAF à Londres ; en 1942, il est muté au Proche-Orient. Son épouse, seule mais prolifique, n’arrête d’écrire que pour aller diner à l’Isobar, en bas de l’immeuble. Le professeur Glanville la conseille pour « meurtre sur le Nil » ; elle se sent heureuse à Isokon.

Un peu moins connu, peut-être un peu oublié de nos jours du public français, Nicholas Monsarrat (1910-1979) emménage en 1934.


Nicholas Monsarrat (1910-1979)
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Il est l’ auteur d’un livre à succès paru en 1951 : la mer cruelle, dont a été tiré un film, diffusé régulièrement il y a près de 60 ans par l’ex ORTF. Il s’est porté volontaire en 1939 pour servir dans la Royal Navy. Bien que n’étant pas officier de carrière, l’amirauté lui a confié le commandement d’une corvette anti-sous-marine. Son expérience du temps de guerre lui fournit matière à ce roman.
Un second roman paru en 1955, « le bateau qui mourrait de honte » lui permet de se consacrer définitivement à sa carrière de romancier. Il n’est pas encore célèbre lorsqu’il emménage à Isokon, rêvant de connaitre le même succès qu’Agatha Christie. Il rencontre cette romancière comme voisine de palier, avant de connaitre lui aussi le succès

Des artistes, des architectes

L’architecte Arthur Korn (1891-1978), auteur du livre prophétique publié en allemand en 1929, puis traduit en anglais « Le verre dans l’architecture moderne » a pris l’appartement 24 à son arrivée en 1934. Il est prêt à s’associer avec J. Pritchard pour réaliser un autre Isokon, mais le climat politique des années 1935-1939 a stoppé tous les projets.


Arthur Korn (1891-1978)
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L’orfèvre et designer Naum Slutzky (1894-1965), un ancien de l’atelier métal au Bauhaus entre 1919 et 1924, se retrouve dans l’appartement 2. Il réalise des bijoux comme ce collier en 1930 (V&A museum).


Naum Slutzky collier 1930
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Le sculpteur Naum Gabo, a lui aussi habité cet immeuble. Voici Construction in Space (Crystal, 1937–9, Tate).


Naum Gabo Construction in Space (Crystal, 1937–9, Tate)
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Les deux frères Antoine Pevsner et Naum Gabo prônent l’union de l’industrie et des arts. Ils diffusent leur conception dans un « manifeste réaliste », considéré comme le manifeste du constructivisme russe. Ils quittent l’Union Soviétique dès 1922. Naum Gabo est passé par le Bauhaus. Ils veulent libérer la sculpture du poids, du volume, de la pesanteur. Il joue avec la lumière, les lignes et le dynamisme ; ils coopèrent avec les mathématiques. Les lignes géométriques animent la sculpture.

Le peintre Adrian Durham Stokes (1902-1972) est un des premiers locataires est surtout connu comme historien de l’art moderne, en particulier sur Henry Moore, qui habite Hampstead jusqu’à ce que sa maison soit bombardée.


Adrian Durham Stokes
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Il est aussi reconnu pour ses travaux sur l’art et de l’architecture de la Renaissance italienne. Il était également un peintre de paysages, de natures mortes, représentant ses sujets dans des tons uniformes, plutôt bleutés, comme dans cette nature morte de 1962, exposée à la Tate.


Adrian Durham Stokes
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ou rouge dans cette autre nature morte de 1959.


Adrian Durham Stokes
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Stokes est un autodidacte. Il expose à Londres dans les années 1950 et 1960, mais reste un artiste privé, très apprécié par un cercle d’intellectuels, mais peu connu, et disposant de moyens privés suffisants pour ne pas avoir besoin de vendre ses œuvres.

Ses natures mortes rappellent celles de Morandi, mais dans un style bien différent.

Walter Gropius (1883-1969) a commencé sa carrière dans l’agence de Peter Behrens (Rappel si nécessaire : 1910 de AEG Turbinenfabrik à Berlin Moabit). Il fonde le Bauhaus en 1919, et démissionne de son poste directeur en 1928, au moment où le Bauhaus atteint l’apogée de sa célébrité. Il souhaite se consacrer à l’architecture et à son agence de Berlin. Sa démission cause la consternation chez les étudiants, et chez nos visiteurs britanniques qui ne croisent personne lors de leur visite à Dessau.


Walter Gropius (1883-1969)
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En 1933, le Parti nazi accède au pouvoir en Allemagne. Walter Gropius se montre tout d’abord indifférent à ce changement politique. Il espère même que le nouveau régime peut s’intéresser à l’esthétique fonctionnelle qu’il a développé. A mesure que les nazis consolident leur pouvoir, Walter Gropius se montre inquiet. En effet, l’Italie fasciste l’invite à l’exposition triennale des arts décoratifs et industriels à Milan, , « l’institut culturel allemand » tente d’empêcher sa participation. La modernité n’est pas l’apanage des régimes progressistes. Par la suite, l’architecte s’adresse à la Chambre de la culture du Reich et participe à de nombreux concours. Tous sont refusés. Faute de commande et sans perspective, il se rend en Grande-Bretagne en mai 1934, à l’occasion d’une exposition qui lui est consacrée. Il est à cette époque un architecte mondialement connu, non seulement comme ancien directeur du Bauhaus, mais par ses réalisations :
L’usine Fagus, construite en 1911, aujourd’hui classé au patrimoine de l’UNESCO.


Walter Gropius usine Fagus
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– A Dessau, il conçoit non seulement le bâtiment d’enseignement et la maison des maîtres qu’ont admiré J. Pritchard et Wells Coates, mais aussi des logements sociaux de qualité, la cité Törten (1926-1928).


Walter Gropius cité Törten
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Siemensstadt à Berlin (1929-1931), réalisé avec 5 autres architectes, membres de « der Ring » (lieu d’un débat entre architecture fonctionnaliste et organique).


Walter Gropius Siemensstadt Berlin
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Après son 1er séjour au Royaume-Uni à l’invitation du Royal Institute of British Architecture, il rencontre J. Pritchard. Il retourne en Allemagne avec l’intention d’y rouvrir son agence. Sans y être parvenu, il prend la décision de quitter définitivement, mais légalement, l’Allemagne. Les biens des émigrants illégaux sont saisis. De plus, la Reichsbank, sous la houlette de Hjalmar Schacht, impose un contrôle des changes draconien. Walter Gropius arrive à Londres presque sans un sou, heureux que J. Pritchard lui offre un appartement dans Isokon, et la possibilité de travailler avec l’architecte britannique Maxwell Fry. Il apporte également son expérience à la fabrication des meubles Isokon. Il crée une corbeille à papier en aluminium, retrouvée et exposée à Isokon Gallery.

L’agence créée par Walter Gropius et Maxwell Fry fait de nombreux projets, mais peu aboutissent dans un Royaume-Uni en perte d’influence économique et politique. Le plus notable des projets menés à terme est Village College à Impington, achevé par Maxwell Fry en 1939.


Village College à Impington 1939
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Walter Gropius qui se sent un peu déprimé en Angleterre veut faire venir ses fidèles du Bauhaus.
László Moholy-Nagy (1895 1946) arrive à Londres en mai 1935.


László Moholy-Nagy (1895-1946)
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Il est utile de rappeler les grandes étapes de sa carrière :
Il quitte la Hongrie après l’échec de l’éphémère République des conseils de Hongrie. Il se réfugie à Vienne, puis à Berlin. En 1922, lors d’une exposition à la galerie d’art, liée à la revue Der Sturm de Berlin, il fait la connaissance de Walter Gropius. Il est à la fois peintre proche de Dada et du constructivisme .

En février 1923, Der Sturm organise sa deuxième exposition personnelle ; Moholy-Nagy de présente ses Telefonbilder, des peintures sur porcelaine émaillée. Cette même année, il est invité à enseigner au Bauhaus. Il y reprend le poste de Johannes Itten comme responsable de l’enseignement préparatoire (Vorlehre), où ses étudiants conçoivent des œuvres en 3 dimensions faites de métal, de verre, …
László Moholy-Nagy prend en plus en charge l’atelier métal, qu’il oriente vers des créations compatibles avec la machine, comme cette lampe en verre, qui figure sur le catalogue du Bauhaus daté de 1925.


László Moholy-Nagy lampe en verre
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Il bénéficie d’une des 6 maisons doubles construites à Dessau pour les principaux enseignants du Bauhaus. Il quitte le Bauhaus en même temps que Walter Gropius.
Il fonde une agence de design à Berlin. Il réalise plusieurs décors pour l’Opéra et le théâtre d’Erwin Piscator. Il crée des campagnes publicitaires, écrit des articles. En 1930, il réalise un film abstrait : un jeu de lumières noir, blanc, gris (ACTION).

En 1933, il participe au 4ème congrès du CIAM, qui se tient à bord d’un paquebot en croisière entre Marseille et Athènes. Wells Coates, président du MARS, participe aussi à cette croisière. Comme Juif étranger, il n’a plus le droit de travailler en Allemagne.
Il arrive à Londres en 1935. Il est d’abord hébergé 3 mois à « Lawn road flats », puis dans un autre appartement. Jack Pritchard lui confie la publicité d’Isokon. Il réalise le logo de la société.

Au cours des 2 ans qu’il passe à Londres, il a d’autres contrats de designer et publiciste du métro londonien ou la conception d’une exposition itinérante pour Imperial Airways.


László Moholy-Nagy publicité pour le métro de Londres
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Il est conseiller artistique pour l’agencement d’un grand-magasin de mode masculine : Simpson of Piccadilly.

Un réalisateur britannique, John Halas, qui possède une copie de « un jeu de lumières .. » lui demande de réaliser : « in the cradle of the deep», (dans le berceau des profondeurs), une sorte reportage sur les homards, la vie des pêcheurs. Ce film de 16 minutes comporte des scènes tournées sous la mer.

Il conçoit un album photographique de 28 pages pour les éditions de « the Architectural Review » : « loisirs en bord de mer », une analyse sociale du mode de vie britannique.


László Moholy-Nagy Brighton beach 1936
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Walter Gropius met plus de temps à convaincre Marcel Breuer (1902 1981), qui arrive en octobre 1935.


Marcel Breuer (1902 1981)
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