L’Atelier d’artiste

C’est Max Jacob qui l’avait baptisé ainsi en raison du linge qui séchait aux fenêtres. Des locaux vétustes sans eau courante, un seul point d’eau au sous-sol, glacé l’hiver, étouffant l’été, mais Picasso dira plus tard : « C’est là que nous avons été vraiment heureux !« . Nous, c’était lui et sa bande d’amis peintres et poètes. Dans l’oeuvre, c’est la fin de la période bleue, la période rose, la découverte de l’art africain, et les Demoiselles d’Avignon et c’est là qu’il a rencontré Fernande Olivier. Contemplation 1904 c’est lui regardant Fernande endormie.


Picasso, Femme endormie en méditation (1904) huile sur toile 36 x 27 cm
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En 1909, Picasso et Fernande emménagent 11 boulevard de Clichy. C’est l’élaboration du cubisme. Picasso et sa compagne ne reçoivent que le dimanche, pour laisser l’artiste se concentrer.

En 1912, Picasso a une liaison avec Eva Gouel, il s’installe avec elle dans la villa des clochettes à Sorgues près d’Avignon où Braque vient les voir. Picasso occupe toutes les pièces du logement pour son atelier.


Atelier à Sorgues, villa Les Clochettes, 1912 avec Eva Gouel
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En 1913, le couple emménage au 5 bis rue Schœlcher. Eva succombe à la tuberculose en 1915 et Picasso fréquente Cocteau et Diaghilev, il part en tournée avec les ballets russes en Italie.


Atelier 5 bis rue Schoelcher 1913-1916
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En 1917 installation à Montrouge, 22 rue Victor Hugo, avec Olga Khokhlova rencontrée à Rome pendant la tournée des ballets russes.


Picasso L’atelier à Montrouge, 22 rue Victor Hugo 1917
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C’est l’année de « Parade« , c’est là que Picasso a peint Olga dans un fauteuil à partir d’une photographie prise dans l’atelier, (on y voit des dessins, peintures et statuettes africaines).

En 1918, installation au 23 rue de la Boétie, sur deux étages. L’atelier est au-dessus de l’appartement aménagé confortablement par Olga.


Picasso L’atelier rue La Boétie, 1918-1929 gouache sur papier 19,5 x 10,9 cm
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Voir également Picasso rue La Boétie en 1929

Lors des séjours de vacances à Biarritz, à Saint-Raphaël, à Dinard, au Cap d’Antibes à Juan-les-Pins à Cannes, Picasso partout continue à peindre.
Depuis les fenêtres de la rue La Boétie, il y a vue sur l’église Saint-Augustin. plusieurs peintures montrent le dôme de l’église vu par la fenêtre.


Picasso Nature morte devant une fenêtre donnant sur l’église Saint Augustin 1919
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Voir également :
Vue sur le clocher de l’église Saint Augustin (1919)
Vue sur le clocher de l’église Saint Augustin (1919)

Voir les adresses parisiennes de Picasso.

Depuis 1927, Picasso entretient une liaison clandestine avec Marie-Thérèse Walter. Une toile de 1929, l’atelier, montre à quel point les relations sont tendues avec Olga.


Picasso, l’atelier 1929 huile sur toile 162 x 130 cm centre Pompidou
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C’est pourquoi en 1930, Picasso achète le château de Boisgeloup près de Gisors. C’est une résidence de campagne datant du 18e siècle ouvrant sur un grand parc.


Le château de Boisgeloup, Gisors,1930-1935
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Les nombreuses dépendances permettent à Picasso d’y installer des ateliers de sculpture. Il exploite ce qu’il trouve sur place, du grillage pour cage à poules, des ferrailles, qui servent d’armature à ses grandes figures de plâtre.
Marie-Thérèse est sa principale source d’inspiration.

En 1936, Picasso est contraint d’abandonner Boisgeloup à cause du partage avec Olga, dont il s’est officiellement séparé en 1935. Il s’installe à Tremblay-sur-Mauldre avec Marie-Thérèse et Maya dans une ferme prêtée par Ambroise Vollard.


L’atelier de Tremblay sur Mauldre, 1936-37
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C’est là qu’il a peint plusieurs fois Maya enfant.

En 1937, Picasso s’installe 7 rue des Grands-Augustins dans un hôtel particulier. C’est là que sous l’œil de Dora Maar, il peint Guernica. Là aussi, que pendant l’occupation, il recevra la visite de soldats allemands.
… et qu’en 1943 il va rencontrer Françoise Gilot.
Voir une photo de Brassaï rue des Grands Augustins
En 1945 il achète pour Dora Maar une maison à Ménerbes, dans le Vaucluse.

En 1946, le conservateur du château d’Antibes Romuald Dor de la Souchère met à sa disposition une salle pour y travailler. Picasso y installe un atelier sommaire avec des plaques de fibrociment et de contreplaqué sur lesquelles il peint avec des couleurs pour bateau.


L’atelier au Château Grimaldi, Antibes 1946-1947
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Voir également l’atelier du château Grimaldi.

En 1948 Picasso et Françoise emménagent dans la villa la galloise à Vallauris.


Picasso villa à Vallauris 1951 huile sur contreplaqué 88.9 × 116.2 cm
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Voir les années méditerranéennes de Picasso.

C’est là que Picasso réalise les assemblages la femme à la poussette (photo Lee Miller), la fillette sautant à la corde, motivé par l’enfance de Claude et Paloma et là aussi qu’il a pris goût à la céramique. En 1953, il achète l’atelier du Fournas à Vallauris.

En 1955 Picasso achète sur les hauteurs de Cannes une grande bâtisse Belle Époque appelée la Californie, avec un grand jardin planté de palmiers et d’eucalyptus.


La villa La Californie à Cannes, 1955-1958
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Toutes les grandes pièces de la Californie sont transformées en atelier. Il s’y installe avec Jacqueline Roque.


Picasso Jacqueline au studio 1956, huile sur toile 114 x 146 cm
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Voir également :
L’atelier de la Californie 1956
Studio. l’Atelier 1956

Le photographe américain David Douglas Duncan, qui a sonné un jour de 1956 au portail de la villa, a été rapidement accueilli en ami par toute la famille, il a rendu compte du quotidien de Picasso sous toutes ses facettes, au travail, au repos, jouant avec ses enfants, dansant avec Jacqueline.


24 heures Picasso – « Picasso à La Californie » Musée Picasso-Paris

Lucien Clergue aussi a été accepté dans la villa.
Pierre Cabane écrit : “Ici c’est le désordre des rues La Boétie et des Grands Augustins ajouté au bric-à-brac du Fournas, le tout multiplié par 10 à cause de la dimension et du nombre de pièces”. C’est au premier étage que Picasso entreprend de revisiter les Ménines de Vélasquez et les femmes d’Alger de Delacroix.

Quand Picasso travaille, silence dans la maison. Sabartès écarte les visiteurs, même les amis sont priés d’attendre. Picasso avec Brigitte Bardo.

Un jour, des amis justement lui racontent que le château de Vauvenargues est à vendre. Dès le lendemain Picasso s’y rend, enchanté de se trouver au cœur des paysages de Cézanne. “C’est magnifique !” Le château est imposant mais austère datant du 14e siècle avec de nombreuses pièces vastes et hautes de plafond, et il fallait installer le chauffage central. Jacqueline s’inquiète car elle trouve le lieu triste et trop grand. “Vous oubliez que je suis en espagnol et que j’aime la tristesse et ce château trop vaste je pense bien le remplir !”. Elle obtient de garder la Californie. Picasso achète 60 millions de francs + 25 millions de travaux dont le chauffage central. Un an de travaux et d’installation. Picasso y fait transporter d’innombrables caisses (dont certaines ne seront jamais ouvertes) et surtout des centaines de toiles de ses différentes périodes et sa collection de Courbet, Cézanne, Matisse, Modigliani, Derain, Braque, Corot et du Douanier Rousseau. Il veut continuer à travailler entouré de ces œuvres. On connaît son coup de fil à son ami Kahnweiler
– J’ai acheté la montagne Sainte-Victoire !
– Félicitations mais laquelle ?
– La vraie !


Picasso Le Village de Vauvenargues, 1959, huile sur toile. Fondation Almine et Bernard Ruiz
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Dans la salle de bain moderne, il peint des décors de faunes musiciens et des nymphes. Jacqueline n’y était pas à l’aise. Elle a fait cependant le tour des antiquaires pour acheter des meubles provençaux, mais c’est Picasso qui a choisi l’énorme buffet noir Henri II de la salle à manger, qui l’a fasciné pendant plusieurs mois.


Picasso Le buffet de Vauvenargues, (1959) huile sur toile 166 x 380 cm Musée National Picasso, Paris
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Voir également :
Le buffet Henri II avec chien et fauteuil 1959.
Le buffet de Vauvenargues 1960.

La période Vauvenargues commencée en février 1959 s’achève en avril 1961 période où il revisite le déjeuner sur l’herbe de Manet et s’initie aux techniques de la linogravure.

Au printemps 1961, Picasso quitte le château, et devant les menaces qui pèsent sur le site de la Californie (construction d’immeubles tout autour), il achète une belle propriété près de Mougins, au sommet de la colline Notre-Dame de Vie du nom d’une chapelle du 17e siècle. Environnement fleuri, pièces spacieuses et claires qui deviendront atelier.


Le Mas Notre-Dame de Vie à Mougins 1961-1973
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Au rez-de-chaussée, un grand hall voûté de plain-pied avec la terrasse, qui abritera des sculptures venues de la Californie. C’est là que Picasso va passer les dernières années de sa vie, 12 ans à travailler toujours plus, avec Jacqueline auprès de lui qui écarte désormais les courtisans et les journalistes.

Voir Picasso à Mougins.


Picasso l’artiste et son modèle 1964 huile sur toile
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Voir également :
Paysage de Mougins

Picasso meurt en 1973, il est enterré, ainsi que Jacqueline au château de Vauvenargues sous la statue de « la dame à l’offrande » de 1933.

Voir les ateliers de Picasso.

4 – Les maisons ateliers de Matisse un petit théâtre reconstitué

Dans chacun de ses logements successifs, Matisse lui, ne transporte pas toutes les toiles, comme Picasso, mais tous les éléments de décor dont il a besoin pour peindre.
Matisse, né au Cateau-Cambrésis en 1869, est issu d’une famille de tisserands. De santé fragile, c’est une boîte de peinture offerte par sa mère alors qu’il était malade qui a décidé de sa vocation. À Paris, étudiant dans l’atelier de Gustave Moreau, il trouve un logement 19 quai Saint-Michel (de 1909 à 1917) et là qu’il commence à rassembler une collection de textiles imprimés achetés sur les marchés. Matisse a plusieurs fois peint une pièce de cet appartement avec une fenêtre ouverte sur la Seine.


Henri Matisse L’Atelier 19 quai Saint Michel, 1916 huile sur toile 148 x 116,4 cm
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Voir également :
Intérieur, bocal de poissons rouges 1914, huile sur toile 147 × 97 cm

Pendant cette période Camille Joblaud (un de ses modèles) lui a donné une fille, Marguerite, et il a rencontré Amélie Parayre qu’il a épousée et a donné naissance à Jean puis à Pierre.
Les étés à Saint-Tropez avec Signac, puis à Collioure avec sa famille et Derain lui ont donné le goût du Sud. En 1906 il a passé deux semaines en Algérie d’où il a rapporté des tapis de Biskra. En 1907, il a visité l’Italie et a découvert Giotto à Padoue.

En 1909, il emménage à Issy-les-Moulineaux dans une belle maison bourgeoise. Dans le parc, il fait construire un grand atelier.


Intérieur de l’atelier à Issy les Moulineaux, 1911
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Une photographie de l’atelier, daté de 1911, montre au mur l’intérieur aux aubergines, avec les imprimés de textile, C’est là également qu’il a peint la même année l’atelier rose et l’atelier rouge.
On voit l’importance que jouent les tissus dans la peinture matissienne : tissus drapés sur le paravent par exemple, l’ouverture sur la fenêtre qui reste une constante, et l’invention du peintre en matière de couleurs. La couleur enrichit l’espace de l’atelier rouge au mépris de tout réalisme.

Voir Matisse à Issy-les-Moulineaux

En 1912, Matisse passe 6 semaines à Tanger, puis y retourne pendant plus de 4 mois. Il en rapporte de nouveaux textiles et des vêtements féminins. Pendant la guerre, sa maison d’Issy est réquisitionnée par l’armée.
En 1917 il se rend à Nice pour 6 mois et loue une chambre à l’hôtel Beau-Rivage, sur la Promenade des Anglais. Puis l’hôtel étant réquisitionné, il loue en avril 1918 un appartement dans l’hôtel Méditerranée (aujourd’hui disparu).


Pierre Matisse au violon et le violoniste à la fenêtre 1918
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C’est dans cet appartement qu’est photographié son fils Pierre jouant du violon et que Matisse a peint « le violoniste à la fenêtre ». Il établit un mode de vie qui va durer 20 ans, il passe les étés en famille dans la maison d’Issy les Moulineaux et l’hiver à Nice.

Encore une location niçoise villa des alliés pour 2 mois, à l’arrière il y a un parc où Matisse peint des paysages.
Enfin en 1919 il loue deux chambres dans un immeuble du Cours Saleya 1 Place Charles Félix. Il y restera jusqu’à 1938 en s’agrandissant sans cesse par la location d’autres chambres.

1 thoughts on “L’Atelier d’artiste

  1. Merci infiniment pour cet article absolument passionnant !
    J’ai appris plein de choses et je me suis régalée à découvrir tous ces ateliers.
    Mais quel boulot de fou pour reconstituer tout cela !

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