Art moderne et décoration


Henri Matisse – Nature morte aux aubergines (1911) 212 × 246 cm huile sur toile Musée de Grenoble
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Pour la nature morte aux aubergines du Musée de Grenoble, Matisse a disposé un véritable patchwork, avec de nombreux autres tissus (Laque, paravent, miroir, rideau de douche, fenêtre sur jardin), mais surtout composé de motifs décoratifs, qui viennent enserrer et sublimer les trois petites aubergines (« à la hollandaise« ). Il fait une différence de traitement entre le décoratif et le pictural.

Même profusion de motifs dans la nature morte espagnole où il a utilisé des châles qu’il avait rapporté de Manille

Lors d’un voyage en Algérie qu’il avait fait en 1906, Matisse avait rapporté des tapis de prière, noirs, jaunes, et rouges, qui lui ont fourni une autre source d’inspiration. Voir la Nature morte au tapis rouge.

Voir Matisse et les tissus.

En 1910, il avait vu une grande exposition d’art islamique à Munich, et il avait été frappé par la beauté abstraite de cet art purement décoratif. Il a redécouvert cela lors d’un voyage en Andalousie, et il est convaincu que cette géométrie décorative de l’art islamique a à voir avec le sacré. Lorsqu’il était à Nice, il avait demandé un menuisier de lui confectionner un paravent de style mauresque, qu’il va utiliser dans plusieurs peintures.


Henri Matisse – Le paravent mauresque (1921) 91 x 74 cm huile sur toile Philadelphia Museum of Art
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Voir également :
La leçon de piano (1923)
Pianiste et joueurs de dames (1924)
Il a utilisé des cordes et des pinces à linge pour mettre en place le décor de ses modèles lorsqu’il a réalisé sa série sur les odalisques.


Henri Matisse – L’odalisque à la culotte grise (1927) 54 x 65 cm huile sur toile Musée de l’orangerie Paris
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L’odalisque à la culotte grise

Voir également :
L’odalisque aux Magnolias.
L’odalisque à la culotte rouge, voir un commentaire.

On remarque que dans les dessins préparatoires de ses odalisques, Matisse ne conçoit pas le sujet sans le décor dès le dessin préparatoire.

Les critiques dans les années 1920, 1930 ont rejeté ses œuvres de la période niçoise, qu’ils jugeaient purement décoratives, superficielles et complaisantes. Ces critiques, se fondaient sur une comparaison avec Picasso. Matisse répondait ceci : “C’est commettre une grave erreur de jugement que d’attribuer un sens péjoratif au mot décoratif. Il faut d’abord être décoratif.“


Henri Matisse – Figure décorative sur fond ornemental (1926) 130 x 98 cm huile sur toile Centre Pompidou Paris
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En 1926 presque par provocation il intitule cette toile : Figure décorative sur fond ornemental. Le nu a été traité presque comme une sculpture, une sorte de totem au milieu du décor.
Voir un commentaire (centre Pompidou)

En 1930 le docteur Barnes commande à Matisse, des panneaux pour décorer sa collection de tableaux.


Collection Barnes – Philadelphie
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Ces panneaux étaient situés au-dessus des collections présentées, et donc ils ne devaient pas les concurrencer, leur fonction était une fonction seulement décorative. Ils représentent 52 mètres carrés de surface, et Matisse a travaillé sur le projet durant trois ans.

Cette commande exigeait de Matisse, un changement d’échelle, un traitement allégé des sujets. Matisse a donc dû inventer un nouveau langage, pour répondre à cette commande. C’est le règne du décoratif en haut, et le règne de la peinture en bas.


Henri Matisse – Collection Barnes Philadelphie (1929)
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Il répond également à une commande privée pour décorer une cheminée.

En 1942 un fauteuil rocaille, entre dans son univers. Il écrit la lettre suivante à Aragon, après avoir acquis ce fauteuil : « J’ai enfin trouvé l’objet désiré depuis un ans, c’est une chaise rocaille, en argent teinté au vernis comme un vitrail. Quand je l’ai rencontrée chez un antiquaire j’ai été complètement retourné. Il est splendide, j’en suis habité. C’est avec lui que je vais bondir lentement, à ma rentrée d’été« .

Ce fauteuil va apparaître dans les années 40 dans l’œuvre de Matisse de plusieurs façons.

Tout d’abord à travers des croquis, voir
croquis 1,
croquis 2
croquis 3 Voir un commentaire (centre Pompidou).

Il apprivoise progressivement cette forme pour la faire devenir peinture, et l’utiliser sans sa peinture.


Henri Matisse – Danseur et fauteuil Rocaille sur un fond noir, (1942) huile sur toile 50 x 64 cm
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Trouve le également ici, très schématisée voir un commentaire (Centre Pompidou)

Ce fauteuil fait parti des objets décoratifs forts qui ont habité Matisse au cours des années 40.

Ensuite est arrivée la période des gouaches découpées, où le principe décoratif est celui du tapis. Le quadrillage, la répartition régulière des motifs et les bordures, se prêtent à un transfert sur la toile de grande dimension, que l’on peut voir musée Matisse de Nice.


Henri Matisse – Océanie, la mer, (1946) 166 x 380 cm impression sur lin Centre Pompidou
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Océanie, la mer, (1946) voir un commentaire (Centre Pompidou).

Il a pris en charge la décoration de la chapelle de Vence. Il est allé jusqu’au vitrail, aux chasubles, il a été complètement décorateur.

Voir les objets de Matisse dans son atelier (exposition).

L’histoire du fauteuil rocaille de Matisse, trouve son écho 10 ans après, dans le buffet Henri II, de Picasso dans sa résidence de Vauvenargues.


Pablo Picasso – Le buffet de Vauvenargues, (1959) 166 x 380 cm Musée National Picasso, Paris
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Lui aussi il déclinera cet objet dans plusieurs toiles.
Voir :
Buffet Henri II avec chien et fauteuil (1959)
Le buffet à Vauvenargues (1960)


Pop-art et papiers peints:
le retour du « motif décoratif »

Dans les années 50, au lendemain de la seconde guerre mondiale, en architecture, l’idéologie fonctionnaliste est à son apogée (dans le cadre de la reconstruction). Mais des voix commencent à s’élever contre le fonctionnalisme froid.

En peinture, c’est le pop art, qui va réhabiliter les valeurs refoulées, et le côté clairement décoratif, ce qui était cohérent avec son objectif, qui était de faire rejoindre l’art et la vie.


Andy Warhol – Flowers (1964) lithographie 58 x 58.6 cm
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Andy Warhol peint la série des flowers.


Warhol série des flowers (1964)

L’art retrouve sa source d’inspiration artisanale. Il n’a pas de difficulté pour glisser, de l’oeuvre à la série, puis de glisser ensuite, de la série à la réalisation de papiers peints. La différence avec un papier peint traditionnel, c’est l’échelle des motifs, et le choix des couleurs pop.
L’échelle est encore plus frappante avec les vaches.


Andy Warhol – Portrait de Mao (1973) lithographie 22,5 x 28,9 cm
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Lorsqu’il a fait le portrait de Mao Tsé-Toung, il a dû faire une forte stylisation pour le transformer en papier peint.

Dans les musées où on superpose le papier peint Mao, au portrait de Mao Tsé-Toung.

En se rapprochant des choses de la vie le pop art remplit bien sa mission, de rendre l’art accessible à tous.

Peinture sur tissu, Support-Surface (1968-1980)

À partir de 1968, le groupe support surface renouer avec la peinture, en utilisant des procédures artisanales, comme le pochage, le pliage (toutes les manières artisanales de jouer avec les couleurs et les motifs).
Claude Viallat grand admirateur de Matisse, a choisi l’empreinte d’une éponge comme unique motif. Et l’originalité de son travail est qu’il est capable de se renouveler, en partie grâce à la variété des supports qu’il utilise.


Claude Viallat dans son atelier
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Voir d’autres vues de son atelier.

Il peut utiliser :
Des bâches de forains
Des parasols

Voir d’autres œuvres de Claude Viallat (Galerie Templon)

Ce sont en général des supports déjà imprimés dont les motifs viennent jouer avec les empreintes au pochoir de Viallat.

À chaque fois ce sont les contraintes du support; (coutures, rapiéçages, œillets etc.) qui légitiment le changement de couleur. C’est une règle du jeu, à l’intérieur de laquelle, il est extrêmement libre.

Patrick Saytour a utilisé des supports imprimés de motifs pour intervenir par brûlage.


Patrick Saytour – Brûlage sur toile cirée, (1967) 149 x 100.5 cm
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Brûlage sur toile cirée, voir un détail. Il choisissait toujours des textiles bon marchés.

Dans les années 80 il a collectionné les textiles kitschs que l’on trouve parmi les immigrés et il en a fait de grandes installations, en les associant quelquefois avec des plantes en plastique.

Voir d’autres œuvres de Patrick Saytour (Galerie Valentin).

Simon Hantaï pliait et nouait de grandes toiles blanches, pour obtenir de magnifiques effets de motifs all-over, en associant des surfaces peintes, et des surfaces blanches préservées par le pliage. C’est très beau et très décoratif.


Simon Hantaï – Blancs, (1974) acrylique sur toile 205 x 182 cm
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Voir d’autres œuvres de Simon Hantaï

Du  motif  au pattern

On est passé ainsi du motif à ce qu’on appelle le pattern. Le mouvement « pattern et décoration » est né aux États-Unis au début des années 80. Ce mouvement, qui fait le constat que tout ce qui était féminin était marginalisé, voulait faire renaître des compositions de motifs, de type papier peint, tissus imprimés, en jouant à brouiller la frontière entre l’art et artisanat. Voir les artistes de ce mouvement.

Robert Zakanitch américain né en 1935, co-fondateur du mouvement «pattern & décoratio »


Robert Zakanitch – Big Bungalow Suite III , (1991-92), Acrylique sur toile, 1100 x 3000 cm
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Robert Zakanitch peint de grandes surfaces décoratives, avec de gros motifs peints à la main. Ils n’ont pas d’autre volonté que d’être décoratifs.

Ces artistes se sont également inspirés des carrelages islamiques d’Andalousie, des mosaïques mexicaines, des broderies turques et des tapis iraniens.


Robert Kushner – Résumé des dispersions printanières, 2005, huile, acrylique, feuille d’or et paillettes sur toile 213 x 1402 cm
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Robert Kushner, grande composition résumé des dispersions printanières. Comme Klint feuilles d’or et paillettes sur toile. D’un point de vue décoratif c’est extrêmement beau.

Voir d’autres œuvres de Robert Kushner

Joyce Copland a fait des décors en céramique chez les particuliers. En s’inspirant et en mixant les influences de céramiques originaires des différents pays.

Aux États-Unis les critiques étaient assez mal à l’aise devant l’évidente beauté de ces productions, qui connaissaient également un grand succès commercial.


Béatrice Blachère – La maison où j’ai grandi (1998) 11 huiles sur toile 205 x 430 x 3 cm FRAC Pays de la Loire
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Béatrice Blachère peint à la main, à la peinture à l’huile, des motifs de papier peint. L’installation de celle-ci s’intitule la maison où j’ai grandi. Elle est composée d’une série de 11 toiles qui reprennent les motifs des papiers peints, de la maison de son enfance.

Voir l’exposition Pattern, crime, & décoration à Genève.

Lily Van der Stockker. Elle part de l’idée qu’elle ne « supporte pas l’idée d’ajouter ma part d’œuvres rectangulaires à la somme d’œuvres rectangulaires déjà produites dans le monde et dans les siècles » La destinée finale d’un tableau, c’est de se retrouver au-dessus d’un canapé. Elle fournit à la fois le canapé et les motifs assortis. Elle veut ironiser sur la dimension féminine refoulée, de l’histoire de la modernité. Voir une interview de Lily Van der Stockker.


Lily Van der Stockker – Dreaming Makes the World Go Forward, 2010 Acrylique peint sur le mur
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Dreaming Makes the World Go Forward. (Rêver fait le monde aller de l’avant).

Voir d’autres œuvres de Lily Van der Stockker.

Takachi Murakami avec son design Kaïkaï Kiki, c’est à la fois une critique ironique et un développement commercial.


Takachi Murakami – Kaïkaï Kiki, 2009
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Voir également :
Jellyfish eyes
D’autres œuvres de Takachi Murakami.

La toile de Jouy revisitée par les artistes contemporains

Ce tissu a été introduit en France en 1760 par Christophe-Philippe Oberkampf. Il a été fabriqué par la manufacture royale de Jouy-en-Josas. Les motifs à l’origine floraux ont évolué vers des scènes de genre, montrant une vision idéalisée de la vie à la campagne. De nombreux artistes contemporains se réapproprient la toile de Jouy.