Cours du 15 mars 2015

Le collectif espagnol Equipo cronica, Les artistes Rafael Solbes, Juan Toledo et Manolo Valdés créent à Valence, en 1965, le groupe Equipo Crónica et présentent pour la première fois, la même année, un ensemble d’œuvres collectives au XVIe Salon de la jeune peinture à Paris. Juan Toledo quitte rapidement le groupe, qui ne sera plus constitué que par Manolo Valdés et Rafael Solbes jusqu’en 1981, date de la mort de ce dernier. Fondé sur la base d’un réalisme pictural dialectique, Equipo Crónica entreprend une critique des images de la culture contemporaine. Usant d’un langage proche de celui des affiches de propagande, le groupe provoque la rencontre des arts majeurs (chefs-d’œuvre de l’art) et mineurs (B.D., imagerie populaire). Il dresse parallèlement le procès du franquisme et s’inscrit, comme le peintre espagnol Arroyo, à l’intérieur de la contestation de la dictature. Le traitement que Solbes et Valdés font subir aux images évoque les peintures de quelques-uns des représentants français de la Figuration narrative, tels Aillaud et Recalcati, qu’ils rencontrent à Paris en 1965.


Equipo cronica – América américa (1973)
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La figure de Mickey est répétée exactement 19 fois dans une grille et la 20ème fois elle est remplacé par le champignon atomique.

Leur mélange est unique : ils sont un peu réalistes, un peu critiques, assez pop, pratiquant citations picturales, anachronismes et pastiches doux-amers. Le tout est assez jubilatoire et bon enfant, mais pas joyeux, car l’ombre du franquisme est présente tout au long de leur œuvre. Le groupe cesse ses activités fin 1981.

Ils se servent d’œuvres du passé dans un contexte actualisé.
Réinterprétation des Menines de Vélasquez (1970).


Equipo cronica – El alambique (1967) Musée des beaux arts de Valence
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Equipo cronica alambique. Représentation du roi Philippe IV à la manière de Vélasquez, dans un environnement industriel.

Equipo cronica a réalisé à à partir de photographies de mai 68. Celui là ne m’échappera pas Un personnage de Dubuffet est arrêté, alors qu’à terre on retrouve une personnage de Bacon.

Voir également L’école de Paris, peintures de Léger, Cézanne, Matisse, dans le dos des CRS.


Equipo cronica – Guernica (1969)
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Voir un commentaire. Voir également d’autres parodies de Guernica.

Autoportrait au palais (1970) les deux artistes se sont représentés dans l’atelier de Velasquez.

Ils utilisent quelques fois des images de film.

En 1976, avec A Maiakovsky, ils ont rassemblé ce qui il y a de plus révolutionnaire dans les avants gardes.

Voir d’autres œuvres d’equipo cronica.

Valerio Adami né en 1936 Peintre italien. Il pratique abondamment le dessin à l’académie de Brera de 1951 à 1954, et ses premières toiles sont teintées d’expressionnisme. Très vite cependant, il domestique les formes par une ligne épaisse qui cerne fortement objets et personnages, traités en aplats de couleur pure et sans ombres. Il s’affirme ainsi au cours des années soixante comme un des représentants notables de la Nouvelle Figuration européenne, avec des œuvres qui paraissent mettre en cause le monde de la consommation. Dès cette époque, il définit le tableau comme « une proposition complexe, où des expériences visuelles antérieures forment des combinaisons imprévisibles »


Valerio Adami – Matisse travaillant sur un cahier a dessin (1966)
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Valerio Adami Matisse travaillant sur un cahier a dessin. Bande dessinée et figuration narrative, fragmentée qui caricature la posture de Matisse.


Valerio Adami les années 60

Au cours de l’été 1967 le Salon de Mai se délocalise à la Havane pour célébrer la révolution cubaine et l’ouverture du musée d’art moderne. Près de deux cents intellectuels, artistes et journalistes se rendent à La Havane dans le plus grand luxe pour y fêter la révolution festive.

Henri Cueco né en 1929 Né de père espagnol et de mère française, Henri Cueco participe en 1952 au Salon de la Jeune Peinture. Au sein de ce groupe, il développe une peinture dont la figuration participe à un engagement politique.

À partir de 1962, Cueco peint des séries (Rivières, Salles de bains, Jeux d’adultes, Hommes rouges) recourant aux moyens techniques des mass média : figures découpées, aplats de couleur, pointillés et rayures. Il fait alors partie des peintres du mouvement de la Figuration narrative, qui se développe au milieu des années 1960.

Henri Cueco Vietnam (1967), réalisée à partir de photos projetées avec un épiscope.

Dans les années 1980, Cueco revient en peinture au motif, paysages et natures mortes, comme les lieux mêmes du réel avec lesquels la confrontation devient de plus en plus difficile, où la peinture serait l’expérience de l’inachèvement et de la non-résolution.


Henri Cueco – La rue Série Les hommes rouges (1969)
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Cueco série les hommes rouges. La série Les Hommes rouges l’occupe dix ans, de 1965 à 1975. Il travaille sur la révolte et met en scène des silhouettes dépersonnalisées perdues dans des architectures angoissantes et démesurées.

Voir d’autres œuvres de H. Cueco.


Henri CUECO par VIDEOFORMES
Rencontre avec Henri Cueco

En 1969 le salon de la jeune peinture s’intitule « Police et culture », ce qui montre la politisation du mouvement.


Henri Cueco – Marx, Freud et Mao (1969)
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Tableau refusé par les autorités chinoises lors d’une exposition à Pékin, au motif que les censeurs ne connaissaient pas le personnage central (Freud).

Gérard Fromanger né en 1939
Après des études secondaires, il suit pendant dix-huit jours les enseignements de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, puis les cours du soir de la ville de Paris dans la classe de Robert Lesbounit, à l’Académie de la Grande Chaumière.

Le sculpteur César le remarque, lui prête son atelier et suit son travail pendant deux années. Il se lie d’amitié avec le poète Jacques Prévert et Alberto et Diego Giacometti.

Très jeune, dès les années 1960, Gérard Fromanger s’impose comme une des personnalités de la scène artistique à Paris en participant à l’aventure de la Figuration Narrative et à l’invention de la Nouvelle Histoire.

Il est un des fondateurs de l’Atelier des Beaux-Arts en mai 1968, qui produisait des milliers d’affiches. Ensuite il tourne des films-tracts avec Jean-Luc Godard.


Gérard Fromanger – Série le rouge (1968)
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La série le rouge qui privilégie la couleur pure, se veut à la fois une expression de la vie quotidienne et l’expression d’une critique sociale, de revendications politiques.
Lire interview de G. Fromanger.
Il représente également le drapeau américain qui saigne.

Fromenger le désir est partout. réalisé à partir d’une photographie de la foule pékinoise sortant de l’exposition de 1974, canalisée par des membres du parti.

Fromenger a exploite des photos de mai 68 en coloriant en rouge les étudiants et en bleu la police. Voir Boulevard des italiens jeunesse en rouge, voir également mai 68.


Exposition Gérard Fromanger à Landerneau en 2012

Cueco fonde la coopérative des Malassis. 1970 -80. Créée en 1970, la Coopérative des Malassis (jeu de mots mais aussi lieu-dit de l’atelier dans la région parisienne) regroupe quatre autres artistes : Henri Cueco, Lucien Fleury, Jean-Claude Latil et Michel Parré.

Cette pratique collective se veut un renouvèlement de la figuration des années 60 en opposition au formalisme ambiant de la peinture. L’analyse idéologique de la vie sociale étant prioritaire, ils utilisent pour toucher le public « non cultivé », un langage simple proche par certains aspects de la Bande Dessinée. Ils se rapprochent ainsi de la Figuration narrative.
Ils veulent s’exprimer face au mépris de toute cette société en trompe l’œil. Ils réalisent des travaux collectifs sans signature individuelle.
Ces plasticiens dérangent par des engagements et des provocations contre l’ordre établi.


Coopérative des Malassis – Affaire Gabrielle Russier (1970)
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1970 affaire Gabrielle Russier. Voir un commentaire.

En 1972 a lieu au Grand Palais l’exposition 72, 12 ans d’art contemporain.

La coopérative des Malassis expose « Le grand méchoui ». Fresque de 65 m de longueur (12 ans l’histoire de France). Ces toiles jugées injurieuses, ont été enlevées, voir le décrochage des toiles du grand palais. Voir une vidéo.

Voir catalogue exposition de la coopérative des Malassis Dole 2014 – 2015.


Coopérative des Malassis – Onze variations sur le Radeau de la Méduse ou la Dérive de la Société (1975)
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Actualisation du radeau de la Méduse de Géricault par la coopérative des Malassis qui étalèrent en 1974 sur deux mille mètres carrés d’un centre commercial ce thème avec les « Onze variations sur le Radeau de la Méduse ou la dérive de la société », décoration sur les façades du centre commercial et culturel d’Echirolles près de Grenoble , à la demande de la municipalité.


Coopérative des Malassis – Cinq peintres romantiques ou les affaires reprennent (1977)
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Cinq peintres romantiques ou les affaires reprennent 1977. Ultime dérision de leur séparation. Ils se sont représentés en gardien de musée de leur propre œuvre. Voir un détail.

Voir d’autres œuvres de la coopérative des Malassis.

Bernard Rancillac né en 1931, peintre et sculpteur français. Il vit et travaille en région parisienne.
Il nait le 29 août 1931 à Paris. Son frère, Paul deviendra le sculpteur Jean-Jules Chasse-Pot.
Il passe son enfance en Algérie jusqu’en 1937. Il rejoint la France durant la guerre, en Haute-Loire. Il étudie alors dans un collège religieux. La guerre terminée, il retournera à Bourg-la-Reine, au lycée Lakanal.

En 1949, il devient professeur de dessin à l’atelier de Met de Penninghen où il y rencontre Bernard Aubertin.

A son retour en France, il installe son premier atelier à Bourg-la-Reine en 1955, tout en persévérant en tant qu’instituteur.

En 1958, le docteur Audouin, collectionneur, lui propose un contrat, ce qui lui permet de se positionner artistiquement. Il quitte alors l’enseignement.
Jusqu’en 1962, Rancillac étudie la gravure à l’Atelier 17 de S.W. Hayter, après avoir obtenu (en 1961), le Prix de peinture à la biennale de Paris.

En 1963, le premier noyau de la Nouvelle figuration prend racine à la galerie Fels. L’année suivante, il devient co-organisateur de l’exposition « Mythologies quotidiennes ».
L’artiste surprend le public et la critique avec son exposition chez Mathias Fels en 1965.
Par la suite, il entreprend de grandes toiles qui évoquent la guerre du Vietnam, le conflit Israélo-palestinien, la guerre en Tchétchénie, la situation des femmes algériennes, le racisme, la torture…. univers sociologique et humaniste, accompagné d’une certaine critique sociale.


Bernard Rancillac – L’entrée du diable a Panam-city (1973) 130 x 162 cm
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L’entrée du diable a Panam-city. C’est l’artiste le plus politisé du groupe.


Bernard Rancillac – Journal intime d’un pied (1965) 146 x 211 cm Musée Berardo Lisbonne
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B. Rancillac journal intime d’un pied.

Le Salon de la jeune peinture en 1965 a voulu reprendre le pouvoir. Avec la présentation d’un « hommage au vert », où tous les membres du jury peignent une toile verte de 2 m x 2 m par dérision envers la peinture paysagiste traditionnelle, les membres de la Figuration narrative, Henri Cueco, Émile Aillaud, Eduardo Arroyo, Antonio Recalcati, Gérard Tisserand, dont certains participaient au salon depuis plusieurs années avec un objectif militant de transformation sociale, deviennent prééminents et consacrent l’ouverture de cette manifestation aux nouvelles tendances

En 1966 le salon de la jeune peinture, est marqué par un engagement politique croissant surtout avec l’enthousiasme suscité par la révolution culturelle chinoise, la guerre du Vietnam, la guerre en Afrique.

Rancillac, le dernier whisky (1966) 225 x 200 cm Musée de Saint Étienne. Il joue avec l’esthétique stéréotypée du roman photo. Adieu entre une femme et un pilote d’avion qui part au combat au Vietnam.


Bernard Rancillac – Enfin une silhouette affinée jusqu’à la taille
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Enfin une silhouette affinée jusqu’à la taille. Confrontation brutale entre des images de torture au Vietnam avec des images d’un magasine féminin. Fait avec des images empruntées à la presse.


Bernard Rancillac – Fidel (1967)
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Bernard Rancillac, Fidel hommage à Fidel Castro, personnages de plus en plus stylisés.

Erro peint la baie des cochons 1967 têtes de porcs, chiens. Castro a invité des artistes de ce groupe. Ils ont réalisé une fresque collective célébrant la victoire du socialisme cubain, et une exposition à La Havane.

Gérald Gassiot-Talabot discernait bien, déjà, les dangers de l’adhésion aveugle des artistes à tout mouvement politique, fût-il révolutionnaire : la fonction critique de l’art ne saurait, selon lui, rien épargner.

En 1968 est marqué par deux éléments majeurs :
– salon de la jeune peinture, avec la célèbre Salle rouge pour le Vietnam, qui sera montrée en mai dans des usines (29 artistes y ont travaillé).

– l’atelier populaire des beaux arts en mai 68.
Voir les affiches de l’atelier populaire.
L’horloge indienne. Thème de la surpopulation en Indes. Entassement de gens.

A verser au dossier de l’affaire Ben Barka 1965. Main avec un revolver.


Bernard Rancillac – Sainte mère la vache (1966) 116 X 89cm peinture vinylique sur toile
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Sainte mère la vache. Image très forte qui oppose l’opulence occidentale au dénuement africain. Voir un commentaire.

Il réalise une exposition personnelle en 1966 pour laquelle P. Bourdieu a rédigé la catalogue, où il écrit : «Quand tant de photographes s’ingénient à singer la peinture, vient un peintre qui met son génie à singer la photographie ». Le sociologue prolonge son analyse du procédé en écrivant : « L’image de l’image chez Rancillac fait voir la bévue qui a rendu possible l’image, bévue du photographe qui ne voit pas ce qu’il fait voir, bévue des photographiés qui ne voient pas qu’ils sont vus. Mais faisant voir cela, elle fait voir à celui qui la regarde qu’il n’a pas vu l’image dont elle est l’image ».
Rancillac recycle des images et crée d’autres peintures qui restent néanmoins des images parce que la dimension picturale l’image de l’image se justifie lorsqu’on doit faire des messages très lisibles, comme celui d’une publicité.
Il déclare : « Je voulais m’opposer à cette idée que la peinture n’a rien à voir avec l’événement, l’histoire, qu’elle doit rester neutre« .
Les artistes américains même si certains critiquent la société de consommation le font toujours de manière ambiguë alors que lui utilise le même langage esthétique, mais montre des œuvres sans ambiguïté.

Par rapport à la propagande soviétique il déclare, « mes images sont toujours critiques« .
En 1966, il crée son unique meuble, le fauteuil-éléphant, présenté dans le cadre de l’exposition « Les Assises du siège contemporain » au musée des arts décoratifs de Paris en mai 1968.

En 1966 création du fauteuil éléphant.

1968 Malcom X

Les dirigeants chinois saluent le défilé du 20e anniversaire de la Révolution. Voir un commentaire.


Bernard Rancillac – Le détachement féminin rouge (1971) 240 x 390 cm
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Le detachement feminin rouge.
Dans son impeccable posture héroïque, la garde rouge en chaussons qui occupe toute la partie gauche du tableau n’est pas, comme certains ont voulu le croire, une apologie par le peintre de Mao et du ballet que ses textes ont inspiré. On trouve en effet, à droite, plusieurs documents à côté de la photo qui a servi pour peindre la danseuse, en particulier des coupures de presse – dont une du Monde – s’interrogeant sur la politique culturelle chinoise.
Rancillac, ici, fait comprendre que rien n’est évident. Pour lui, la vérité n’est certes pas le credo du « petit livre rouge ». La vérité, c’est plutôt que la jeune danseuse, qui a l’air de tant y croire, n’est qu’une parmi des centaines de millions de personnes alors manipulées.