La figuration narrative
Sommaire : , Hervé Télémaque, Peter Klasen, Eduardo Arroyo, Bernard Rancillac, Gilles Aillaud, Equipo cronica, Jacques Monory, Valerio Adami, Henri Cueco, Gérard Fromanger, Coopérative des Malassis
Le mouvement de la figuration narrative est né dans les années 60, en même temps que Fluxus, le mouvement B.M.P.T., et le mouvement support/surface. Ces mouvements se font une concurrence féroce. On assiste à une accélération des courants artistiques au cours de ces années.
La figuration narrative regroupe des artistes désireux de revenir a une peinture figurative capable de raconter des histoires. C’est à dire pour certains parler de soi, pour d’autres parler des évènements du monde, et pour tous de coller à la vie en exploitant les acquis plastiques notamment de la bande dessinée, du cinéma, sans hiérarchie de genre.
Le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot à l’origine du mouvement le définit ainsi : « Est narrative, toute œuvre plastique qui se réfère à une présentation figurée dans la durée par son écriture et sa composition sans qu’il y ait toujours à proprement parler récit. »
Cette notion de représentation était très éloignée du processus moderniste ; depuis Manet la représentation était tabou (l’art de la peinture s’était concentré sur l’analyse de soi-même, son propre processus de création, l’art pour l’art). Les artistes de la figuration narrative se sont donné comme objectif de re-politiser l’art. Ils ne voulaient pas être accusés de faire du réalisme socialiste. Positionnement difficile, ils voulaient également se différencier du Pop art, qui n’adoptait pas, selon eux, une attitude suffisamment critique de la société.
En 1964 Gérald Gassiot-Talabot a rassemblé 34 artistes dans l’exposition Mythologies quotidiennes au musée d’art moderne de Paris.
C’est une peinture froide, sans pathos (sans passions).
Hervé Télémaque né en 1937 à Port-au-Prince (Haïti), il vit et travaille à Villejuif (France).
En 1957, il quitte Haïti pour New York et s’inscrit à l’Art Student’s League où il étudie avec Julian Levi, jusqu’en 1960. Durant son séjour aux États-Unis, il s’est simultanément nourri de l’expressionnisme abstrait alors régnant et du surréalisme tel qu’il a été réinterprété et exploité par les artistes américains, notamment sous l’influence d’Arshile Gorky.
Mais c’est dans les préceptes du Pop’Art qu’il va véritablement trouver sa voie bien particulière. Il vient en France en 1961 et s’installe à Paris. Il y fréquente les Surréalistes, sans adhérer formellement au groupe. Mais c’est dans les préceptes du Pop art (bande dessinée, usage de l’épiscope, puis en 1966 de l’acrylique) qu’il va véritablement trouver sa voie bien particulière, tout en défendant la création européenne, plus critique envers la société.
Escale 1964. Artiste haïtien qui parle de son exil. Il mêle des éléments de bande dessinée, qui semblent flotter.
Banania 3 parle de la négritude. Double culture, violence. Il ne cherche pas définir une interprétation définitive.
Télémaque un des 36000 marines sur nos Antilles.
Hervé Télémaque – Petit célibataire un peu nègre et assez joyeux, (1965), 80 x 80 cm Centre Pompidou
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Petit célibataire un peu nègre et assez joyeux, œuvre la plus connue. Voir un commentaire.
Télémaque « Elle tourne » (1967). Image d’une tente, idée du voyage du vagabondage du nomadisme. Grande chaussette reliée par une corde à l’image de l’Amérique.
Peter Klasen né en 1937 est aujourd’hui un artiste de renommée dont l’œuvre acquiert une notoriété internationale. Figure majeure du mouvement « Figuration Narrative », cet allemand à Lübeck est arrivé à Paris en 1959, après les beaux-arts de Berlin, pour ne plus quitter la France.
Son travail, s’appuyant sur des documents photographiques et toujours lié à des problématiques contemporaines, explore les thèmes de la froideur de la machine et de la technologie ”dans sa confrontation conflictuelle à l’humain” voire à la sensualité pour ses tableaux les plus récents. On trouve ses œuvres dans 70 musées à travers le monde dont les plus grands : Beaubourg ou le MOMA de New York.
Claudine d’Hellemmes, qu’il a épousé en 1987, et avec qui il a deux filles de 16 et 13 ans, Sydney et Joy, est architecte d’intérieur : c’est elle qui a dessiné une grande partie du mobilier de sa villa grassoise d’inspiration Bauhaus.
Dans l’anatomie du plaisir en 1964, il peint de manière très réaliste. Les fonds sont faits à l’aérographe. Il associe des fragments de femme avec des images de technologies.
L’érotisme attaché à la femme est rendu glacial par sa proximité avec des objets techniques. Voir rétrospective Klasen à Perpignan (2011-2012).
Panoplie du désir.
Peter Klasen continue d’associer l’image de la femme et des fragments de voitures.
Voir le site de Peter Klasen
Interview de Peter Klasen
Eduardo Arroyo né en 1937 d’un père pharmacien, homme de droite et phalangiste, Arroyo grandit dans le Madrid des années 1950. Élève du lycée français, il s’illustre par ses piètres résultats avant d’intégrer une école pour « cancres transfuges de tous les collèges » de la ville, puis une école de journalisme. Jeune homme, il choisit l’exil et gagne Paris, où sa peinture, marquée par son obsession de l’Espagne, de la dictature franquiste, et il détourne de grandes œuvres de l’histoire de l’art.
Voir les quatre dictateurs éventrés Mussolini, Hitler, Salazar, et Franco.
Évocation avec humour de sa situation d’exilé, les compagnons du passé, il se représente comme un chien égaré.
Velázquez mon père, il se représente dans les bras de Velázquez.
En 1965, Gérald Gassiot-Talabot élargit le groupe à 68 artistes. En octobre 1965, il présente à la galerie Creuze l’exposition éponyme « La Figuration narrative dans l’art contemporain » où est exposé le polyptyque Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp de Arroyo, Aillaud et Recalcati.
Arroyo, Aillaud et Recalcati – Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp (1965) 163 x 992 cm Musée de la reine Sofia Madrid
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
3 artistes ont représenté un ensemble de 8 toiles vivre ou laisser mourir ou la fin tragique de M. Duchamp, qui représente un attentat contre la personne de Duchamp. Interrogatoire de Duchamp, chute dans l’escalier, sépulture de Duchamp. Œuvre qui a déclenche une polémique. Voir un commentaire.
Eduardo Arroyo – Robinson Crusoé (1965) 220 x 180 cm Musée cantonal des beaux arts Lausanne
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Arroyo se représente en Robinson Crusoé en train de peindre. Il sait que même si il faut être une bande, pour créer un mouvement, il faut aussi être seul pour être un artiste.
Deux expositions importantes pour le groupe se tiennent en 1967 :
– Exposition Bande dessinée et figuration narrative fut ouverte au musée des arts décoratifs. Ouverte en avril et prolongée jusqu’en juin 1967, elle connut un important succès public relayé par de très nombreux échos médiatiques. Hergé a fait une affiche pour l’exposition. Confronte les travaux d’artistes de la bande dessinée avec des artistes dont la pratique est séquentielle, et qui travaillent sur la narration.
– Exposition Le monde en question au musée d’art moderne.
Eduardo Arroyo va désacraliser des personnages publics.
Eduardo Arroyo Série Winston Churchill Peintre. série 1970, autre tableau.
Il montre son attachement aux maîtres de la peinture espagnole, il refait les peintures de Miro,
Eduardo Arroyo – L’arrestation de Julio Lopez Brunet – série Miro Refait (1970) 71,6 x 50,2 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
1970 Constantina La femme du mineur Pérez Martínez, Constantina (dite Tina) tondue par la police.
Voir également Mort a Grenade non loin de la costa del sol (1970).
Six laitues, un couteau et trois épluchures, tête de Bonaparte. Beaucoup d’humour.
Le cavalier espagnol. Un homme prend la posture d’une danseuse de flamenco.
Voir également Oui oui nous rentrerons dans le marche commun (1971).
Eduardo Arroyo – Heureux qui comme Ulysse… (1976) 180 x 220 cm Paris, Centre Pompidou
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Heureux qui comme Ulysse… fait partie d’un ensemble de peintures abordant le thème de l’exil, sujet omniprésent dans le travail d’Eduardo Arroyo. 1977 est l’année où, deux ans après la mort de Franco, Arroyo récupère son passeport, qui avait été confisqué par les autorités espagnoles, et peut alors rentrer chez lui. Désillusion des espagnols qui rentrent au pays après la dictature franquiste.
Référence au théâtre, il réalise une série toute la ville en parle.
Eduardo Arroyo – Toute la ville en parle (série) (1983) 150 x 150 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Toute la ville en parle est l’une des séries les plus représentatives dans l’œuvre de Arroyo. Réalisé dans les années 1980, Arroyo prend sa référence dans le film Toute la ville en parle (1935) de John Ford. L’artiste illumine la scène du crime avec une efficacité magistrale, une scène comprenant à la fois vivants des morts et des témoins cachés dans l’ombre ainsi que le meurtrier en train de s’échapper.
Voir également dans la série Le chat noir (1982) et aussi Carmen Amaya frit des sardines au Waldorf Astoria (1988). Carmen Amaya est une danseuse de flamenco.
Eduardo Arroyo – Parmi les peintres, collage de papiers de verre, 117 x 94 cm, (1975)
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Quand il veut représenter les peintres les visages sont barbouillés de couleurs.
Eduardo Arroyo – Eurocrise, collage de papiers de verre, 61 x 50 cm (2009)
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
2009 eurocrise collage sur papier de verre.
Voir également Deux hiboux et une carpe (2012)
Voir d’autres œuvres d’Edouardo Arroyo
Gilles Aillaud (1928 – 2005) En 1965, Gilles Aillaud devient président du Salon de la Jeune Peinture.
Il réalise des œuvres collectives avec Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati, telles que Une passion dans le désert, Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp.
Gilles Aillaud est l’un des principaux représentants de courants assez similaires, la Nouvelle Figuration et la Figuration narrative. Ses thèmes de prédilection sont la représentation d’animaux dans des zoos et les paysages déserts de bord de mer. Une palette volontairement froide, un travail très poussé sur la perspective et le cadrage maintiennent le spectateur émotionnellement à distance du sujet, tout en l’intégrant physiquement dans l’espace.
Toile emblématique de l’engagement politique « La Bataille du riz » représentant un colosse, militaire américain, fait prisonnier par une jeune combattante Vietcong.
Article sur la figuration narrative.