L’expressionnisme abstrait américain – Les peintres du color field
Sommaire : Leurs références, Clyfford Still, Marc Rothko, Barnett Newman, Ad Reinhardt, Robert Motherwell, Sam Francis.
Leurs références
Plusieurs artistes européens les ont influencés.
Ils ont été influencés par Matisse. Celui-ci a constaté, dès 1911, que la couleur en aplats, en grande quantité, provoque sur le spectateur un sentiment émotionnel très fort. L’émotion vient directement de la couleur. Il réalise des tableaux de grand format.
Henri Matisse – La conversation (1911) 177 × 85 cm Musée de l’Ermitage Saint-Pétersbourg
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La conversation, représente l’artiste et sa femme en face à face devant un fond de bleu intense. La façon dont Matisse a traité cette scène (c’est une sorte d’annonciation laïque), Matisse met une fenêtre et un jardin, à la place de Dieu (thème du quattrocento). Matisse disait : « Un m2 de bleu est plus bleu qu’un cm2 du même bleu. »
En simplifiant le modèle, en exagérant le format et en poussant la couleur au maximum, on permet au spectateur de ressentir des émotions c’est une trouvaille de Matisse, qui sera reprise ultérieurement.
Henri Matisse – L’atelier rouge (1911) 181 x 219,1 cm New York, MoMA
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Le rouge est dominant. Contradiction entre les objets de l’atelier, mis en perspective (et représentés de manière très graphique) et le fond rouge qui est un aplats de couleurs saturés qui « frontalise » la toile (en contradiction avec la perspective).
Grâce à ce que l’on a appelé un traitement négatif de la ligne (orange sur fond rouge et non noire), le tableau devient bi-dimensionnel, il supprime la profondeur.
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Henri Matisse – Porte fenêtre à Collioure (1914) 116,5 x 89 cm Centre Pompidou Paris
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On pourrait penser qu’il s’agit d’une toile abstraite.Seuls une ligne blanche et les cadres des tableaux permettent de se figurer l’espace en perspective.
Porte fenêtre à Collioure. Limite de l’abstraction. Voir un commentaire.
Autre référence Monet, les Nymphéas.
Monet supprime les contrastes de clairs et d’obscures et travaille dans le ton sur ton, ce qui « frontalise » la toile et on se trouve parfois à la limite de l’abstraction.
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William Turner – Venise le grand canal et la Salute (1840) Collection particulière
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Turner : Venise le grand canal et la Salute. Vue dans la brume, qui sublime les contrastes. Les formes et les couleurs sont estompées.
Mondrian. Il recherche la rigueur géométrique, il travaille en aplats de couleurs. Il recherche l’équilibre du poids des couleurs qui permettent d’équilibre le tableau. Il veut faire oublier le geste de peindre,et amener le spectateur à un champ de réflexion métaphysique.
Voir le cours sur Mondrian.
Malévitch, a été découvert par les artistes américains lors d’une exposition réalisée par le MoMA dans les années 30.
Kasimir Malévitch – Carré noir (1915) 79,5 × 79,5 cm Musée Russe, Saint-Pétersbourg
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Carré noir de Malévitch. Il voulait faire table rase de toute l’histoire de l’art.
Carré blanc sur fond blanc. Seul comptait que la façon de peindre (le coup de brosse), et en même temps c’est la fin de la peinture. Voir le cours sur Malévitch.
Contient en germe tout le réductionnisme de la peinture moderne.
Terme de color fied a été trouvé par Clement Greenberg, historien d’art qui marqué la décennie de l’après guerre aux Etats-Unis.
Tous ces artistes sont très cultivés, ils ont fait des études d’arts, beaucoup enseignent dans les universités. Beaucoup publient et écrivent.
Clyfford Still (1904 – 1980)
Clyfford Still est un des fondateurs du mouvement du color field. Il fait un usage somptueux de tâches de couleurs.
A partir de 1944 il a peint de grandes toiles sombres et par endroit, déchiquetées par des absences de couleur.
Ces toiles les plus célèbres, sont celles dont l’effet de déchirure est sur le bord.
1953 Tate galerie Londres (236 cm). Il laisse un champ coloré important au centre.
Rothko, en préfaçant un catalogue de Clyfford Still écrivait que « Still exprime le drame tragique, religieux qui est le fondement des mythes de tous les temps« .
Still n’emploie pas le terme de beauté, pour expliquer ses toiles, mais celui de sublime, il veut créer des « métaphores visuelles du sublime« . E. Burke a explicité le sublime. Pour lui le sublime est ce qui provoque par sa puissance un désemparement de notre intelligence, quelque chose qui laisse sans voix et qui est en même temps un peu effrayant. On regarde quelque chose de tragique, mais nous sommes à l’abri pour le regarder.
Les romantiques allemands (Caspar David Friedrich, se référaient également à Burke et à la notion de sublime).
Still dédie ses travaux « à tous ceux qui veulent connaître la signification et les responsabilités de la liberté intrinsèque et absolue« . …
« Lors que j’expose une peinture, je voudrais qu’elle dise je suis ici, c’est ma présence, mon sentiment, moi même. Si quelqu’un ne m’aime pas qu’il se détourne car j’ai les yeux posés sur lui. »
L’oeuvre est un objet qui se confronte dans sa réalité physique avec la réalité humaine, les émotions du spectateur. Le spectateur ne peut que dire « je me sent petit et impressionné, avec un effet de sidération« .
Greenberg ne se soucie pas de ce que les artistes veulent exprimer. Ce qui l’intéresse c’est la planéité, les grands formats, la couleur, c’est la quête de la peinture pure (qui avait commencée avec Manet).
Jaune et noir effets de déchirure.
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Les peintures de Still sont très terriennes, moins épaisses et matérielles que Soulages, mais assez chargées en matière.
Marc Rothko (1903 – 1970)
Né en Lituanie. En 1947 il réalise ses premiers tableaux, avec des formes qui flottent dans un espace frontal.
La matière est plus légère, il vise l’impalpable, la sensation est plus immatérielle.
Marc Rothko – Magenta, noir, vert sur orange. (1949) 216.5 x 164.8 cm MoMA New York
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C. Greenberg s’enthousiasme, les seules formes qu’il représente sont les formes du châssis du tableau. Le peintre doit s’intéresser aux limites de son support champ illimité ou au contraire restreint), Rohko affirme les limites du tableau, en jouant avec les limites, en les touchant, ou en s’arrêtant avant. La peinture est mate avec une surimpression de couches, en floutant les transitions il donne une impression d’espace flottant, immatériel.