Cours du 18 novembre 2013

Ad Reinhardt (1913 – 1967)
Il est plus jeune que les artistes précédents, mais dans la même veine qu’eux.
Il exposa ses premiers tableaux en 1950, il a enseigné dans les universités américaines. Il est surnommé le « moine noir » par ses amis.


Ad Reinhardt – Etude pour une peinture (1939) 10 x 12,6 cm MoMA New York
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Dans les années 30, il réalise des peintures décoratives, un peu influencé par Kandinsky.
A partir de 1951, il fait des peintures avec des modulations discrètes de couleurs, et en ne peignant que des formes géométriques en forme de croix. La croix renvoie à la forme du châssis de la toile, c’est une manière d’organiser les angles droits. Il est à l’origine d’un courant qui a inspiré les sculpteurs minimalistes.


Ad Reinhardt – Red (1952) 274.4 x 102 cm MoMA New York
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Red 274 cm, grand format, organisation en patchwork


Ad Reinhardt – Abstract painting (1957) 274.3 x 101.5 cm MoMA New York
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Peinture qui change d’aspect suivant l’éclairage.
A partir de 1960 il ne produit que les peintures noires carrées, de même format (152 x 152 cm qui correspond aux bras ouverts d’un homme), mais différentes.
Ultimate painting.
Le spectateur doit passer du temps afin de découvrir progressivement les subtilités de l’oeuvre.
Il a voulu arriver à la peinture la plus pure la plus universelle, en la réduisant au silence, sans souffle, hors du temps, sans vie, sans fin.
Les Black Paintings sont l’expression de ce qu’il est encore possible de peindre une fois appliquées les Douze règles pour une nouvelle académie, règles qui définissent ce que n’est pas la peinture : une texture, un dessin, une couleur, une lumière, un espace, un temps, un objet, un sujet…

Il est à l’origine d’un courant qui a inspiré les sculpteurs.
Voir le dossier pédagogique sur le monochrome réalisé par le centre Pompidou.

D’autres artistes font partie de l’expressionnisme américain, mais qui peuvent relever à la fois de l’action painting et du color field, ce sont Robert Motherwell et Sam Francis.

Robert Motherwell (1915 – 1991)

Parents d’origine écossaise et irlandaise, il fait des études d’art et de philosophie. Entre 1932 et 1938, il réalise un tour d’Europe il a beaucoup écrit, il a fait une thèse sur je journal de Delacroix, traduction d’un livre de Signac. Installé à New York en 1940, il a fait de l’histoire de l’art à l’université de Colombia. Il est proche des surréalistes réfugiés aux Etats-Unis.


Robert Motherwell – Collage Pancho Villa, Dead and Alive (1943) 71,7 x 91,1 cm MoMA New York
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Collage en 1943. Voir une exposition sur ses premiers collages.

En 1948, il a réalisé une encre sur papier pour illustrer un poème de petit format, qu’il a appelé Elégie n°1

Elégie n°1 encre sur papier.


Robert Motherwell – Elegy n°1 (1948) 27.3 × 21.6 cm
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Il va ensuite développer ce thème dans une série, les Elégies à la République Espagnole.


Robert Motherwell – Elégie à la République Espagnole n°34 (1953) 203.2 x 254 cm Collection: The Albright Knox Gallery, Buffalo, New York
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Grandes dimensions, formes ovoïdes noires qui semblent compressées par des verticales noires qui s’infléchissent un peu. Le noir c’est la mort en Espagne (sous le Franquisme), et le blanc c’était la vie qui est derrière. Lorsqu’il laisse apparaître des couleurs, c’est la culture de l’Espagne qui est enfouie derrière la dictature. Il a été inspiré d’un poème de Garcia Lorca écrit à la mémoire d’un torero mort.

Voir Elégie n°107.

Elegie n° 108 Moma

Impression de marche funèbre et de battement de cœur. Il travaille à partir de petites encres de chine, et il les agrandit ensuite.

Voir un commentaire sur les Elégies.

Sam Francis (1923 – 1994)

Il disait : « Je fait du Monet tardif sous une forme pure« .


Sam Francis – Big red (1953) 303.2 x 194 cm MoMA New York
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Big red 1953 c’est un travail à l’éponge avec des effets d’humidité. Travail à l’horizontal. il redresse ensuite sa toile, effets de coulures. Impression d’être au cœur d’un fruit saturation de rouge.


Sam Francis – Blue (1958) Fondation Phillips
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Big blue. Durant la guerre il a été dans l’aviation et certaines de ses toiles laissent penser à une vue d’en haut. Il est proche de certains Monet.
Voir un commentaire.


Sam Francis – Reef (1955) 96.5 x 130.2 cm
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Reef 1955. Récifs, impression de paysage vu d’en haut (?)


Sam Francis – The whiteness of the whale (1957)
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The whiteness of the whale (la blancheur de la baleine), référence à Moby Dick. Blancheur dominante. Il veut opposer l’intensité du blanc à l’intensité des couleurs et créer une tension


Sam Francis – Round the word (1958-59) 276,5 x 321,5 cm Fondation Beyerler Santa Monica
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Round the word autant de blanc que de couleurs. Grand format qui crée un rapport de proximité avec le spectateur.


Sam Francis – Basel mural (1958) Musée d’art moderne de Bâle
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Basel mural 1958 musée de Bâle plus de 6 m de largeur.
Voir un commentaire.
Il a produit beaucoup d’impressions sur papier.


Sam Francis – Bright jade ghost variant i (1963) Lithographie
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Sa peinture se prête à ce type de production.

Il se revendique comme plus décoratif, pas d’ambitions austères des artistes précédents.
Informations supplémentaires sur Sam Francis

Clement Greenberg le théoricien célèbre par son ouvrage « La peinture à l’américaine ». .
Selon son argumentation, « chaque art utilise ses propres méthodes pour s’auto analyser et mettre à jour ses propres caractéristiques et selon lui depuis Manet, la peinture s’est engagée dans un processus d’auto purification qui élimine tout ce qui n’est pas pure peinture. D’où la conquête de la planéité, des grands formats, de la couleur. »

Cette définition est la théorie essentialiste de l’art, qui veut ramener l’art à son essence. Cette théorie existe également dans le domaine de la musique, du théâtre ..
Tous les arts, à un moment donné, ont été en quête de l’essence même de leur langage.
On évoque également l’impératif moderniste de Greenberg. Les textes de Greenberg ont eu un tel retentissement que beaucoup d’artistes se sont sentis obligés d’obéir à cette injonction, qui est devenue aussi importante que celle d’Alberti en son temps à la Renaissance à propos de la perspective.
A propos de Greenberg, on parle aussi de critique formaliste de l’art ; il ne prend pas en compte les intentions de sens des artistes.
Pourquoi ces artistes sont-ils si graves ? Il ont connu la grande dépression des années 30 et la perte de confiance dans la politique libérale américaine. Doute et angoisse (que l’on va retrouver dans le Pop Art). Ils ont connu également la seconde guerre mondiale, après ce drame, il fallait aborder la peinture avec un langage complètement nouveau.
En 1957 pour Jean Paulan : « Aujourd’hui, on attend de l’art ce que l’on attendait autrefois de la religion. Et on attend des peintres qu’ils soient des saints« .

Mis en évidence dans le livre de Serge Guilbaut Comment New York vola l’idée d’art moderne. Sa thèse est la suivante, après la guerre, les Etats-Unis sont rentrés dans la guerre froide, et luttent contre le communisme. Chez les artistes de la génération précédente, il y avait beaucoup de sympathisants communistes ( les surréalistes en exil, les muralistes mexicains, Frida Kahlo…) Désormais l’Amérique est désireuse de se forger une identité singulière et toutes les institutions vont porter et exporter sur le devant de la scène artistique le travail des expressionnistes abstraits, avec d’autant plus de conviction que cette abstraction est apolitique. Quant aux artistes ainsi portés aux nues, pour la première fois ils se sentent décomplexés par rapport à la modernité européenne.

En savoir plus sur les peintres abstraits américains.