Francis Bacon
Sommaire :
Les crucifixions, les papes, les portraits, les autoportraits
Francis Bacon 1909-1992
Il est né en 1909 a Dublin, et mort en 1992 a Madrid.
Il est inclassable, il s’affirme comme un peintre solitaire. Il a également affirmé qu’il était autodidacte. Il ne travaille jamais a partir du réel mais a partir de documents photographiques.
Son père était autoritaire et violent, sa mère avait 20 ans de moins, elle était cultivée et sociable.
La famille s’installe a Londres où son père est nommé et il suit une scolarité chaotique en raison de son asthme. A 16 ans il a pris conscience de son homosexualité. Son père le chasse de la maison, il connait une autonomie précoce. On le retrouve, pendant ces années d’errance, a Paris, puis a Berlin, il a vu à Paris des oeuvres de Picasso, ce qui a déterminé sa passion pour la peinture.
De retour à Londres, il dessine des meubles, et il apprend la technique de la peinture a l’huile.
Il a 24 ans, il est peu concerné par le thème, il est athée. C’est un thème qui ne fait pas partie de la tradition anglaise. Traitement singulier. La toile est achetée par un collectionneur, Sir Michael Sadler et qui lui commande deux autres tableaux. Il a été inspiré par la crucifixion de Picasso (Marie Madeleine est devant le Christ, personnages filiformes avec de petites têtes).
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En 1937 il participe à l’exposition collective Young British Painters, organisée à la galerie londonienne Thomas Agnew and Sons par son mécène, Eric Hall.
Il présente personnage dans un jardin. Il s’essaye à une forme de figuration qui se veut allusive et non figurative. Il suggère la présence d’un personnage dans un espace vert.
Durant la guerre il est affecté à la défense civile.
Voir une biographie plus complète de cette partie de sa vie.
Le thème de la crucifixion
Il a détruit la plupart de ses oeuvres de cette période. La crucifixion qu’il réalise en 1944 va véritablement le propulser sur la scène artistique. Il cesse alors, de détruire ses oeuvres.
Francis Bacon – Trois études de figures au pied d’une crucifixion (1944) 95 × 73,5+73,5+73,5 cm Tate Britain Londres
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La tableau a été exposé à la galerie Lefèvre à Londres au printemps de 1945. Il obtient alors un succès de scandale. Chaque figure est installée sur un piédestal.
Les figures de ce triptyque (les Érinyes) reviennent dès 1960 d’une façon récurrente dans ses œuvres.
– Panneau de gauche : une figure qui se recroqueville sur une sorte de piédestal, omoplates arrondies.
– Panneau du centre : une figure qui tient d’un oiseau derrière un piétement (d’une table ?), la face partiellement voilée la bouche grande ouverte vers le haut et dont on aperçoit la denture (il avait trouvé à Berlin un manuel sur les maladies de la bouche, dont il s’est inspiré). Il évoque le piédestal de la Pythie à Delphes à laquelle on bandait les yeux pour qu’elle puisse invoquer les esprits. Il est inspiré par un des bandeaux du retable d’Issenheim,
– Panneau de droite : une figure très animale, plantée sur une jambe unique, le cou tendu horizontalement, qui hurle.
Ce triptyque est violent, sans représenter une action violente.
Chaque figure produit un sentiment tragique mêlé d’éléments humains et bestiaux. Expression de l’horreur.
La violence est traduite dans les figures monstrueuses, exprimant haine, voracité, cauchemar. Bacon explique : « je veux peindre le cri plutôt que l’horreur ». Peindre le cri, ce n’est pas peindre l’action violente mais rendre compte de l’effet de cette action sur l’homme par la violence expressive des figures.
Il s’adresse plus a notre inconscient qu’à notre capacité d’analyse.
G. Bataille de 1930 a écrit un article « Bouche » : « Dans les grandes occasions, la vie humaine se concentre bestialement dans la bouche, la colère fait grincer les dents, la terreur et la souffrance atroce font de la bouche l’organe des cris déchirants. Il est facile d’observer à ce sujet que l’individu bouleversé relève la tête en tendant le cou, en sorte que la bouche se place en tant qu’il est possible dans le prolongement de la colonne vertébrale c’est à dire la position qu’elle occupe normalement dans la constitution animale. »
On a l’impression que Bacon a illustré ce propos.
Cette peinture est reçue à l’époque comme symbolisant l’horreur nazi.
On a retrouvé dans son atelier une photo de Goebbels qui l’a sans doute inspirée.
Voir Francis Bacon, ses relations à la photographie et au cinéma
Voir la critique de ce tableau par Philippe Sollers.
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Apres la guerre beaucoup d’artistes ont le sentiment que l’on ne peut plus faire de la peinture figurative. Bacon refuse l’abstraction et la figuration traditionnelle, il propose un monde imaginaire. Il veut faire partager des émotions avec un vocabulaire personnel et qui va s’adresser directement au système nerveux du spectateur, sans passer par sa raison.
En 1988, il a peint une seconde version du triptyque de 1944
Francis Bacon – Seconde version du triptyque de 1944 chaque cadre 198 x 147 x 10 cm Tate Londres
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Même thème avec une mise en scène plus épurée. La figure centrale sur son trépied est bien mise en exergue par rapport aux deux autres (tapis rouge) c’est le personnage le plus important. Dans cette seconde version, il choisit ce format qu’il emploiera constamment pour les grands formats (c’est la format maximum qui pouvait rentrer par la porte de son atelier). Les panneaux sont séparés par des cadres et la peinture est mise sous verre. Le spectateur est immergé dans la peinture (grand format), mais cette proximité est rompue par la présence du verre.
Francis Bacon – Fragment pour une crucifixion (1950) 140 cm × 108.5 cm Stedelijk Van Abbemuseum, Eindhoven
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En 1950 fragment pour une crucifixion.
Devant une forme qui renvoie a une croix, on distingue un amas informe avec une bouche. Formes qui font penser aux Érinyes qui poursuivent les criminels et qui figurent le remord. Derrière cet ensemble il y a des passants indifférents, un drame se joue hors du temps.
Francis Bacon – Trois études pour une crucifixion (1962) 94 x 73 cm Musée Solomon R. Guggenheim, New York
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1962 trois études pour une crucifixion. Il est question d’un corps sur un lit, il n’y a plus de passants, mais des figurants (que Bacon appel des attendants) sur le panneau gauche, comme des témoins de ce qui se passe dans la panneau central. Les ombres ont une qualité de présence étonnante (ombre blanche). Les panneaux sont encadrés et sous verre.
C’est le mode de représentation des triptyques du moyen âge.
Comme au Moyen Age, il a l’idée de faire figurer dans les panneaux latéraux des personnages qui sont en dehors de la scène centrale.
Les attendants à gauche
Au centre un corps qui souffre sur un lit. Il associe le corps humain à la viande, il est passé de la souffrance de la crucifixion à la souffrance humaine en général, cette souffrance le renvoie également a l’abattage des animaux.
Gilles Deleuze, a écrit un ouvrage sur Bacon Logique de la sensation. « Tout homme qui soufre…
A droite la carcasse de viande, est pendue a l’envers. Il s’inspire d’un crucifix de Cimabue le corps qui se tord. La tête n’est pas représentée, mais on voit une bouche.
Il n’est pas croyant, mis il voulait faire apparaître les hommes d’une manière aussi poignante que les figures dans une crucifixion. Il considère que c’est dans cette représentation que l’expression de la douleur a été la mieux rendue.
Cette douleur est associée dans son imaginaire à l’abattage de l’animal.
Voir extrait du livre : « Pour décoder un tableau religieux » (Par Eliane et Régis Burnet).
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En 1965 il peint crucifixion, il joue avec les mêmes codes.
Francis Bacon – Crucifixion (1965) 197.5 x 147 cm Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Munich
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– Le personnage sur un lit est placé sur le panneau gauche avec une femme indifférente (un témoin ?).
– Au centre carcasse avec la tête en bas avec deux membres ligotés comme de la viande.
– A droite un autre corps en souffrance a l’écart du drame qui se joue dans les autres tableaux, avec deux personnages volontairement à l’écart.
En 1981 il réalise le triptyque inspiré de l’Orestie d’Eschyle.
Francis Bacon – Triptyque inspiré de l’Orestie d’Eschyle (1981) 197.5 x 147 cm Astrup Fearnley Collection, Oslo
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– Au centre grande bande pourpre qui évoque la royauté d’Agamemnon. L’élément central, c’est un personnage se penche en avant, sa jambe gauche en avant est bien visible. Il est installé sur un support. La couleur pourpre suggère le drame.
– A gauche une Erinye (?), les visiteurs sur les côtés, sont dans des cages avec une sorte de dard, un ruisseau de sang s’écoule au sol.
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