La photographie est peut-être l’art qui s’est le plus démocratisé tant par sa diffusion que par sa pratique. Pour autant, des notions comme La photographie contemporaine, où La Photographie artistique ne vont pas de soi. La très grande diversité des productions et des techniques à laquelle s’ajoute la porosité du medium avec les autres arts ne font que renforcer la nécessité d’une analyse autour d’une question qui paraît centrale, celle de l’Artistique.
Ce qu’elle prétend définir et comment cette notion s’investit dans le champ propre à la photographie. Le tour d’horizon concernera les productions nées à partir des années 70 jusqu’à aujourd’hui. Seront convoqués, dans un champ élargi, les différents genres (photos vernaculaires, photos plasticiennes, photos documentaires…).
Intervenant : Alain Marsaud
1 – Rendre compte de la réalité
Michel Poivert énonce dans son livre « La Photographie contemporaine » : « Ce que les théoriciens appellent alors le photographique recouvre ainsi toute forme d’expérience qui ne relève en rien de l’observance des règles. Il ne s’agit pas de reproduire ce qui a été la règle d’or de la photographie (la règle des tiers, par exemple) ; il existe en fait une multitude de postures possibles. »
Cette approche favorise une multitude de postures créatives, libérant la photographie de ses contraintes classiques.
La photographie et le pop art entretiennent des liens très étroits à partir des années 1970. Dans les années 1980, on assiste à l’introduction de la photographie numérique, et à la fin des années 2010, au développement de l’intelligence artificielle.
Voir l’histoire de la photographie.
Documenter le réel : Index
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Point de vue sur Le Gras de Nicéphore Niépce est la première photographie, réalisée à partir d’une exposition de 25 heures. Ce procédé utilisait une réaction chimique impliquant une ou plusieurs substances exposées à la lumière du soleil pour imprimer une image sur un support physique.
Les premières théories de la photographie ont été reprises dans un livre de Robert Taft, « L’histoire photographique de l’Amérique« .
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Une empreinte en tant qu’image renvoie à ce qui a été à l’origine. L’empreinte de la patte de loup n’est pas une image du loup, mais c’est un signe que le loup est passé par là. De même, la photo de Point de vue sur Le Gras n’est pas l’architecture au fond du jardin de Nicéphore Niépce, c’est une représentation, un signe, un indice.
Dès le départ, la photographie est une forme d’indexation, d’indices du réel. Ce n’est pas le réel lui-même.
Cette définition sera encore plus accentuée avec Roland Barthes dans « La Chambre claire« . Il va parler de l’acte photographique, le moment propice où l’on appuie sur l’obturateur pour capturer une image. On a quelque chose qui reconduit la notion d’indice. C’est une capture de quelque chose qui a été là. La photographie est quelque chose de mortifère qui parle de quelque chose qui n’est plus.
La notion de straight photography (Photographie directe)
Rosalind Krauss principale théoricienne de la photographie s’est intéressée au développement de la photographie parallèle à celui de la peinture moderne qui met en lumière certains phénomènes ignorés jusqu’alors : les marques d’index, la fonction d’archives.
Elle a beaucoup écrit sur l’œuvre de Marcel Duchamp, et son analyse de « With My Tongue in My Cheek » une photographie de Duchamp où il apparaît avec la joue gonflée, est particulièrement pertinente pour comprendre la manière dont Duchamp a subverti les conventions artistiques.
C’est l’une des théoriciennes les plus importantes sur ces questions autour des années 1980. On retrouve la photographie directe (straight photography) ou la photographie de rue avec des photographes comme Garry Winogrand et William Eggleston, qui capturent des gens sur le vif.
John Szarkowski a créé le département de photographie au MoMA de New York en 1963. Il a fait entrer au MoMA les photographes de la straight photography. Il a défini un concept : la photographie vernaculaire. Garry Winogrand, Jacques Henri Lartigue, Walker Evans, William Eggleston sont des photographes qui travaillent principalement à partir de photographies directes, non mises en scène, non préméditées. C’est l’idée, chère à Roland Barthes, de l’acte photographique : « se situer à un moment propice, à un instant décisif pour prendre une photo« . C’est à ce moment-là que tous les éléments constitutifs de l’image sont en place : construction de l’image, expression de l’image, ce que l’on veut dire avec cette image.
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Ici, le photographe n’est pas spécialement décisif, mais il y a quand même le choix des angles, la capture de ces deux personnages avec le petit chimpanzé et l’expression des visages à un moment précis.
En ce qui concerne les photographies d’Eggleston, il donne plus de temps aux sujets. Il n’a pas fait poser les personnes, mais il y a manifestement une complicité entre le sujet et le photographe.
J’utilise la définition de la photographie vernaculaire de Clément Chéroux dans son livre Vernaculaires : essais d’histoire de la photographie. Il dit : « le vernaculaire sert, il est utile. Par extension, le mot couvre tout ce qui est confectionné, élevé ou cultivé à la maison. Il inclut toutes les photographies utilitaires, que ce soit la photographie de presse, la photographie de mode ou la photographie amateur« .
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Voici des exemples de photographies qui, d’après Clément Chéroux, pourraient relever de la photographie vernaculaire.
Certaines peuvent relever de problématiques plus artistiques, notamment celle d’Hocine Zaourar, qui peut faire penser à une forme de postmodernité en référence à l’histoire de l’art et aux pietà. Pour les autres, c’est moins vrai.
La photographie de Nick Ut, par exemple, est vernaculaire en ce sens qu’elle a été publiée dans la presse et diffusée à des millions d’exemplaires. Mais il y a quelque chose d’autre dans cette photographie : elle est, en quelque sorte, le symbole de la guerre du Vietnam. Une image, à elle seule, devient la totalité de la guerre
Unicité/reproductibilité
Une notion très importante pour la photographie est l’idée d’unicité et de reproductibilité. La photographie de Nicéphore Niépce est unique. Il n’y a pas de négatif, la photographie est un positif sur une plaque de métal. La grande innovation sera de créer des négatifs pour tirer des reproductions multiples.
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La photographie est-elle unique ou multiple ? Quand elle est multiple, on s’arrange pour la rendre relativement unique, en faisant des tirages uniques, pour avoir le privilège d’une photo qui n’est pas multipliée à des centaines d’exemplaires. Rodin n’a jamais défini le nombre de tirages que l’on pouvait faire à partir de ses esquisses.
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Dans l’idée des multiples, vous avez par exemple Balsac de Bisson. C’est un daguerréotype, il produit une image sans négatif sur une surface d’argent pur.
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Après la Première Guerre mondiale, les tirages multiples ont été, par exemple, les cartes postales.
Documenter le réel
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Image, de la rue Montmartre, par Eugène Atget. Il se promenait avec une brouette sur laquelle il mettait son matériel photographique pour photographier les rues de Paris. Il vendait ensuite ses clichés à des peintres. Il n’avait aucune intention artistique au départ. Il va rencontrer une jeune femme, Bérénice Abbott, qui était l’assistante de Man Ray et qui va montrer ses photos à André Breton. Les surréalistes ont été très impressionnés par ces photos qui montraient un Paris qu’ils ne connaissaient pas. Atget a photographié les rues vides, sans personnes, afin que la reproduction soit la plus objective possible. Cette idée de documenter le réel à travers une perception objective va devenir l’objectif le plus courant à partir des années 1920.
Par exemple, en Allemagne, on retrouve ce qu’on appelle la Nouvelle Objectivité. Nous sommes dans les années 1930 et August Sander va faire des photos pour montrer l’architecture sociale de l’Allemagne de cette époque. L’idée est de classer, de montrer les groupes sociaux et les métiers. Ce livre est un arpentage de la société.
Exemple : photo du colporteur. C’est une photo qui est mise en scène, prise dans un studio manifestement éclairé, avec la nécessité de montrer tous les signes du colporteur : son vêtement, la boîte, le regard du colporteur.

Karl Blossfeldt, Acanthus mollis, 1928, Gelatin silver print, 25.8 × 19.9 cm
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De l’autre côté, la photo de Karl Blossfeldt. Il s’agit de regarder de manière très esthétique le monde qui nous entoure.
La Nouvelle Objectivité est très importante dans les années 1930, au point qu’Hitler va considérer que le classement de Sander de la société allemande ne correspond pas aux critères des nazis, et il sera classé parmi les artistes dégénérés.
Aux États-Unis, là, c’est la crise de 1929 avec Walker Evans et la FSA (Farm Security Administration). Le gouvernement Roosevelt veut absolument avoir une connaissance fixée historiquement de la dépression dans les zones rurales de l’Ouest américain.
Walker Evans va se rendre sur place (avec d’autres photographes) et il va définir un style photographique : le style documentaire. Se placer devant un motif, être à une certaine distance, respecter un axe de frontalité, ne jamais mettre en scène, essayer de répéter rigoureusement la même procédure pour pouvoir capter de manière constante des objets et les répéter à l’infini, en essayant d’avoir le moins de subjectivité possible, en essayant d’éliminer tous les affects.
Relativité de l’objectivité
Le style documentaire va être théorisé par Olivier Lugon dans les années 2000 dans un livre qui s’appelle Le Style documentaire. Il analyse l’ensemble des photographes qui ont travaillé dans cette perspective.

Arthur Rothstein, A young couple in their farm, Douglas County, Nebraska, 1 mai 1936
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Le style documentaire à la même époque, tout le monde ne le respectait pas évidemment. Arthur Rothstein souvent, dessinait ses images. Ensuite, il demandait aux gens de poser Il les installait quelque part, puis il composait une image. Il fait apparaître le dénuement du champ derrière, et on a ici tous les ingrédients antinomiques du le style documentaire. On est bien ici dans une procédure artistique Il y a une mise en scène, on est proche de la peinture On peut dire quelque chose à partir d’éléments que l’on combine et assemble.
Reformuler l’idée d’objectivité
Dans une période plus contemporaine, il y a l’idée de reformuler cette question de l’objectivité.
Dans l’Allemagne des années 80, Bernd et Hilla Becher ont développé une approche photographique rigoureuse. Ils appliquaient un protocole invariable, y compris les conditions atmosphériques, pour photographier des motifs similaires.
Par exemple, ils ont capturé des réservoirs sphériques à différents endroits, en maintenant une hauteur de chambre, une distance au sujet et un éclairage constants.
Cette objectivité là reproduit quelque chose de Walter Evans On essaie Capturer quelque chose en éliminant toute projection individuelle affective.

Gilles Boudot,, Ustensiles, Tirages numériques Fine Art Nano Satin, 2018, 24 x 30 cm sous passe de 36 x 42 cm
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Gilles Boudot, résidant à Toulon, s’inspire de la rigueur des Becher, mais avec une touche de légèreté. Dans son studio, il photographie des ustensiles de cuisine en suivant un protocole similaire : formes et formats identiques, éclairage artificiel, et une approche sérielle. Il crée ainsi une sorte de parodie des œuvres des Becher.
Patrick Tosani explore l’objectivité en transformant des objets ordinaires en sujets singuliers. Son protocole de prise de vue, axé sur le grand format, sublime ces petits objets, révélant des détails invisibles à l’œil nu.

Patrick Tosani P.T.D, 1992, 190 x 144 cm, photographie couleur c-print
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Cette approche artistique transcende la simple reproduction, amplifiant l’iconicité de l’image. Il s’agit de pousser la capacité de la photographie à révéler l’extraordinaire dans le banal.
Voir d’autres photos de Patrick Tosani.
Andreas Gursky héritier de l’approche Becher, il photographie un magasin à 0,99$, où tous les articles sont vendus à ce prix unique. L’image, de prime abord, semble d’une objectivité froide, une simple déclinaison visuelle de l’univers marchand. Cependant, elle est le résultat d’un travail de retouches minutieux : suppression des personnages de face, modification des reflets au plafond via Photoshop, saturation des couleurs et ajout de piliers blancs pour rythmer la composition.
Cette prétendue objectivité est en réalité trompeuse. Ce qui se joue ici dépasse la simple manipulation numérique. La photographie, loin de se limiter à un exercice technique, dialogue avec la peinture. Elle explore des concepts picturaux tels que le « all-over » et la profondeur de champ, en jouant avec la couleur. La saturation des couleurs perturbe notre perception de la perspective, créant un effet déstabilisant similaire à certaines œuvres picturales. La photographie place ainsi le spectateur dans une position d’inconfort, l’invitant à une expérience visuelle troublante.
On a parlé pour cette photo de néo pictorialisme. (Nouvelle manière de peindre avec la photographie).
Voir d’autres photos de Andreas Gursky
Qu’est ce que le pictorialisme ? C’est un mouvement qui est apparu très tôt. Au début du 20e siècle pour dire que la photographie Ce n’est pas une technique, elle ne consiste pas à se mettre devant un sujet, et le photographier.
Voici quelques images de pictorialistes du début du 21e siècle.
Edward Steichen musée Rodin La photographie capture la beauté et l’atmosphère du Musée Rodin tout en transmettant une profonde résonance émotionnelle.
La photographie revendique son statut artistique en surpassant les capacités de la peinture. Elle excelle dans la maîtrise des éclairages, des fonds, de la profondeur de champ, des transparences et des cadrages singuliers. Le pictorialisme, en particulier, exploite une multitude d’artifices, que ce soit lors de la prise de vue, du tirage ou par des manipulations diverses (filtres, trames), afin de conférer à la photographie une identité et une spécificité uniques.
On parle de néo Pictorialisme car il y a quelque chose qui essaie de rejouer à travers la photographie quelque chose de la peinture.
Thomas Demand appartient à ce qu’on a appelé la Nouvelle Objectivité allemande, il se distingue par son approche unique de la photographie et de la sculpture, où il recrée des images prélevées dans les médias à partir de papier et de carton, qu’il photographie ensuite avant de les détruire. À droite, une étagère remplie de boîtes. En réalité, il s’agit d’une maquette miniature, de quelques dizaines de centimètres seulement, qu’il photographie puis agrandit de manière spectaculaire.
Là, par exemple, à nouveau, c’est la même chose.
Ici Thomas Demand construit des maquettes, comme cette chambre qui évoque l’intérieur d’une centrale nucléaire, avec un coin gauche semblant désordonné ou abandonné. Ces miniatures, qu’il agrandit de manière spectaculaire, incarnent son concept d’objectivité. Elles reproduisent la réalité avec une précision telle que le spectateur, face à l’image agrandie, doit redoubler d’attention pour déceler l’artifice.
L’œuvre reflète l’étrange écart entre le monde que nous habitons et le monde de papier et de carton que l’artiste recrée dans son atelier.
Voir d’autres photos de Thomas Demand.
Thomas Ruff, dans un renouveau de l’objectivité, il crée des portraits monumentaux (2,10 m x 1,60 m) d’une présence intense. Le regard, à la fois pénétrant et vide, déroute : le sujet semble regarder au-delà du photographe. Cette présence physique, palpable, se double d’une sensation de vacuité, créant une tension troublante.
Voir d’autres photos de Thomas Ruff
Stratégie de retrait selon Dominique Baqué
En s’inspirant de Dominique Baqué, voici d’autres pratiques photographiques où la question du réel est délaissée au profit d’autres aspects.
Allan Sekula crée des images qui, sous leur apparence de réalité, recèlent des significations cachées.
Cette photographie d’un porte-conteneurs, sujet récurrent dans son travail, symbolise la face cachée de notre monde : les échanges commerciaux et la mondialisation.
Voir Fish story.
On constate ici la disproportion entre l’ouvrier, réduit à une simple silhouette maniant une pelle, et l’énormité du navire voisin, ce qui illustre un effet de démesure. C’est une réflexion sur le monde du travail. Pour en savoir plus.
Sékula a une nouvelle interprétation du réel. Il propose une relecture du réel qui, sous une apparence d’objectivité, cache une critique idéologique d’inspiration marxiste. Son œuvre dénonce le libre-échange, mais, selon les termes de Benjamin, elle reste silencieuse sur les conditions de travail des ouvriers. En présentant des images d’une objectivité frappante, il cherche à révéler les aspects occultés de l’économie mondialisée, de l’exploitation des pays du tiers-monde et de la dégradation de notre environnement.
Bruno Serralongue, réalise à la fois des clichés factuels pour la presse et des œuvres photographiques plus personnelles.
Il se démarque de l’approche documentaire classique en prenant ses distances avec ses sujets.

Bruno Serralongue Franck pendant une reconnaissance sur un site de construction du Bayou Bridge Pipeline, Rayne, Louisiane, juillet 2018
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Sur le site de construction d’un pipeline américain, il ne cherche pas à documenter les travaux ou le conflit avec les communautés autochtones. Il privilégie un portrait simple de Franck, complété par un texte qui replace l’image dans son contexte. Il remet ainsi en question l’idée que la photographie puisse, à elle seule, refléter une réalité complexe et circonstanciée.

Bruno Serralongue, Le début de l’édification du phare (contre la tour de contrôle) à la Rolandière, ZAD de Notre-Dame-des-Landes 2018
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
À Notre-Dame-des-Landes, il choisit de ne pas documenter les affrontements avec la police, mais plutôt d’intégrer ses photographies dans un contexte plus large de résistance et de militantisme, il offre une perspective unique sur les enjeux écologiques et politiques de Notre-Dame-des-Landes.
Voir également de Bruno Serralongue passer en Angleterre
Sophie Ristelhueber s’inscrit également dans cette démarche de distanciation par rapport à la photographie documentaire. Concernant la guerre en Bosnie, elle n’a pas cherché à montrer les événements eux-mêmes, mais s’est rendue sur place après le conflit pour révéler indirectement la guerre à travers les traces laissées sur les corps ou sur le terrain, notamment à l’aide de vues aériennes. Son point de vue est ainsi décalé, s’éloignant de l’objectivité face au sujet pour explorer une temporalité et un espace-temps différents. Pour en savoir plus sur cette œuvre, vous pouvez consulter ce lien.
Voir d’autres photos de Sophie Ristelhueber
Gilles Saussier a proposé à l’IGN de réaliser un parcours photographique de 180 km, de Paris à la mer, suivant l’axe historique de la capitale.
Mais son travail dépasse la simple photographie. Il a intégré les habitants tout au long de son itinéraire, les invitant à partager leurs souvenirs et leurs perceptions des paysages. Ces témoignages ont nourri son projet, prenant la forme d’installations dans des lieux non dédiés à l’art, comme des médiathèques ou des lycées. Cette interaction constante avec le public a permis de créer un dialogue et de susciter des réactions. Au terme de son parcours, il a révélé une réalité frappante : l’axe historique se termine sur une décharge en bord de mer, une conclusion à forte portée idéologique. Pour en savoir plus sur le projet.
Jean-Luc Moulène a collecté des « Objets de grève », témoins de la réappropriation des moyens de production par des ouvriers en lutte. Ces objets, comme un paquet de Gauloises ou des montres Lip, ont été photographiés avec une esthétique publicitaire froide et rigoureuse, soulignant leur banalité apparente. Cependant, leur statut d’objets de grève leur confère une dimension politique et symbolique forte. En les exposant dans un musée, Moulène les transforme en œuvres d’art, interrogeant ainsi la notion de valeur et la relation entre art et politique.
Dans sa série « Disjonctions », Jean-Luc Moulène présente des images d’une simplicité désarmante, évoquant parfois la photographie amateur. Il insiste sur le fait que ses clichés sont toujours pris sur le vif, sans préparation.

Jean-Luc Moulène, Dijonctions 1984-1995, 1999 Dégradé, Javerlhac Automne 1989
Ici, la disjonction se manifeste par un contraste saisissant entre la partie supérieure de la plante, où l’herbe semble atteinte de chlorose, et la partie inférieure, plus verte, comme si la plante était divisée en deux états, créant un effet de contraste saisissant.

Jean-Luc Moulène, Dijonctions 1984-1995, 1999 La pierre a fait ces lignes…, Cap Corse, automne 1989
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
ici la disjonction provient d’une rencontre en Corse. Une personne a montré à Jean-Luc Moulène deux colliers, chacun orné d’une pierre : l’une représentant la Palestine, l’autre la Corse. La disjonction se manifeste alors par la mise en parallèle, ou l’opposition, de ces deux pierres et des peuples qu’elles symbolisent.
Parallèlement, Moulène mène un travail d’archivage de son lieu de naissance dans les Cévennes, documentant sur quelques kilomètres tout ce qu’il observe, y compris les éléments les plus banals. Pour en savoir plus sur les disjonctions de Jean-Luc Moulène.

Alfredo Jaar, Le Silence de Nduwayezu, 1997, Église des
Prêcheurs, Arles 2013
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Alfredo Jaar, de retour du Rwanda où il a documenté les massacres, a fait le choix de ne pas exposer ses photographies, estimant qu’elles ne pouvaient pas transmettre l’horreur vécue. À Arles, il a opté pour une approche conceptuelle, utilisant un texte pour décrire la réalité rwandaise et des diapositives d’autres lieux pour suggérer l’atmosphère du génocide, soulignant ainsi les limites de la représentation photographique. L’œuvre se compose d’un million de diapositives, chacune représentant les yeux d’un enfant rwandais nommé Nduwayezu, qui a été témoin du meurtre de ses parents pendant le génocide. Les diapositives sont disposées sur une table lumineuse.
Dans une autre installation, il a mis ses propres photos dans des boîtes, il a fermé les boîtes, qu’il a mises sur des tables, et son travail, ses photos, devenaient invisibles.
Voir d’autres photos d’Alfredo Jaar.