De la Nature Morte au parti-pris des choses

3 – Des viandes et du gibier

Il était fréquent au 16e siècle, que l’on associe une nature morte à la scène biblique du Christ chez Marthe et Marie, comme si l’alibi religieux autorisait l’artiste à traiter au premier plan, côté cuisine, une abondance de victuailles.

C’est le cas chez Pieter Aertsen, peintre hollandais avec « Jésus chez Marthe et Marie » (1552).


Pieter Aertsen, le Christ chez Marthe et Marie, 1562 huile sur panneau de chêne 60 × 101,5 cm Kunsthistorisches Museum, Vienne
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Au premier plan, un énorme gigot, du pain, du beurre, divers objets, un vase et une bourse, tous les éléments d’une nature morte disant les plaisirs de la bonne chère. À l’arrière-plan à gauche le Christ reproche à Marthe de s’affairer aux tâches matérielles comme la préparation des repas alors que sa sœur Marie a choisi les nourritures spirituelles.
Voir un commentaire.

Joachim Beuckelaer, la boutique du boucher 1568. Dit tout autre chose :


Joachim Beuckelaer, la boutique du boucher, 1568 huile sur toile 146,5 × 204,7 cm musée de Capodimonte, Naples
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

C’est en 1650, en Flandre, qu’apparaît pour la première fois le mot « Still Loven » (vie immobile), que les Allemands ont appelé « Stillben » et les Anglais « Still Life ». En Espagne on dit « Bodegones » du mot bodega lieu de rangement des aliments. Et ce n’est qu’au 17e siècle qu’en France apparaît le mot « nature morte ».

Au premier plan, c’est la boucherie, avec pendu à des crochets, une moitié de veau, le groin, une cuisse et des saucisses de porc. Au centre, déposé sur un linge la tête écorchée d’un bovin et un morceau d’aloyau, et un récipient rempli de saucisses et de saucissons. Le boucher de profil vient de finir une bière. Au fond, un escalier où se trouve une femme penchée en avant, et à droite, devant une grande cheminée, un homme est en train d’enlacer une femme. Si l’on ajoute que le chou était à l’époque un symbole du sexe féminin, on comprend qu’ici cette boucherie est une ode aux plaisirs de la chair.

En Italie, à la même époque Annibal Carrache, « scène de boucherie » (1580), c’est une scène analogue, les allusions sexuelles en moins.


Annibal Carrache, scène de boucherie, 1580 huile sur toile 185 x 266 cm Christ Church, Oxford
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Les femmes peintre au 17e siècle étant cantonnées aux genres des portraits et des natures mortes, certaines se sont particulièrement illustrées. C’est le cas de Clara Peeters, « nature morte à l’épervier oiseau et coquillages » (1620).


Clara Peeters, nature morte à l’épervier, oiseau et coquillages, 1620 huile sur toile 185 x 266 cm Christ Church, Oxford
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Peintre à Anvers, elle concentre ici tout ce qui peut flatter les goûts d’une clientèle aisée : l’épervier aux aguets renvoie à la fauconnerie, il y a aussi le privilège de consommer du gibier à plume … et on aime à l’époque collectionner les coquillages.

Le monogrammiste JVR, son vrai nom est incertain, « nature morte avec les produits du porc » (1630), lui aussi a signé sur un papier peint en trompe l’œil … et cette grosse tête de porc est propre à attirer la compassion en 1630.

De même avec Giacomo Ceruti (1698–1767) peintre de Milan, « nature morte avec tête de porc canard, tripes et chou » (1670).


Giacomo Ceruti, nature morte avec tête de porc, canard, tripes et chou, 1730 huile sur toile 28.4 cm × 20.8 cm Christ Church, Oxford
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

A partir du 17e siècle, les animaux morts rappellent la fragilité de notre condition humaine.

Voir également :
– « Nature morte avec poule et oignons » (1730).
Abraham van Beijeren, « nature morte à la dinde, vanité » (1670) : le titre ici est explicité il s’agit d’une méditation sur la mort.

En France, François Desportes, « nature morte au gibier, fruits et perroquet » (1716).


François Desportes, nature morte au gibier, fruits et perroquet 1716 huile sur toile 102,5 x 83 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Il a reçu commande de cette toile pour une cuisine particulière du Régent, au Palais Royal. Il innove en abandonnant la présentation sur les étals et en organisant sa composition dans un équilibre vertical. C’est brillant, luxueux, décoratif pour l’époque !
Voir un commentaire.

Par ailleurs, chez certains artistes, la représentation des animaux morts prend une autre signification : ils sont offerts à la pitié et nous rappellent notre propre condition.

Francisco de Zurbaran « Agnus Déi » (1635-1640).


Francisco de Zurbaran, agnus dei, 1635-1640 huile sur toile 38 × 62 cm musée du Prado Madrid
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Le symbolisme chrétien est évident (la métaphore du Christ comme agneau sacrifiée pour le salut de l’humanité) d’autant que Zurbaran était un moine peintre, mais en même temps, l’animal est traité ici comme un Bodegon, une scène de cuisine naturaliste.

De même la « nature morte à la tête de bouc » (1646) de José de Ribera est bien mise en scène dans une cuisine, mais elle rappelle la tête de saint Jean-Baptiste un autre thème traité par le peintre.

Rembrandt le « bœuf écorché » (1655).


Rembrandt, le bœuf écorché, 1655 huile sur toile 94 × 69 cm musée du Louvre Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Lorsqu’il peint le bœuf écorché en 1655, il rompt avec la tradition des scènes de boucherie de ses contemporains, en faisant de la chair morte l’unique sujet et un pur morceau de peinture, éclatant d’une présence presque obsédante.

C’est ce qui, en 1925, va fasciner Chaïm Soutine, dont on connaît « le bœuf écorché » souvent reproduit, où il a reproduit la mise en scène de Rembrandt avec des couleurs plus expressionnistes.
Les « autres carcasses de bœufs » réalisées la même année sont moins connues.

… et on sait l’impact sur Francis Bacon, voir « carcasse de viande et oiseau de proie » (1980).

Au 18e siècle Jean-Baptiste Oudry peint avec raffinement « nature morte avec souris, noix, oiseau mort et vase » (1712).


Jean-Baptiste Oudry, nature morte avec souris, noix, oiseau mort et vase 1712 huile sur toile 32 × 24,5 cm musée des Beaux-Arts d’Agen
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Il associe vie et mort dans une même composition, et comme le thème de l’oiseau mort était prisé des amateurs d’art à l’époque, Jean-Antoine Houdon en a même sculpté un en marbre, « la grive morte » (1782).

Chardin, « lièvre mort avec poire à poudre et gibecière » (1720).


Chardin, lièvre mort avec poire à poudre et gibecière 1720 huile sur toile 98 × 77 cm musée du Louvre Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

C’est plus émouvant car l’animal est isolé sur un fond neutre.

Francisco Goya, « la nature morte à la tête de mouton » (1808), c’est une nature morte d’autant plus pathétique qu’elle a été peinte pendant la guerre d’indépendance espagnole (1808-1814).

A côté, « le jambon » de Gauguin (1889) et « l’entrecôte » de Félix Vallotton (1914) semblent tout à fait dénués d’émotion.

En 1952, Bernard Buffet peint plusieurs natures mortes à la tête de mouton :


Bernard Buffet, deux têtes de mouton, 1952 huile sur toile 89 x 130,3 cm Centre Pompidou Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Buffet a alors 24 ans, et il évoque ici un temps de pénurie dans une période douloureuse pour lui.

Andres Serrano « Cabeza de vaca » (1984).


Andres Serrano, cabeza de vaca, 1984 photographie 114,8 x 165,1 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Cette tête de vache, photographiée en gros plan, posée sur un socle dont le marbre évoque de la charcuterie. La tête ensanglantée nous regarde et nous met mal à l’aise. Serrano s’inscrit dans la lignée de Ribera et de Goya, mais il a réalisé ce travail dans le contexte de la catastrophe sanitaire de la vache folle qui a provoqué la mort de milliers de bêtes à qui on avait fait consommer des farines fabriquées à partir de cadavres.

Irwing Penn, en 1994 intitule sa photo « cholestérol revenge« .

Miguel Barceló « bouc et chèvre » (1994).


Miguel Barceló bouc et chèvre 1994 huile sur toile musée Guggenheim Bilbao
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Ayant un temps installé son atelier en Afrique, il prend comme modèle les carcasses d’animaux séchés et pendus,.
Voir également :
– « Le bal des pendus » (1994).
– « Ex-voto à la chèvre » (1994). Le support est bosselé, car il a obtenu ses reliefs par estampage de vrai corps d’animaux.

Il utilise une nouvelle technique les grisailles.


Miguel Barceló El cabron 2022 huile sur toile 235 x 285 cm musée Guggenheim Bilbao
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Avec ses reliefs réhaussés de blanc, elle semble en bien meilleur état que les animaux desséchés en Afrique !

Ron Mueck sculpteur hyperréaliste expose sous le titre sobre de « Still Life » (2009) un poulet mort surdimensionné d’un réalisme troublant.


Ron Mueck, Still Life 2009 technique mixte 215 x 89 x 50 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir échelle de l’oeuvre.

4 – Des poissons et des fruits de mer

Eux aussi ils font partie des choses simples prisées à Pompéi au tout début de notre ère « mosaïque avec poissons et oiseaux« . Les crustacés figurent aussi en bonne place sur les riches tables flamandes au 17e siècle :

Pieter Claesz, « nature morte » (1625).


Pieter Claesz, nature morte 1625 215 x 89 x 50 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

En même temps pour ses contemporains, les huîtres renvoient symboliquement au plaisir des sens, et le homard est une allusion à la résurrection du Christ… Opulence de la table et sous entendu chrétien.

Willem Ormea, « nature morte aux poissons et à la mer orageuse » (1634).


Willem Ormea, nature morte aux poissons et à la mer orageuse, 1634 huile sur toile 63,5 x 78 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Mise en scène très différente. Il a peint de nombreuses natures mortes aux poissons sur fond de paysages marins.

Au 18e siècle on a aimé les cabinets de curiosités et les collections de coquillages, de coraux, de toutes les beautés de la nature issues de la mer.

Anne Vallayer-Coster « panache de mer lithophytes et coquillages » (1760).


Anne Vallayer-Coster, panaches de mer, lithophytes et coquilles, 1769 huile sur toile 130 x 97 cm musée du Louvre Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Ce tableau avait été très apprécié au salon de 1771, notamment par Diderot, après que cette femme peintre ait été, en 1777, admise à l’Académie royale de peinture et de sculpture en tant que “peintre de nature morte”. Voir un détail.

Au 18e siècle aussi Chardin, « la raie » (1728).


Jean-Baptiste Siméon Chardin, la raie, 1728 huile sur toile 160 x 130 cm musée du Louvre Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Suspendue à un crochet, elle a une présence inquiétante au centre d’une composition où figure aussi un chat observant les huîtres.

Chaïm Soutine, « nature morte avec une raie » (1928). Le peintre en a donné une version expressionniste, sanglante.

Eugène Delacroix, « nature morte au homard » (1827).


Eugène Delacroix, nature morte au homard 1827 huile sur toile 80 x 112 cm musée du Louvre Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

C’est la seule nature morte connue du peintre. Étrange mélange de reliefs de chasse et de pêche (deux homards cuits au premier plan) qui lui avait été commandé comme décor de salle à manger par un général.

A côté, le tableau de Manet, « l’anguille et rouget (1874) paraît d’une évidente simplicité, de même que « la truite » de Courbet (1873).


Gustave Courbet, la truite 1873 huile sur toile 65,5 x 98,5 cm musée d’Orsay Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Elle a pourtant une connotation plus complexe. Courbet a resserré sa composition sur l’animal expiant pris au piège par l’hameçon, les branchies en sang, et dans une dimension étonnante (98 cm). A sa signature, Courbet avait ajouté “in Vinculis faciebat” (fait dans les liens) car quelques mois après, il est contraint à l’exil, après des mois de prison pour avoir participé à la Commune de Paris et au démantèlement de la colonne Vendôme. (Il a été pris au piège comme la truite). Cette truite a donc un caractère intime et politique.

Suzanne Valadon


Suzanne Valadon nature morte aux poissons 1936 huile sur toile Collection particulière
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

voir également :
– « Nature morte avec hareng » (1936).

Picasso « nature morte avec poisson et poêle » (1936).

Braque « nature morte au poisson » (1936).


Braque nature morte au poisson 1936 huile sur toile 50 x 60 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Pendant l’occupation, Braque a vécu cloîtré et a fait de nombreuses natures mortes avec des poissons noirs, dans un décor de plus en plus sobre (1942-1943).

Bernard Buffet « nature morte au poisson » (1948).


Bernard Buffet nature morte au poisson 1948 huile sur toile 54 x 65 cm Collection particulière
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Marcel Broodthaers « casserole de moules fermées et casserole de moules ouvertes » (1964).


Marcel Broodthaers, casserole de moules fermées…et ouvertes, 1964
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

L’artiste belge, poète, photographe, guide de musée, gardien de nuit et surtout un esprit libre et plein d’humour. Il a décidé à 40 ans « d’entrer dans le moule » en prenant la profession d’artiste. Ceci est l’une de ses premières œuvres, et bien sûr elle évoque le plat national belge il écrit : “La moule, cette roublarde a évité le moule de la société, elle s’est coulée dans le sien propre”.

Une photo d’Irving Penn, « nature morte avec saumon, tofu et figue » (1994).

Miguel Barceló « boîte de sardines » (1986).


Miguel Barceló boîte de sardines 1986 huile et technique mixte sur toile 130.4 x 195 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

beaucoup plus fluide « pieuvre » (2014).


Miguel Barceló grisaille à l’espadon 2021, huile sur toile, 235 x 285 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

… et, en 2022, dans la grande série de natures mortes exposées cet hiver dans la galerie Thaddeus Ropac à Pantin et intitulée “grisaille”, l’artiste revient sur l’ancienne tradition des tables servies avec des amoncellement de victuailles, dont des poissons, coquillages, poulpe et toujours le chien sous la table “grisaille à l’espadon”.

5 – Du pain

Fresque d’Herculanum « pain et figue et la boutique du boulanger« .

Piéter Claesz « nature morte à la salière » (1640).


Piéter Claesz nature morte à la salière 1640 huile sur bois 52,8 x 44 cm Rijksmuseum Amsterdam
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Symboliquement le pain renvoie l’Eucharistie, le sel à la sagesse, et c’est aussi une protection contre le mal.

Sébastien Stoskopff (peintre alsacien) « nature morte avec pain, coupe et bouteille » (1640).


Sébastien Stosskopff, nature morte avec pain, coupe et bouteille, 1640 Huile sur bois, 42,3 x 55,2 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Au 18e siècle Luis Meléndez est le plus grand peintre espagnol de nature morte. « nature morte avec prunes, pain et figues » (1765).


Luis Meléndez, nature morte avec pain et figues, 1770 huile sur toile 37 x 49 cm musée du Louvre Paris
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir également :
– « Nature morte avec prunes, pain et figues« , (1765).
Il excelle dans le rendu des matières, exalté par un éclairage latéral.

Cézanne, « du pain et des œufs » (1865), une œuvre de jeunesse.

Albert Anker, a peint de nombreuses natures mortes, dont « nature morte avec pain, vin et noix » (1870).

Au 20e siècle Salvador Dali accorde au pain un intérêt tout particulier il peint la « corbeille de pain » (1926) qui est traitée avec un réalisme virtuose.


Salvador Dali, pain anthropomorphe, 1932 huile sur toile 24 x 33 cm The Dali Museum, St. Petersburg, Floride
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

En le 1932 pain anthropomorphe fait l’objet d’un délire à caractère surréaliste très sexé. Le “buste de femme rétrospectif” en 1933, est une Marianne maquillée avec des fourmis sur le front, la baguette de pain sur la tête surmontée de l’Angélus de millet, et deux épis de maïs autour du cou.
En 1945 la corbeille de pain, est à nouveau très réaliste, avec un effet de basculement sur bord de la table, mais en 1946 « nature morte eucharistique » …


Salvador Dali, Nature morte eucharistique, 1946 huile sur toile 54.6 x 87 cm The Dali Museum, St. Petersburg, Floride
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

… renvoie à la symbolique chrétienne, (pain, poissons) associée aux récentes obsessions mathématiques du peintre.
Voir également :
– « La croix nucléaire » (1952) avec en son centre une tranche de pain.
Dali est photographié avec un pain en guise de chapeau, et à l’occasion d’une exposition de son travail à Paris, il avait fait fabriquer une baguette géante.

Braque, « nature morte avec pain » (1937).


Georges Braque, nature morte avec pain 1937 huile sur toile 54,2 x 65,3 cm
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Années 60 Claes Oldenburg un hamburger géant et mou 1967,


Claes Oldenburg, Floor Burger, 1971 toile remplie de mousse de caoutchouc et de boîtes en carton, peinture acrylique,
132,1 x 213,4 x 213,4 cm, Toronto, Collection Art Gallery of Ontario.

(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

… pour montrer les nouvelles tendances alimentaires dans nos sociétés modernes.

En 1967 Erik Dietman écrit avec des pains le mot « pain », qui pour les anglophones signifie « douleur ».


Erik Dietman, Douleur, 1967
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

En 2008 Isabelle Tournoud, artiste de l’Arte Povera, expose une cabane entièrement réalisée avec des pains sous le titre “faut pas jouer avec la nourriture” dans l’église de Melle.

Jean-Paul Gaultier avait exposé à la Fondation Cartier toute une collection de robes réalisées en pains et biscuits.


Jean Paul Gaultier
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir également, d’autres modèles.

Jan Copp en 2011 présente « la courbe de la ritournelle« , qui est une grande installation de pains que l’artiste, d’origine allemande, a exposé à l’abbaye de Maubuisson transformée en lieu d’art, pour évoquer, avec 2 700 baguettes, le sens non rectiligne de la vie.

Voir : Le pain dans l’art contemporain.

6 – Des fruits et des légumes

Fresque d’Herculanum, rameau de pêche et carafe.

Mu Qi six kakis 13e siècle célèbre encre sur papier dessinée par un moine chinois, avec une présentation presque musicale, comme des notes dans le silence du blanc.


Mu Qi, six kakis, XIII°siècle Japon
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir un commentaire.

Rien de commun avec la truculente scène de cuisine de “scène de cuisine avec Jésus dans la maison de Marthe et Marie à l’arrière-plan” de l’artiste flamand Joachim Bueckelaer (1569), dans laquelle Marthe est présentée comme aussi appétissante que les produits qu’elle manipule, alors que Marie se nourrit de nourritures spirituelles.


Joachim Bueckelaer, scène de cuisine avec Jésus dans la maison de Marthe et Marie à l’arrière-plan, 1569 huile sur chêne 113 x 163 cm Rijksmuseum, Amsterdam
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir un commentaire.

Le Caravage, « corbeille de fruits » (1594).

Balthasar van der Ast « fruits et coquillages » (1623).


Balthazar van der Ast, fruits et coquillages, 1623 huile sur toile 37 x 65 cm musée des beaux arts de Lille
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

C’est une vanité déguisée en table appétissante puisque la présence de mouches, de vers, le scarabées qui suggèrent la corruption de la matière, et l’inexorable fuite du temps.
Voir un commentaire.

Beaucoup de femmes se sont illustrées au 17e siècle dans le thème de nature morte aux fruits.
Fede Galizia l’italienne, « nature morte à la coupe de fruits » (1612).
Clara Peeters l’anversoise « nature morte » (1613).
– La Parisienne Louise Moillon, peinture lisse et précise, « coupe de cerises, amandes et melon », (1633).
François Garnier, peintre proche des calvinistes, « nature morte aux cerises dans un panier d’osier et une porcelaine de Chine », (1630) peinture très sobre.

En opposition, Jan Davidszoon de Heem, réalise un “festin de fruits et de fleurs” (1660) qui est suspendu à un anneau par un nœud de ruban bleu.


Jan Davidszoon de Heem, festin de fruits et de fleurs, 1660 huile sur toile 74 x 60 cm Rijksmuseum, Amsterdam
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Les détails révèlent de haut en bas la présence d’insectes, papillons, d’escargot, et tout en bas des chenilles qui s’apprêtent à se régaler de ce festin et à le détruire.

De façon très originale Frans Snyders, peintre d’Anvers, a peint “nature morte aux légumes” en 1610 en grand format, en mettant au premier plan une accumulation sensuelle et riche de légumes, reléguant à l’arrière-plan (à droite en haut) la scène où l’on voit les paysans les récolter.


Frans Snyders, nature morte aux légumes 1610 huile sur toile 144 x 157 cm Staatliche Kunsthalle Karlsruhe
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Les agriculteurs sont réduits à la portion congrue, la marchandise triomphe, dominant tout, jusqu’à celui ou celle qui la produisent.

Autre présentation très originale Juan Sánchez Cotán “fenêtre, fruits et légumes” (1602). Peintre originaire de Tolède, à l’opposé des natures mortes opulentes des peintres du Nord, Cotán construit l’espace pictural avec des éléments posés sur un linteau de pierre et d’autres suspendus par des ficelles devant un fond noir. Chaque légume est sculpté par la lumière.


Juan Sánchez Cotán, fenêtre, fruits et légumes 1602 huile sur toile 67 x 97,4 cm collection Abellỏ, Madrid
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Voir d’autres natures mortes de Juan Sánchez Cotán.

Adriaen Coorte, peintre hollandais connu pour la sobriété de ses oeuvres, a peint “nature morte aux asperges” en 1697, avec un beau traitement de clair-obscur.


Adriaen Coorte, nature morte aux asperges 1697 huile sur papier 25 x 20,5 cm Rijksmuseum, Amsterdam
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

A l’opposé, au 18e siècle, François Desportes qui reçoit des commandes pour le palais royal théâtralise la mise en scène de ses natures mortes avec des effets de symétrie et des velours rouges “nature morte au sur ton garni de fruits”, avec des objets précieux “nature morte à l’aiguière” (et des animaux) (1730).


François Desportes, nature morte au surtout garni de fruits 1728 huile sur toile 94,5 x 79 cm château de Villeprévost (Eure et Loire)
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

avec des éléments d’architecture et des animaux exotiques “nature morte au paon” (1714) et un échafaudage de richesses “nature morte à l’orfèvrerie” (1740).

Alors que l’espagnol Luis Egidio Meléndez, “nature morte avec pastèque et pomme dans un paysage” (1771).


Luis Egidio Melendez, nature morte avec pastèques et pommes dans un paysage, 1771 huile sur toile 63 x 84 cm musée du Prado Madrid
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Il installe ses pastèques devant un paysage avec un ciel d’été orageux, avec une composition en diagonale. Cette peinture était destinée au cabinet d’histoire naturelle de Charles de Bourbon dans son palais à Madrid.

Chardinle panier de fraises des bois” (1761), plus simple et plus sensible, qui s’est vendu aux enchères en mars 2022 à 24,3 millions d’euros !

Odilon Redon, « navet » (1875).