Art et nature (saison 1)
Longtemps présente dans l’art occidental sous forme de peinture de paysage, la nature s’était quelque peu absentée des préoccupations des avant-gardes. Elle a fait un retour spectaculaire dans les années 70, sous des formes différentes : le Land Art se manifeste dans le paysage et nombre d’interventions artistiques prennent la nature, à la fois comme support et comme matériau. La peinture aussi se confronte de nouveau à la nature, à la terre, à la forêt, aux rochers, au jardin…
L’histoire de l’art étant intimement liée à l’histoire des idées, notre rapport à la nature est passé en un siècle de la contemplation romantique à l’inquiétude vigilante. La conscience nouvelle de la fragilité des beautés naturelles qui nous entourent, et de leur possible disparition, trouve un écho dans les pratiques artistiques les plus récentes.
Intervenante : Agnès Ghenassia
C’est un thème transversal à toute l’histoire de l’art, actualisé par les récentes expositions : en 2007 le jardin infini de Giverny à l’Amazonie (au Centre Pompidou de Metz), jardins (au grand palais) en 2017, et cet automne nous les arbres (à la Fondation Cartier) et bien d’autres comme le rêveur de la forêt (au musée Zadkine). Ceci est aussi actualisé par la prise de conscience actuelle de la fragilité de notre environnement naturel, et de sa vulnérabilité. Ce thème, et les questions qui en découlent, sont si riches qu’il convient de le traiter en deux fois pour n’être ni superficiel, ni dans un effet catalogue trop important. Il semble nécessaire de balayer largement le champ de l’histoire de l’art, pour mieux comprendre les grandes familles de sensibilité et d’approches de la nature par les artistes.
Le Jardin de Nebamon, Egypte, 1350 av. JC mur peint 61 x 74 cm Britsh museum
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Dans cette peinture murale égyptienne conservé au British Museum de Londres, il s’agit du jardin du scribe au service du pharaon avec une grande variété d’arbres entourant un bassin et ses poissons. On y trouve des sycomores des palmiers dattiers des figuiers.
Dans la Rome antique le jardin de la Villa Livia est une fresque peinte dans une grotte sous la villa de Diva Iulia, l’épouse de l’empereur Auguste. Ce jardin idéal était peint tout autour sur les parois. On y trouve, des arbres, des buissons, des oiseaux, des fleurs…
Au Moyen-Age la peinture est au service de la religion chrétienne, et longtemps les fonds d’or sont l’unique environnement des personnages. C’est Giotto, qui le premier situe l’action dans les décors naturels, en même temps qu’il humanise les figures.
Par exemple Joachim parmi les bergers (1304 -1306), qui fait partie des figures de la chapelle Scrovegni à Padoue montre les personnages devant un paysage assez schématique : rochers, arbres, ciel bleu, chien moutons.
Pendant le XVe siècle de nombreuses scènes montrent la Vierge et l’Enfant dans le jardin de Paradis : un jardin luxuriant idéalisé.
Le jardin de Paradis (1418) peinture sur bois 25,6 x 32,8 cm Städelsches Kunstinstitut de Francfort
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Exemple le jardin de Paradis (1418) du musée Städel de Francfort et dont l’auteur est inconnu. La Vierge lit et l’enfant joue devant elle, sur l’herbe et on reconnaît en bas du muguet.
Les maîtres flamands sont reconnus pour leur maîtrise du détail, et leur souci du réalisme. Lorsqu’en 1435 Van Eyck peint la Vierge du chancelier Rolin au Louvre il répond aux attentes du commanditaire de chancelier du duc de Bourgogne Philippe Le Bon.
Jan van Eyck – La Vierge du chancelier Rolin, (1435) 66 x 62 cm Huile sur toile montée sur panneau de bois Musée du Louvre
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La scène se situe dans le palais du chancelier : face-à-face Rolin le profane, et la Vierge sacrée. A l’arrière plan, un paysage qui n’est pas imaginaire : il montre les richesses de la Bourgogne, des vignobles une flotte pour le commerce fluvial.
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Léonard de Vinci – La Vierge aux rochers, (1483-1486) Huile sur panneau de bois 199 x 122 cm Musée du Louvre
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Par contre quand Léonard de Vinci peint la Vierge aux Rochers en 1485, il met à l’arrière-plan un paysage originel, mêlant les rochers, l’eau, le ciel, un paysage intemporel (que l’on retrouve aussi derrière la Joconde).
Albrecht Dürer passionné comme Léonard par l’observation du réel peint la petite touffe d’herbe et la grande touffe herbe.
On ne parle pour l’instant que d’arrière-plan paysager. On commence à parler d’art du paysage au XVIe siècle, quand les artistes accordent au paysage la place principale, même lorsque le sujet est religieux ou mythologique.
Pieter Bruegel – Paysage avec la fuite en Egypte, (1563) huile sur toile 37 × 55,5 cm Institut Courtauld, Londres
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Ainsi Bruegel, dans paysage avec la fuite en Égypte, situe cette scène biblique, la Sainte Famille avec un âne fuyant la cruauté du roi Hérode, dans un paysage superbe mais qui n’a rien de Méditerranéen.
Il est aussi le premier à avoir traité le thème des saisons avec pour chacune d’elles les activités humaines, voir les chasseurs dans la neige (1565), la moisson (1565).
Au XVIIe siècle les peintres hollandais et flamands, décrivent des paysages à partir de nombreux croquis pris sur le vif. Le paysage désormais montre l’image d’un moment, dans une lumière donnée.
Rembrandt – Le Moulin (1648) huile sur toile 105,5 × 87,5 cm National Gallery of Art de Washington
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Rembrandt Le Moulin (1648), très clair-obscur. Vermeer vue de Delft (1660). Tous les deux attachent beaucoup d’importance à traduire la lumière.
Les deux grands paysagistes français du XVIIe vivent à Rome. Eux aussi élaborent leur toile dans l’atelier, après des croquis réalisés en extérieur. Mais ils sont très différents. Nicolas Poussin l’érudit, construit intellectuellement son paysage, en rapport avec le thème biblique ou mythologique qui en est le sujet.
Nicolas Poussin – Paysage avec Orion aveugle (1658) huile sur toile 119,1 x 182,9 cm MoMA New York
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Ainsi paysage avec Orion aveugle, montre le géant Orion (immense par rapport aux autres personnages) guidé par Cédalion, perché sur ses épaules, qui se dirige vers le ciel et la lumière, pour demander de l’aide à Hélios pour qu’on lui rendre la vue. (Orion avait tenté, ivre, de violer la jeune princesse de Chios et son père lui avait crevé les yeux). Ici Diane flotte dans le ciel, annonçant qu’elle tuera Orion et l’enverra parmi les étoiles.
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Nicolas Poussin – Paysage orageux avec Pyrame et Thisbé (1651) huile sur toile 192 x 273 cm Städel, Francfort-sur-le-Main
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Paysage orageux avec Pyrame et Thisbé (1651). Dans les Métamorphoses d’Ovide, il s’agit de deux amants dont les pères refusaient l’union. Ils ont fui, se donnent rendez-vous la nuit, près du tombeau de Nînus sous un arbre. Thisbé se rend au lieu de rendez-vous la tête couverte d’un voile. Mais, une lionne, la gueule ensanglantée s’approche d’elle. Thisbé prend peur, et laisse tomber son voile dans sa fuite. La lionne le trouve et le couvre de sang. Pyrame arrive et croit à la mort du Thisbé. Il se tue se croyant responsable de sa mort. Thisbé revient sur ses pas et découvre son amant gisant sur la terre. Elle se tue à son tour. Chez Poussin, le paysage accompagne la tragédie : l’orage gronde sur un lac paisible. Au premier plan Thisbé découvre le corps de Pyrame.