1999 « My América » une performance intitulée « difficile de s’intégrer » au musée d’art asiatique de Seattle.
Il fait exécuter à 56 performers volontaires nus des mouvements de Tai-chi-chuang, des postures de méditation, puis, dans le final, il apparaît au centre, assis au milieu de morceaux de pain qui sont tombés du ciel comme une manne. (en relation avec un souvenir personnel voir le site de l’artiste).
Le centre Pompidou possède une série de photos intitulées Family tree et qui date de 2000. 9 photographies couleur de 132 x 106 cm chacune. C’est 9 fois le visage grave de l’artiste, plein cadre, qui se recouvre progressivement de calligraphies au point de rendre sa tête complètement noire, comme une perte d’identité. Ces caractères racontent sa vie, son histoire, journal intime associé à des proverbes chinois populaires (par exemple, au milieu de son front « Le fou déplace la montagne » qui parle de la possibilité de réussir ce à quoi on tient vraiment.
L’artiste avait invité trois calligraphes à écrire sur son visage ce qu’il leur dictait. Le résultat, qui abouti à un visage noir, évoque deux idées :
– La première est l’idée qu’à ce moment de sa vie, il se sent plombé, écrasé par un passé aussi lourd qui pèse sur lui.
– La seconde idée est que si notre identité se résume à notre seul déterminisme (culturel, familial) elle ne peut s’épanouir, elle abouti à un être sans personnalité.
Toutes ces performances le font apparaître sur le mode stoïque exerçant sa force mentale, son endurance spirituelle.
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Peace 1 2001 c’est un moulage en bronze d’une cloche et le moulage en bronze du corps de l’artiste. L’ensemble mesure 335 x 366 x 244 cm. Le corps se balance pour venir de temps à autre heurter la cloche, sur la quelle sont inscrits les noms des personnes du village dans lequel il a grandi. C’est un peu la généalogie de la famille, et venir cogner contre ces noms, c’est communiquer avec ses ancêtres. Dans les anciens temples chinois, les cloches évoquent les morts qui apportent aux vivants la paix spirituelle. Cette pièce a été réinstallée, il y a quelques années, à Florence, disposée verticalement.
On le voit pendant ces années aux Etats-Unis, Zhang Huan concevait la plupart de ses œuvres en lien avec des souvenirs ou des émotions personnelles.
En 2006, l’artiste est retourné vivre en Chine, où à 2 h de Shanghai, il a installé un immense atelier usine dans lequel il emploie 200 artisans.
Son matériau préféré désormais, se sont les cendres de bâtons d’encens récupérés dans les temples. Car il est devenu bouddhiste. Avec ces cendres, il réalise de « grandes peintures » et des sculptures.
« Les cendres symbolisent l’avenir, l’espoir puisque la mort pour un bouddhiste c’est la renaissance. C’est tourner l’humanité vers son avenir en rendant hommage au passé. Reconstruire à travers les cendres est un travail de mémoire. »
Great leaps Forward (Grand pas en avant) 2007 (286 x 1080 cm) reconstitue l’image de laboureurs en train de travailler à la construction du grand canal (le contexte se sont les grandes réformes adoptées par Mao entre 1958–60, qui avaient occasionné l’une des plus grandes famines du pays.
National Day (2009) (286 x 1080 cm) représente la place Tian’anmen, lors de la cérémonie des dix ans de la déclaration de la République Populaire de Chine par Mao Zedong.
Ces deux grandes peintures de cendre qui renvoient à la mémoire collective des chinois sont absolument illisibles de près et ne prennent forme qu’à distance.
Avec ces cendres, il réalise également des portraits sculptés (dont la structure est en métal).
Ash Army, un soldat.
Sudden Awakening 2006 (cendre et acier 70 x 78 x 100 cm) s’inspire du visage de l’artiste pour reproduire une tête de Bouddha aux yeux fermés, incarnation de la sagesse.
Long Island Bouddha 2010-2011 (cuivre 178 x 277 x 177 cm), reproduit une immense tête de Bouddha en cuivre, posée sur le sol avec des soudures visibles et des parties plus ou moins oxydées. Elle lui a été inspirée par un voyage au Tibet qu’il a fait en 2005, et au cours duquel il avait collecté des fragments de statues bouddhiques endommagées et détruites sous le régie maoïste.
Par ailleurs, depuis 2008, il a entrepris la réalisation d’une série de géants (en bois et polystyrène) structures fragiles, immenses recouvertes de peaux de vache, qu’il appelle les héros 1, héros 2, héros … et que s’arrachent les collectionneurs.
Le documentaire, la ruée vers l’art d’il y a deux ans, nous a permis de visiter l’atelier / usine et d’entendre l’artiste expliquer que comme son travail intéressait autant François Pinault que Bernard Arnault, il réalisait maintenant les pièces en deux exemplaires…
Voir Conversation avec Zhang Huan
Il y a aussi en 2011, un Ash Jesus qu’il a installé en face d’un Ash Bouddha en disant : « Je pense que ces deux là ont des choses à se dire… », et en 2011 un monumental Confucius qui ressemble à une sculpture de Ron Mueck.
Voir le site de l’artiste.
Zhang Hongtu (1943)
Zhang Hongtu est né en 1943 en Chine. Il vit à New York depuis 1983. Son père était un érudit islamique qui avait créé en Chine des écoles arabes, avant d’être persécuté d’abord, au milieu des années 50, puis pendant les révolution culturelle.
Il a étudié à l’académie d’artisanat de Pékin, où il a été « formaté » par les jeunesses communistes.
Depuis 1983, il expose à New York, où il a la liberté de critiquer, avec beaucoup d’humour, les autorités chinoises.
L’oeuvre qui l’a fait connaître en 1989, c’est :
Last banquet huile et collage sur toile, 3 fois 152 x 142. Une cène sur le modèle de celle de Léonard de Vinci à Milan dans laquelle le Christ est Mao, et les apôtres les gardes rouges qui l’entourent. C’est une parodie de conférence de presse, Mao a devant lui des micros, chacun a un bol de riz et des baguettes, il y a même un crachoir sous la table ! Derrière eux le paysage de Léonard est remplacé par trois rouleaux figurant la grande muraille, et tout le mur du fond est tapissé par des pages du petit livre rouge que « Judas » tient dans sa main droite… tout en reversant son bol de riz avec son coude.
D’une façon générale la figure de Mao obsède l’artiste qui le traite avec irrévérence comme s’il éprouvait le besoin d’exorciser cette présence obsédante.
Il retravaille en peinture à partir de sérigraphies de portraits officiels. Mao avec des couettes, Mao avec un bandeau sportif taché de sang, Mao revu par Picasso et par Lichtenstein… , d’autres Mao ….
Il a détourné des canettes du commerce avec la tête de Mao, on retrouve sa silhouette en creux dans le gazon, ou dans les tableaux faits de collage de pages du petit livre rouge, teintées à la sauce soja.
Il a créé un jeu, ping-pong Mao dans lequel le premier qui envoie la balle dans la tête de Mao a perdu…
Par ailleurs, il imagine en sculpture des objets de consommation courante aux USA dans une version sinisée, Mac Donald’s Cast (2002), bronze
(Kekou-Kele) Six packs of Coca Cola céramique peinte.
Et un set complet de figures du zodiaque de la dynastie Tang (2002).
Il est à l’origine, avec ce type de travail, du courant appelé Pop politique par les historiens d’art chinois.
En 2008, Bird’s Nest, en représentant façon cubisme analytique, le stade national de Pékin (appelé nid d’oiseau). Cette peinture était destinée, à une exposition à l’ambassade d’Allemagne en Chine pendant les jeux olympiques de Pékin. Elle fut saisie par la douane chinoise en juillet 2008. Sur la toile, il avait écrit en chinois : « flamme olympique sacrée, un monde un rêve, famille joie, bonheur« , mais aussi 8 répété en anglais et en anglais « Tibet et human right« .
Le rapport de douane dit « inacceptable : représentation du stade assez bonne, couleur trop sombre.« .
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Cet artiste reprend aussi en peinture le style de Van Gogh, de Manet, de Cézanne sur des supports qui renvoient à la tradition du paysage chinois.
Plus récemment il a peint à la sauce soja, une annonce d’offre d’emploi sous la forme d’une calligraphie traditionnelle.
Yan Pei Ming (1960). Il est né en 1960 à Shanghai, vit en France à Dijon et travaille à Ivry dans un immense atelier (ancienne usine de 2500 m2).
Il est issu d’une famille ouvrière, et dès l’âge de 15 ans, il réalise des portraits de propagande. Arrivé en France en 1980 (à 20 ans), il a étudié aux beaux arts de Dijon, puis à l’institut des hautes études en arts plastiques à Paris. En 1993, il a obtenu le prix de Rome en peinture, ce qui lui a permis de séjourner un an à la villa Médicis, et là il a conçu le projet intitulé 108 brigands
108 brigands au bord de l’eau. L’oeuvre évoque le roman épique chinois « Au bord de l’eau = Shui hu zhuan », qui conte les aventures de 108 brigands et de leur chef Song Jiang, au début du XIIe siècle, il s’agissait de 208 chevaliers luttant contre la corruption. Yan Pei-Ming, lui a fait les portraits de 108 hommes de son entourage à Rome, des artistes, des jardiniers.
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Il est avant tout portraitiste. Il travaille avec de très grosses brosses, de manière violente et énergique « comme si je faisais la guerre » dit-il. Le plus souvent en noir, gris, blanc, à partir de photographies, avec des couches épaisses, des effets de dripping parfois. Son procédé consiste d’abord à défigurer puis à redonner vie en troublant la netteté de l’image.
Virtuose, il travaille vite, il fait un portrait en quelques heures.
Il s’est d’abord fait connaître par des portraits de Mao, voir un autre portrait. « J’ai commencé ma carrière en faisant de la propagande pour Mao, puis l’image de Mao a fait de la propagande pour moi. »
En 2000, un de ses Mao rouge a fait envoler sa cote chez Sotheby à New York 1,4 millions de dollars.
A la même époque (1996), il confronte ses grands portraits de Mao avec ceux intitulés l’homme le plus puissant, il s’agit de son père, et ceux de son oncle aveugle. L’histoire familiale érigée au format du tout puissant Mao…
Puis Yan Pei Ming est devenu le portraitiste de tous les gens célèbres, luttant avec les moyens de la peinture à concurrencer les images modernes, plates et neutres.
Sans ordre chronologique : Picasso, Bruce Lee, Isabelle Hupper, Barak Obama, le prince Charles, Coluche,le pape Jean Paul II, Bouddha etc.
Il réalise également de nombreux auto portraits, dont l’un en triptyque est intitulé « Nom d’un chien, jour imparfait » (2012) où il est comme crucifié.
Voir interview de Yan Pei-Ming
Yan Pei-Ming – Les funérailles de Mona Lisa, (2009) musée du Louvre
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Lorsqu’il a été invité à exposer au musée du Louvre, pour se confronter à la Joconde, il a intitulé son travail les funérailles de Mona Lisa. Grand polyptyque de cinq toiles.
La repro monochrome surdimensionnée de Mona Lisa était entourée, de part et d’autre, par de grands paysages brumeux ponctués, au sol, de crânes (réalisés à partir d’un scanner de son propre crâne). Et sur les côtés, sur deux murs latéraux, un portrait de son père (décédé mais les yeux ouverts) pour qu’il puisse voir et être fier de son fils. » Au centre on s’aperçoit que seule la Joconde semble vivante, mais elle pleure.
A côté de ses portraits de célébrité, l’autre thème de son travail, c’est la mort, la guerre le corps de Khadafi 2011 diptyque Helps 2011 et l’actualité lui fournit des images sans cesse renouvelées.
Yan Pei-Ming | « HELP! » | Galerie Thaddaeus Ropac | Paris | 2013
Quartier chinois Saïgon. Ces peintures figuraient dans l’exposition du Louvre Lens, « Les désastres de la guerre » en 2014. L’histoire de l’art lui fournit des images : La mort de Marat, le très de mayo de Goya …
Depuis 2006, il renouvelle son langage en réalisant de grandes aquarelles, elles aussi virtuoses, dans lesquelles on retrouve la même part laissée au hasard de l’eau et la même part de maîtrise, avec les portraits de Serge Gainsbourg, Bernard Madoff, des autoportraits.
Il est exposé actuellement à la villa Médicis de Rome, et pour cette exposition, il a réinterprété la pape Innocent X de Vélasquez, les peintures du Caravage à St Louis les français, et même les sculptures de la fontaine de Trévi ! Il y a aussi l’attentat contre Jean Paul II … avec toujours la même neutralité émotionnelle.
Nombreux sont aussi les artistes chinois qui ont choisi de continuer à vivre en Chine. Comment s’y prennent-ils pour évoquer des questions qui agitent leur pays sans pour autant choquer les autorités et risquer la censure ?
Zhang Xiaogang (1960), il est né en 1958 à Pékin où il vit et travaille.
Il a grandi à l’époque de la révolution culturelle, et depuis 1993 il est connu pour une série de peintures intitulée Bloodline. A big family. Ce sont des portraits inspirés des photos de famille de l’ère maoïste, aux tons gris dominants, présentant des individus impassibles, en tenue de travail ou en costume. Des fils rouges symbolisent les liens du sang et l’appartenance à ce que Mao appelait « la grande famille chinoise ». De légères variations de lumière qui font des tâches sur leurs visages suggèrent des singularités et l’idée de blessures intérieures.
Par ailleurs, ces portraits de famille évoquent la politique de l’enfant unique (qui seul apparaît violemment coloré)… et parfois, lorsque c’est un garçon, le sexe est violemment affiché, lui aussi.
Bloodline n°3 (13 millions de dollars chez Sotheby’s).
Voir d’autres toiles de la série Bloodline (galerie Saatchy).
En 2003 la peinture My idéal job représente 5 enfants incarnant les différentes carrières auxquels les destinent leurs parents. Leurs têtes sont légèrement surdimensionnées et ils sont nus sous la ceinture. La place centrale est occupée par le soldat, seul point en couleur, ce qui souligne son importance dans la Chine.
A la fondation Vuitton, la peinture a été associée à un groupe sculpté qui porte le même titre, réalisé en 2008 en bronze doré : le groupe représente quatre classes de la société symbolisées par le drapeau chinois : les ouvriers, les paysans, les étudiants, les commerçants (les soldats sont en plus).
Zhang Xiaogang nous parle de familles sous contrôle, d’individus dont les personnalités s’effacent derrière la fonction sociale.
Yue Minjun (1962). Il est né en 1962, il vit et travaille à Pékin. Il dit la même chose, mais il prend le parti d’en rire. Issu d’une famille qui a prospéré dans l’industrie pétrolière, il a étudié la peinture jusqu’en 1989, année des événements tragiques de Tian’anmen. Cette tuerie a provoqué une phase de désillusion totale chez de nombreux jeunes chinois, qui ne croient plus à l’idée que l’art peut jouer un rôle pour transformer le pays. C’est ce qu’un critique chinois appelle le « réalisme cynique ».
On the rostrum of Tian’anmen, (Sur la tribune de Tian’anmen) 1992 montre au premier plan un étudiant qui crie en pointant vers nous un doigt accusateur, pendant que ses amis, étudiants aussi, le regardent en souriant, près de la porte de la cité impériale.
Très vite, le rire va devenir son leitmotiv artistique. Ses personnages en ont les yeux qui se ferment, la bouche démesurément ouverte sur une rangée de dents trop régulières … ils ne regardent rien, mais ils expriment toutes les crispations de la société chinoise. Pour contourner la censure, les artistes qui sont resté en Chine, après 1989 doivent se conformer aux icônes de la propagande en peignent des personnages affichant leur optimisme. C’est ce masque que dénonce Yue Minjun.