Cours du 30 mai 2016

Les artistes chinois (suite)

Sommaire : Cai Guo Qiang, Zhang Huan, Zhang Hongtu, Yan Pei Ming, Zhang Xiaogang, Yue Minjun, Zeng Fanzhi, Wang Jin

Cai Guo-Qiang (1957) est né en Chine en 1957. Il est le fils d’un historien et peintre, il a eu lui aussi une jeunesse marquée par les humiliations de la Révolution culturelle. Il a étudié les arts de la scène à l’école du théâtre de Shanghai de 1981 à 1985. Il a ensuite vécu au Japon entre 1986 et 1995, où il a étudié la pyrotechnique, qui est devenue sa marque de fabrique. Il va utiliser les propriétés de la poudre à canon à des fins artistiques. Au Japon il acquiert déjà une réputation internationale. Depuis 1995, il vit à New York.
L’utilisation de la poudre à canon est liée à la culture chinoise, elle a été inventée au VIIème siècle par alchimiste taoïste (Sun Siniao) qui cherchait à créer un élixir d’immortalité. Lorsque le pouvoir explosif a été découvert, la poudre a été importée en Europe et détournée, pour en faire une arme de destruction.
Cai Guo-Qiang crée des dessins de très grands format en disposant de la poudre à canon sur de grandes feuilles de papier, qui sont parfois recouvertes de pochoirs en carton et lestées avec des pierres.


Cai Guo-Qiang
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Lorsqu’il crée des événements pyrotechniques, il utilise des explosifs plus puissants.
Voir quelques réalisations.

En même temps, il mène un travail de sculpture et réalise des installations un peu dans le même esprit que Huang Yong Ping, car il exploite les éléments de mythologie taoïste pour évoquer la situation du monde contemporain. En 1999, il a remporté le lion d’or de la biennale de Venise avec une installation : La cour de perception des impôts.


Cai Guo-Qiang – Cours de perception des impôts (1999) Biennale de Venise
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A l’origine, cette œuvre avait été réalisée en 1965 par des artistes des beaux arts de Sichuan. Les sculptures, 108 personnages à taille humaine, représentaient, avec le réalisme conforme aux idées du régime, la misère paysanne. L’oeuvre montrait un groupe de pauvres gens accablés de travail cheminant progressivement vers la promesse d’un bonheur à venir. Cette œuvre était devenue l’un des emblèmes du régime, et à ce titre, avait été reproduite à des milliers d’exemplaires à travers toute la Chine.
En 1999 Cai s’empare de cette œuvre populaire et la recrée telle qu’elle en argile. Mais cette fois l’oeuvre est perçue comme représentant l’effondrement des idéologies politiques du XXème siècle. La différence est aussi qu’il expose les sculptures à différents stades de leur fabrication, pour montrer le passage du temps (durant la biennale, lui même et ses assistants les créaient devant le public).
Voir un commentaire.

Dans de nombreuses autres installations, il aime les effets de mouvement, suspendre les choses qui paraissent en apesanteur.


Cai Guo-Qiang – Inopportun stade 1 (2004)
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2004 inopportun stade 1 : 7 voitures blanches suspendues dans les airs sont transpercées de tubes lumineux, comme si ensemble elles montraient les mouvements séquentiels d’une explosion (comme un feu d’artifice). La dernière voiture, la huitième donne l’impression d’avoir atterri au sol intacte, en suggérant l’idée d’un cycle qui peut se répéter à l’infini.
Voir un commentaire.


Cai Guo-iang – Inopportun stade 2 (2004)
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Inopportun stade 2 cette fois se sont neuf tigres qui bondissent en reproduisant le même mouvement que les voitures. Pourtant, ils sont criblés de flèches. Pourquoi des tigres ? Parce qu’ils sont très souvent représentés dans les rouleaux de peinture chinoise traditionnelle et que le père de Cai, lui même a peint de nombreux tigres.

Il souhaite également exprimer son désaccord avec la politique du parti communiste chinois sur le Tibet et son non respect des droits de l’homme. Une vieille légende tibétaine raconte qu’un habitant aurait trouvé le courage de tuer, un tigre qui semait la terreur au village, en s’enivrant.


Cai Guo-Qiang – Reflet, un don de Iwaki (2004)
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La même année 2004, Reflet, un don de Iwaki, c’est un bateau de pêche japonais échoué, comme remonté du fond de l’océan, avec des milliers de fragments de statuettes en porcelaine représentant la déesse bouddhiste Bodhisattva Kuan Yin. Ces statuettes proviennent de Dehua, un lieu de production de céramiques de sa province d’origine en Chine.
Voir l’interview de Cai Guo-Qiang.


Cai Guo-Qiang – Move along, nothing to see here, (2006)
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2006 encore des animaux avec cette fois des crocodiles empaillés montés sur des pieux de bois et transpercés par toute sorte d’objets. Le titre, c’est ce que disent les policiers pour empêcher les gens de s’approcher d’une scène de crime. Les objets qui transpercent l’animal, se sont tout ce que les douaniers confisquent aux voyageurs des aéroports au moment des contrôles.


Cai Guo-Qiang – Head on (2006)
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Mais la plus connue de ses installations, c’est Head on 2006 (« Beauté tragique ») d’abord conçue pour le Guggenheim de Berlin. C’est une meute de 99 loups qui bondissent ensemble pour venir se cogner contre un épais mur de verre. Encore l’idée de l’élan arrêté. On y a vu une allégorie de la condition humaine, héroïque, belle et tragique en même temps. (Les loups sont réalisés à partir d’une structure en métal et des peaux de mouton peintes et remplies de foin).
Dans le contexte de Berlin, certains y ont vu l’évocation de Hitler et de ses troupes, d’autant que l’exposition s’achevait sur une vidéo montrant une maison soufflée par l’explosion de feux d’artifices. Enfin, d’autres commentateurs y ont vu une évocation du mur de Berlin.


Cai Guo-Qiang – Exposition musée Guggenheim (2008)
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2008 deux ans plus tard, l’artiste a droit à une rétrospective au Guggenheim de New York et réinstalle, voitures, loups et les paysans chinois de la biennale de Venise.

Cette année là c’est lui également qui est chargé à Pékin, du spectacle de pyrotechnique de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques.


Cai Guo-Qiang – Héritage (2013)
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Héritage (2013) se sont 99 répliques grandeur nature d’animaux sauvages, autour d’un bassin entouré de sable et avec un mécanisme de goutte à goutte.
« En apparence un rassemblement pacifique de prédateurs et de proies, la ménagerie véhicule une solennité presque révérencieuse, dans une vision utopique chargée d’incertitudes » dit le commissaire chargé de l’exposition (dans une galerie de Brisbane). La scène fait référence aux Laos des îles de la baie de Moreton.
Les animaux sont en polystyrène recouverts de peaux. Le travail lui a été inspiré en voyageant en 2011 au large de la côte de Brisbane. Un environnement vierge qui évoquait une sorte de « dernier paradis », où les malheurs qui affligent les mondes humains et naturels sont encore à venir. Ici les tensions sont imperceptibles : le seul mouvement est celui d’une seule goutte d’eau qui tombe régulièrement du plafond dans le lac en créant une légère perturbation à sa surface. L’idée est que cette convivialité ne durera pas : que se passera-t-il si chacun lève la tête ?
Voir l’interview de Cai Guo-Qiang.

Autre exemple de l’adaptation au lieu de l’exposition en 2011, lorsque Cai Guo-Qiang a été invité à exposer au Qatar. Il a cherché à créer des liens entre son art et la réalité locale. Aussi les qataris ont eu droit tout d’abord à un fabuleux spectacle pyrotechnique,


Cai Guo-Qiang – Spectacle pyrotechnique au Qatar

Puis pénétrant dans le lieu où se tenait l’exposition, ils ont eu la surprise de trouver agrandies démesurément des inscriptions arabes figurant sur des pierres tombales. En effet, dans la ville natale de l’artiste, Quanghou, qui est un port chinois autre fois un des points de départ de la route de la soie, il y avait une petite communauté arabe. Cai a imaginé de rapatrier au Qatar les inscriptions gravées sur les tombes. Elles se trouvent gravées sur des roches posées sur le parvis et dans le hall du musée d’art moderne de Doha. Puis dans une salle, un grand bassin , avec des barques qataris traditionnelles mêlées à un bateau de pêche chinois.


Cai Guo-Qiang – Saraab (2011)
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Ensuite, suspendu au plafond, un chameau dévoré par des faucons (les faucons, sont avec les chevaux, les animaux rois au Qatar).


Cai Guo-Qiang – Saraab (2011)
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Enfin, une immense peinture à la poudre explosive qui s’intitule 99 chevaux ? Le chiffre 99 évoque l’infini pour les chinois, et pour les arabes, il renvoie aux 99 noms de Dieu (par une heureuse coïncidence).

L’exposition s’appelait Saraab (mirage en arabe). Une horde de chevaux au galop se présente en relief (les chevaux sont en résine dorés à la feuille, chacun mesure 24 cm de long) devant une œuvre sur papier gigantesque de 10 m de long sur 6 m de hauteur.

Voir les oeuvres exposées au Qatar.

Cai Guo-Qiang a toujours regardé au delà des frontières, vers les différences culturelles. Son travail cherche à rendre visible – en gardant des liens avec l’esthétique chinoise – la philosophie chinoise, l’artisanat chinois, et les forces invisibles qui façonnent nos vies. Il dit que si beaucoup de ses idées sont violentes, c’est parce qu’il est toujours impressionné depuis sa jeunesse, par la capacité des hommes à infliger des violences à d’autres hommes.

Zhang Huan (1965)

Zhang Huan né en 1965 en Chine. Il a d’abord étudié l’art et enseigné dans son pays, mais très vite, révolté par la répression sanglante de la place Tian’anmen, il démissionne et entreprend des performances à caractère sacrificielles dans lesquelles il utilise son corps comme langage.


Zhang Huan – 12 mètres carrés, (1994)
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12 mètres carrés, (1994). Il se couvre de miel et d’huile de poisson pour offrir son corps aux mouches des latrines publiques de son quartier à Pékin. Puis, il se baigne dans un étang jusqu’à ce qu’elles se détachent.
Zhang a appelé le tout 12 mètres carrés, ce qui est bien sûr la taille des toilettes publiques.
Voir la lettre de Zhang à sa sœur expliquant sa démarche.

Les autorités ne cessent de persécuter la communauté artistique de « l’East village » constituée à Pékin par l’artiste et ses amis. Conditions de vie misérables, descentes de police, insultes dans la presse.


Zhang Huan – 1/2 (Meat + Text), (1998)
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1/2 (Meat + Text), (1998)
Il se couvre de carcasses animales sanguinolentes. L’idée est d’apparaître comme un martyre, pour incarner ses camarades martyrisés par les autorités chinoises.

En 1998 à 33 ans, il part pour les Etats-Unis où il continue son travail de performances.