Cours du 8 décembre 2014

1957, c’est le début de l’époque bleu. Klein avait longtemps cherché une formule permettant de stabiliser les pigments des couleurs sans perdre de l’intensité lumineuse. « Pour moi, les couleurs sont des êtres vivants ». Il a trouvé avec l’aide d’un chimiste parisien Édouard Adam, un dosage à base de d’une solution liquide d’éther et de dérivés du pétrole qui permet de créer un bleu outremer très saturé, lumineux et stable. Désormais, ce bleu devient sa signature, il le fait breveté « IKB » (« International Klein Blue »).
C’est pour cette faculté de nous entraîner au-delà du plan du tableau que Klein choisit le bleu, et aussi parce que c’est en Égypte comme pendant toute la Renaissance, la couleur précieuse par excellence.


Yves Klein – Monochrome bleu (1957)
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Entre 1955 et 1962, Klein a réalisé quelque 194 monochromes, d’une variété de supports, de formats, de textures, mais qu’il réduit à la couleur bleue à partir de 1957.
Klein l’applique au rouleau et presque toujours sur des formats rectangulaires, en hauteur, les angles légèrement arrondis. De plus il accroche ses monochromes en avant du mur (parfois 20 cm en avant) afin de produire un effet d’apesanteur. Ils constituent pour lui matière et esprit, temps et infini.
L’exposition de la galerie Apollinaire à Milan fut un énorme succès.
Puis l’exposition est ensuite présentée à paris à la fois chez Iris Clert (nouvelle galeriste rue des Beaux Arts) et chez Colette Allendy. A l’occasion de cette exposition 1001 ballons bleus ont été suspendus place saint Germain des Prés et lâchés au dessus de paris (sculpture aérostatique).
Chez Colette Allendy, se sont quatre jours plus tard, des sculptures, des environnements, un paravent posé sur un tapis de pigments pur, la sculpture « Pièges bleu pour lignes », des objets peints en bleu.

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Yves Klein – Piège bleu pour lignes (1957)
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À Paris, au printemps, il expose son travail simultanément à la galerie Iris Clert et à la galerie Colette Allendy , l’occasion pour lui de produire sa première manifestation extra-picturale : un carton d’invitation commun aux deux expositions est envoyé, muni d’un timbre bleu ; mille et un ballons bleus title= »Yves Klein – 1001 Ballons (1957) » href= »https://art.moderne.utl13.fr/2014/ykl_ballons.jpg »>sont lâchés pour le vernissage… De plus, à la galerie Colette Allendy , une salle est laissée vide pour manifester l’origine immatérielle de l’art : cette action préfigure l’ »Exposition du Vide » de l’année suivante.


Yves Klein – Globe terrestre (1957) 40,5 x 29,5 x 29 cm
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Après ces expositions parisiennes, c’est à Düsseldorf, où la galerie Schmela ouvre ses portes que Klein expose ses propositions monochromes le 31 mai 1957. Klein y noue de nombreux contacts… et pose sa candidature pour la décoration de l’opéra de Gelsenkirchen.
En juin, juillet, son exposition est à Londres (Galerie One).
A Nice pendant l’été, il rencontre Rotraut Uecker, une jeune artiste allemande qui allait devenir son assistante, et par la suite son épouse.
En 1957, on peut dire qu’il a conquis la scène artistique européenne.

1958 : Il est convaincu que l’idée est plus importante que l’œuvre matérielle.
En janvier il apprends qu’il a été retenu pour la décoration de l’opéra Gelsenkirchen Opera House. Les travaux de construction vont durer 40 mois. Norbert Kricke, Paul Dierkes, Robert Adams, et Jean Tinguely, participent également au projet qui est supervisé par l’architecte Werner Ruhnau.
Au printemps, il se installe à Paris.
Avril: son premier pèlerinage au monastère Sainte Rita de Cascia en Italie.
26 avril: à 23 heures, en présence d’Iris Clert, Yves Klein et le directeur de l’éclairage de la Ville de Paris expérimentent l’éclairage en bleu de l’Obélisque de la Place de la Concorde. L’objectif de Klein était de compléter l’inauguration de sa prochaine exposition chez Iris Clert, qui devrait ouvrir ses portes deux jours plus tard, en éclairant le monument. La permission a finalement été refusé par le préfet.
Réponse Yves Klein au préfet.
Deux jours plus tard s’ouvre chez Iris Clert l’exposition connue sous le nom « Le vide », en réalité intitulée : « La spécialisation de la sensibilité dans l’État matière première en sensibilité picturale stabilisée« .
Jamais au paravent le public n’avait été soumis à une telle remise en cause de ces habitudes visuelles et une tel exigence de participation sensorielle.
A travers cette exposition l’auteur vendit à certains collectionneurs des bons où ils avaient acheté une partie de l’exposition du vide.
La soirée se termine à la Coupole avec des intimes. Il fit un discours dans lequel il salue l’événement de l’ère pneumatique comme un moment historique pour l’art. Klein veut lui donner une dimension politique, comme un rayonnement sur le monde. Il écrit au président Eisenhower dans ce sens : « Mon parti et moi pensons donner au monde entier un modèle aussi important que la révolution française de 1789 »
Notons que les textes qui accompagnaient chez Malévitch le carré blanc sur fond blanc de 1918 étaient un peu de même nature. Dans les deux, il s’agit de dépasser les questions d’art pour aborder une conscience collective.
Un an plus tard, Arman, dans la même galerie proposera son exposition « le plein«  en remplissant les salles jusqu’au plafond avec une accumulation d’objets.

En octobre en travaillant sur le chantier de l’opéra de Gelsenkirchen, il prend conscience des potentialités des éponges imprégnées de pigments bleu.
Pour la décoration de l’opéra, il a mis au point avec Jean Tinguely un procédé pour préparer les éponges avec du polyester. Il a travaillé dans des dimensions inhabituelles pour l’époque il pensait à Giotto à Assise.


Yves Klein – Opéra de Gelsenkirchen (1958)
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Pour l’Opéra de Gelsenkirchen Klein a créé six monochromes bleus pièces monumentales de première importance dans son travail: quatre, dix mètres de haut et deux de sept mètres de long par vingt mètres, destinées aux parois latérales de la salle principale. Les œuvres étaient des reliefs en plâtre armé, recouverts d’éponges naturelles et peints à la bombe dans le bleu IKB (International Klein Blue) .

Le 17 novembre, Vernissage chez Iris Clert d’une exposition en collaboration avec Jean Tinguely, vitesse pure et stabilité monochrome. Les deux artistes y présentent des œuvres réalisées en collaboration : des disques bleus tournant à haute vitesse.

1959 le 3 juin Conférence à la Sorbonne intitule « L’évolution de l’art vers l’immatériel » et « L’architecture de l’air« .
Du 15 juin au 20 juin exposition « bas reliefs dans une forêt d’éponges » chez Iris Clert.

2-5 octobre, première biennale de Paris Restany présente un grand monochrome de Klein, ainsi que des Tinguely. C’est une étape de la formation du groupe des nouveaux réalistes.

18 novembre, il vend sa première zone de sensibilité picturale c’est-à-dire du vide, au prix de vingt grammes d’or fin, l’acquéreur reçoit un certificat de propriété conçu et signé par Yves Klein. Klein jette la poudre d’or et l’acquéreur doit détruire son reçu.

15 décembre, inauguration de l’opéra de Gelsenkirchen.

1960 En janvier exposition à Milan

Le 12 janvier, Yves Klein effectue son premier « Saut dans le vide« , expérience qu’il reconduit plusieurs fois au cours de l’année.
Il publie le 27 novembre un journal.

En février, il présente un monogold frémissant (monochrome recouvert d’or).


Yves Klein – Monogold frémissant (1960)
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En mars, à la Galerie internationale d’art contemporain de Paris, il organise une performance, les Anthropométries de l’époque bleue : tandis que la Symphonie monoton est exécutée devant un public choisi, trois modèles nues s’enduisent de peinture bleue pour déposer l’empreinte de leur corps sur des papiers blancs. Klein invente ainsi la technique des pinceaux humains.


Yves Klein. Anthropométrie de l’époque bleue (1960) black & white

En mai, Klein envoie à l’Institut national de la propriété industrielle la formule de la gomme qui lie les pigments de sa peinture. Il adresse cette formule sous la forme d’une enveloppe Soleau : solution beaucoup moins onéreuse qu’un brevet, il s’agit d’une simple lettre estampillée par l’INPI qui permet de revendiquer la paternité d’une invention. Ainsi naît la légende de l’IKB , l’International Klein Blue .