Des artistes contemporains poursuivent les recherches de Courbet
Sommaire : Duarne Hanson, John de Andrea, Ron Mueck, Kader Attia, Ernest Pignon-Ernest
Plusieurs artistes contemporains poursuivent des recherches dans la même direction que Courbet (avec des moyens différents)
1 – Le réalisme
C’est un terme qui recouvre des pratiques si différentes (voire contradictoires) dans l’art moderne et contemporain qu’il semble préférable de se concentrer sur le réalisme « social » de Courbet, pour commencer.
sculpteur américain né en 1925 et mort en 1996.
C’est le sculpteur « réaliste » le plus connu du XXéme siècle. La technique du moulage en résine de polyester lui permet de représenter la vie quotidienne de la classe moyenne aux États Unis. Faites à partir de matières plastiques, ses œuvres sont toutefois un reflet critique de la société où la médiocrité, la violence et aussi le ridicule l’emportent le plus souvent.
Les visiteurs se trouvent au musée, face à face avec ces personnes et partagent avec elles le même plan de réalité. Pourtant, ces figures isolées, statiques, fatiguées, n’ont pas grand’chose de commun avec les citoyens « cultivés » qui circulent autour d’elles.
Duane Hanson – Supermarket lady, 1970 (fibre de verre, polyester et vêtements)
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Les détails ne mettent pas le modèle à son avantage : en surpoids, la cigarette à la bouche, les bigoudis sur la tête, son collant est filé et ses vêtements sont dépareillés.
Duane Hanson pousse le réalisme jusqu’aux tâches sur la peau : des boutons jusqu’aux bleus qui peuvent laisser penser qu’il s’agit d’une femme battue.
Elle est installée dans l’espace réel du musée, sans socle de présentation : elle est en contact direct avec le spectateur. C’est le cas de toutes les œuvres de Duane Hanson : elles interpellent le spectateur dans la description.
Ce sont de véritables objets et vêtements qui entourent le modèle. Le caddie déborde, rempli d’emballages de produits industriels standard.
Hanson réussit à donner l’illusion de réalité quand il représente ses scènes hyper réalistes de la vie quotidienne américaine, véritable miroir de l’American way of life.
Supermarket Lady illustre parfaitement son temps et la société américaine des années 1960 : la révolution de la consommation de masse : le caddie remplace le panier, les produits sont fabriqués industriellement, l’embonpoint du modèle montre l’opulence de cette société de consommation.
Duane Hanson – Lady with shopping bags (1972). Friedrich Christian Flick Collection, Hamburger Bahnhof, Berlin
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Lucide, critique, humaniste, respectueux de la vie, aucun sujet épineux ne lui échappe.
Droguée (1995)
Ce qui distingue ce travail des figures du musée Grévin (elles aussi hyper-réalistes), c’est la volonté de l’artiste de dresser, sculpture après sculpture, un inventaire social. Tous ses personnages appartiennent à une même catégorie de la société, celle que les médias (le pop art également) ne montrent pas.… Comme Courbet faisait découvrir aux bourgeois de la capitale le quotidien de sa Franche-Conté profonde.
Voir d’autres œuvres de Duane Hanson
né en 1941
Il a poussé plus loin que Hanson le degré d’hyper réalisme obtenu par moulage sur le réel. Mais son questionnement est très différent. Il ne choisit que des jeunes filles au corps parfait, issues de la bonne société, et sa sculpture démontre qu’entre l’idéal (au sens grec) et le réel, il y a toujours une différence, celle du vivant.
Exemple Released (1995) représente une jeune femme superbe, mais des petits plis du ventre, les légères rugosités des coudes ou des genoux (imperceptibles sur l’image, mais visibles devant la sculpture) ou la très légère déformation d’un orteil sont des marques de la vie qu’un sculpteur grec de l’époque classique aurait gommé.
Voir d’autres œuvres de John de Andrea
né en 1958 ,à Melbourne
Fils d’immigré allemands fabricants de jouets, il est d’abord modéliste pour le cinéma et la télévision (genre marionnettes des Guignols). Il travaille ensuite comme sculpteur indépendant depuis 1996. Chez lui, pas de moulage sur le vivant, d’ailleurs l’échelle est systématiquement dénaturalisée (plus grande ou plus petite).
Il part d’une fabrication en argile, puis en fait un moulage en résine de fibre de verre, et termine par un minutieux travail de la surface : pores, poils, pieds calleux, ongles striés …
En effet chacun de ses personnages est introverti, c’est un concentré d’expressions qui nous renvoient toutes à certaines situations de notre vie.
Son boy gigantesque (2001) accroupi à l’entrée de l’arsenal de Venise est impressionnant.
A la fondation cartier à Paris, voir également son wild man, ses deux vieilles dames – à l’air fragile mais aux expressions féroces – son couple partageant le même lit.
Femme anxieuse de 6 m seule dans son lit.
Voir d’autres œuvres de Ron Mueck
2 – Donner à voir ce que l’on ne veut pas voir
né en 1970 en Seine st Denis, français d’origine algérienne, à la fois juive et musulmane, il présentait à la biennale de Lyon de 2005 dont le thème était «l’expérience de la durée», une œuvre intitulée « Les rats volants », c’était une installation destinée à s’auto-détruire pendant la duré de la biennale (de septembre à décembre).
Les rats volant : dans une structure de bois et grillage d’une cours de récréation, 45 enfants réalistes se font grignoter par 150 pigeons. Les enfants sont réalisés en céréales pour oiseaux.
L’artiste dit avoir été inspiré par un souvenir de sa propre enfance à sarcelles. Mais dans ses propos, le spectateur était confronté à trois questionnements :
- La mise en scène de la violence enfantine (de la violence qui peut régner entre les enfants dans une cours de récréation).
- La concrétisation de cette expression courante « quelle volière ! » en présence de cris d’enfants.
- L’idée qu’entre l’art (les sculptures d’enfant) et la vie (les pigeons) … c’est la vie qui l’emporte.
Pourtant les spectateurs ressentent une réelle violence qui les fascinent. Voir ce qu’en dit l’artiste.
L’œuvre a été acquise pour 60 000 € par un collectionneur suisse. Or, à la fin de la biennale, il ne restait que des lambeaux d’enfants. Qu’achète le collectionneur ? L’idée de l’œuvre et l’exclusivité de pouvoir la réactiver en la faisant reconstruire… C’est un des aspects de l’art contemporain.
Voir d’autres œuvres de Kader Attia
Courbet à son époque avait une démarche similaire avec sa toilette de la morte.
3 – L’engagement politique et social
Là encore un choix a été fait parmi une longue liste d’artistes contemporains : « les interventions images » d’Ernest-Pignon-Ernest : collage de dessins sérigraphiés qu’il dédie « à des lieux spécifiques avec la volonté qu’ils s’intègrent à la « peau des murs ».
(Nice 1942)
Il a gardé de mai 68, le geste de coller des images de nuit pour créer un effet de surprise.
Voir son site
Ernest Pignon Ernest 4/6: Le plaisir de coller… par Sinelefilm
Ernest Pignon-Ernest explique sa démarche
– 1971 : la commune
Il colle 1000 sérigraphies de gisants, sur les marches du sacré cœur (cf. le massacre un siècle plus tôt), mais aussi sur les marches du métro Charonne, sur les quais de Seine … partout où la conscience collective garde à paris le souvenir de répressions (au Père la chaise, la Butte aux Cailles). Sérigraphies à même le sol, à piétiner donc avec toute la violence que cela suppose.
– 1974 : Jumelage Nice / Cape Town
La mairie de Nice vient de décider ce jumelage. Des images de noirs humiliés, parqués derrière des grillages, ont été collés en une nuit tout au long du parcours que devait être emprunté le lendemain par les officiels, depuis la mairie de Nice jusqu’au stade. En savoir plus.
– 1975 : Calais 100 ans après la commande faite à Rodin des bourgeois de Calais
La ville est en pleine dépression après des fermetures d’usines, le projet de tunnel sous la manche est abandonné à cette époque. Il fait le lien entre les bourgeois vaincus jadis et les ouvriers résignés d’aujourd’hui. Il colle sur les murs de la ville 1500 exemplaires d’un homme et d’un enfant accablés.
– 1975 : Avortement (Tours, Nice, Paris, Avignon)
C’est l’année des débats parlementaires dans dans les rues des slogans anti-avortement photos de fœtus « l’avortement tue ». Ernest Pignon Ernest retourne le mot d’ordre : des femmes oui, meurent à la suite d’un avortement clandestin. Il dispose ses affiches à l’angle mur/sol et mur/trottoir, pour que la nudité et la pose de la femme ne soit pas agressive.
– 1978 : Rimbaud : 10 ans après mai 1968, les images de l’adolescent poète qui prétendait « changer la vie« .
Il veut habiter poétiquement les murs de Charleville et de Paris, c’est un geste irrationnel sans cible précise.
Sérigraphies imprimées sur du papier journal, chutes de rotatives, qui montrent la vulnérabilité, la pauvreté et la fragilité du support. La disparition est inscrite dans l’image même. Il fallait une dimension suicidaire dans cette quête rimbalienne.
– 1979 : Expulsés
La rénovation, l’assainissement et la modernisation de nombreux quartiers du Paris populaire entraîne des expulsions et des reconstruction (bétonnage) – Belleville, avenue d’Italie, Ménilmontant, gare Montparnasse. Voir l’affiche
– 1981 : Neruda
Au Chili en 1981, Pinochet est encore au pouvoir et perpétue un climat de peur. Des artistes sollicitent la revue d’EPE. Pablo Neruda grandeur nature est placé en sentinelle dans les rues, le visage d’un homme que rien ne ferait céder, le corps recouvert d’un grand poncho. Ici les objectifs sont un un peu différents c’est la référence aux mythes.
– 1983 : Les aborigènes sculptures bio végétales. C’est une œuvre non politique mais poétique. C’est son seul travail tridimensionnel en collaboration avec un ami ingénieur à Cadarache.
– 1988 – 90 – 92 – 95 : Naples Il s’agit d’une œuvre non politique mais culturelle ; mythologies, légendes, religions, la ville est surchargée de références et de signes. La mort, la ville est coincée entre deux volcans, le Vésuve et la Solfatara (conscience permanente du danger), c’est là que Virgile situait les enfers.
En 1988, pour l’homme sortant d’un trou noir, il s’inspire d’une peinture de Luca Giordano, exvoto représentant San Génnaro arrêtant l’épidémie de peste. « Les véritables matériaux poétiques, plastiques, sont le temps et l’espace.
Je vise à troubler l’appréhension des lieux en mélangeant aux sensations qu’ils provoquent aujourd’hui, quelque chose du contexte passé« . (Ernest-Pignon-Ernest)
– 1996 : Derrière la vitre (cabines téléphoniques)
Dans les cabines téléphoniques, qui cristallisent, selon lui, les contradictions de notre époque. Ces vitrines aseptisées, symboles de la communication, n’isolent-elles pas les humains plus qu’elles ne les rassemblent ? Là, depuis peu, il colle des personnages surgis de son imagination, corps appuyés contre les parois de verre ou recroquevillés sous les tablettes, comme flageolant sous le poids du malheur… Des corps expriment la solitude, la lassitude, l’accablement. Le thème de l’enfermement. Des lieux inhospitaliers, des exclus de la grande ville.
– 1997 : Artaud à Ivry Dans la buanderie désaffectée de l’hôpital Charles Foix, où Artaud a été interné. L’affiche.
– 2002 : Soweto – Les ravages du SIDA en Afrique du Sud.
– 2003 : Maurice Audin, militant anti colonialiste torturé à mort par les militaires français en 1957 à Alger, jeune mathématicien partisan de l’indépendance de l’Algérie.
30 sérigraphies.
– 2006 : Parcours Jean Genêt dans les docks de Brest une scène entre agression et désir, violence instinctive (querelle). Pourquoi avoir choisi Brest ? A cause du texte de jean genêt : « Querelle de Brest ».