Le suplice de Dircé
Dircé était la première épouse de Lycos roi de Thèbes, et tous deux avaient fait subir une maltraitance continuelle à Antiope pour la punir d’avoir cédé à Zeus (il l’avait aimé en prenant la forme d’un satyre). Antiope était la belle-sœur de Dircé. Ses deux fils jumeaux, pour venger leur mère, ont tué Lycos et attaché Dircé par les cheveux aux cornes d’un taureau sauvage.

Supplice de Dircé Fresque de Pompéi maison de Ménandre à Pompéi
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Supplice de Dircé Le taureau Farnèse groupe sculpté grec du 2e siècle
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Le Minotaure
Revenons à Minos, fils de Zeus et d’Europe, roi légendaire de Crète, qui a régné en maître sur les Cyclades et donné l’adjectif “minoen” qui désigne à la civilisation préhellénique entre les 3e et 2e millénaire avant Jésus-Christ.
Minos a épousé Pasiphaé, qui lui a donné comme enfant entre autres Ariane et Phèdre. Poséidon, toujours furieux que Minos ne lui ai pas sacrifié son taureau blanc, a inspiré à Pasipahé, l’épouse du roi, un amour passionné pour ce taureau. La reine est allée solliciter Dédale, qui a fabriqué une vache en bois creuse, de manière à ce que Pasiphaé puisse s’y placer et s’accoupler avec le taureau de cette union naquit le Minotaure.

Dédale présente à Pasiphaé la vache qu’il a fabriquée pour elle
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Giulio Romano, Dédale aide Pasiphaé à s’introduire dans la vache 1538 Fresque palais du Té Mantoue
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Minotaure, médaillon antique Musée archéologique national de Madrid
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– Georges Frédéric Watts Le minotaure 1885 huile sur toile 118 x 94 cm Tate Londres. Voir un commentaire.
– Mosaïque gallo-romaine, Thésée et le Minotaure
Le Mythe du Minotaure : Une Tragédie Grecque
Le mythe grec du Minotaure est célèbre pour dissimuler la honte qui s’est abattue sur la famille royale. Pour cacher sa descendance monstrueuse, le roi Minos fait construire par l’ingénieur et architecte Dédale un palais dont il est impossible de sortir : le Labyrinthe. Le Minotaure est enfermé au cœur de cet enchevêtrement de salles et de couloirs.
Au niveau symbolique, le minotaure représente l’homme dominé par ses pulsions instinctives. C’est une figure très connue du bestiaire thérianthropique grec, qui a été reprise dans de très nombreuses œuvres.
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Minos et Égée, roi d’Athènes, sont en guerre, et Égée est vaincu. Minos exige alors que tous les sept ans, Athènes lui livre sept jeunes garçons et sept jeunes filles, destinés à servir de repas au Minotaure. La troisième fois que l’on prépare un contingent de victimes, Thésée, le fils d’Égée, demande à faire partie des jeunes gens sacrifiés. Il espère ainsi venir à bout du monstre. Prêt à s’embarquer sur un navire équipé de voiles noires, il promet à son père, s’il réussit, de revenir avec des voiles blanches.

Gustave Moreau, Les Athéniens livrés au Minotaure (1854) huile sur toile 102.5 x 200 cm musée de Brou
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Cima da Conegliano, Thésée et le Minotaure (1500) tempera sur panneau de bois 38,2 × 30,8 cm musée Musée Poldi-Pezzoli Milan
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Voir d’autres représentations de Thésée et du minotaure.
En sculpture :
– Étienne-Jules Ramey, Thésée et le Minotaure (1826) (dans un style proche du néoclassicisme de David).
– Auguste Rodin, Le Minotaure (1885) (sous deux angles).
En Crète, grâce à l’aide d’Ariane (fille de Minos et de Pasiphaé) et de son fil, Thésée trouve la sortie après avoir vaincu le Minotaure. Mais en mer, il abandonne Ariane sur l’île de Naxos et oublie de changer les voiles du navire. Égée, fou de douleur, se jette dans la mer, qui depuis, porte son nom.
Le Minotaure de Picasso : Un Alter Ego Moderne
Au XXe siècle, Picasso fait revivre le Minotaure, qui entre en résonance avec sa vie privée. En effet, en 1927, il rencontre une jeune fille de 17 ans, Marie-Thérèse, pour laquelle, à 50 ans, il nourrit une véritable passion. Le Minotaure, mi-homme mi-taureau, devient alors son alter ego.
On peut le voir dans Minotaure (1933, fusain, 51 x 34 cm), où il dévisage le spectateur. Dans cette œuvre, il est le Minotaure aimant, double du peintre. Autre exemple, Minotaure caressant du mufle la main d’une dormeuse (1933) : il caresse Marie-Thérèse dans son sommeil, la découvre pour la regarder dormir et, dès que son instinct sexuel est en éveil, il la renverse.
Cette passion amoureuse partagée correspond pour l’artiste à une période de culpabilité, car Olga refuse toute idée de séparation. Le Minotaure Picasso devient alors le Minotaure aveugle qui obtient le secours d’une fillette. C’est d’ailleurs une Marie-Thérèse enfant qui éclaire la violente scène intitulée Minotauromachie (1935). L’année 1935 marque également la naissance de la petite Maya, compliquant davantage sa situation personnelle.

Pablo Picasso Minotaure aveuglé conduit par une fillette, 1934
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Voir également :
– Minotaure amoureux d’une femme-centaure 1933 (MoMA)
En 1936, la culpabilité de Picasso se double de sa souffrance d’exilé face au conflit en Espagne. Le Minotaure devant une grotte porte secours à une jument bleutée, voire morte, pointant vers la droite. Marie-Thérèse disparaît sous un voile, tandis que du fond de la grotte, des mains de femmes l’implorent, peut-être celles d’Olga.

Pablo Picasso Minotaure et jument morte devant une grotte, 1936 encre de chine gouache 50 x 60 cm Paris, musée national Picasso
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Puis, c’est le Minotaure blessé, et la dépouille du Minotaure en costume d’arlequin. On se souvient que l’Arlequin fut le premier alter ego de Picasso, comme en témoigne l’œuvre Minotaure blessé, cheval et personnages (1936).

Pablo Picasso La dépouille du Minotaure en costume d’Arlequin, 1936
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En 1937, le Minotaure Picasso retrouve toute sa vigueur en se penchant sur Dora Maar, illustré par l’œuvre Dora et le Minotaure. Dans Guernica, l’artiste représente l’Espagne avec une tête de taureau.
Voir : Picasso, Dora et le Minotaure, l’érotisme cruel
Pendant les années 40, le taureau, sa tête et son crâne, vont investir les tables et guéridons des natures mortes. Ces têtes désincarnées, réduites à l’état de squelette, sont le reflet des années de guerre. En 1942, Picasso crée la célèbre Tête de taureau, génial assemblage d’une selle en cuir et d’un guidon de vélo, ainsi que des œuvres comme Nature morte à la tête de taureau sur une table, et Nature morte au crâne de bœuf, Nature morte au crâne de taureau.
Après la guerre, pour amuser ses petits-enfants, l’artiste s’est, plusieurs fois, affublé d’une tête de taureau.
Picasso et les 1001 vies du Minotaure
Picasso, l’atelier du Minotaure au Palais Lumière d’Evian 2018
Le Minotaure des Surréalistes La revue : 1933-1939
De 1933 à 1939, Minotaure était le titre de la revue des surréalistes. Elle offrait une tribune à des écrivains et des poètes, et reproduisait des œuvres de peintres et de sculpteurs. Shiva, puis Terrade, en furent les éditeurs.
Le choix de ce titre, emprunté à la mythologie, s’inscrivait dans la logique freudienne des surréalistes, explorant les conflits entre la conscience et l’animalité, la mesure et la monstruosité. Ce titre fut sans doute proposé par Georges Bataille. Tour à tour, chaque peintre était chargé de concevoir la couverture.
Voici quelques-unes des contributions notables pour les couvertures de la revue Minotaure :
André Masson a également réalisé une grande toile intitulée Le Labyrinthe (1938), dans laquelle le labyrinthe appartient au squelette d’un minotaure. Il a créé cette œuvre après un séjour en Espagne.

André Masson Le labyrinthe 1938 Huile sur toile, 120 x 61 cm Musée National d’Art Moderne / Centre Pompidou Paris
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François-Xavier Lalanne le minotaure
Le Culte de Mithra et le Taureau Sacré
En 1930, Georges Bataille a publié un article intitulé Soleil pourri, décrivant une pratique liée au culte du dieu Mithra. Ce culte mithraïque du soleil a donné lieu à une pratique religieuse très répandue : les fidèles se plaçaient nus dans une sorte de fosse recouverte d’un clayonnage de bois, sur lequel un prêtre égorgeait un taureau. Le sang s’écoulait alors sur eux, accompagné du bruit des luttes et des meuglements du taureau. C’était un moyen, selon les croyants, de recueillir moralement les bienfaits du soleil aveuglant. Bien entendu, le taureau lui-même est aussi une image du soleil, mais seulement égorgé.
Qui est le dieu Mithra et quel est son lien avec le soleil et le taureau ?
Le dieu Mithra est originaire des cultures indo-iraniennes de l’âge du bronze. Son culte s’est largement diffusé dans l’Empire Perse, en Anatolie, en Arménie, puis dans les pays méditerranéens, où il était encore pratiqué au début du christianisme. Sa transmission était orale, d’initié à initié.
Mithra, fils du soleil, serait né d’un rocher après le solstice d’hiver, le 25 décembre, quand les jours commencent à s’allonger. Sur l’ordre du soleil, il a égorgé un taureau après l’avoir dompté, et de son sang versé sont nés végétaux et animaux.
Sol est la personnification du Soleil dans la mythologie romaine, correspondant à l’Hélios du monde grec. Il joue un rôle important dans le mythe de Mithra.

Autel à l’effigie de Sol, mithréum de Mundelsheim, fin IIe – début IIIe siècle
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– Mithra, relief, musée du Louvre.
Le dieu Mithra est le plus souvent représenté comme un jeune homme, coiffé d’un bonnet phrygien et avec une cape virevoltante.
Voici quelques exemples de représentations artistiques de Mithra :
– Mirtha immolant le taureau

Le Mystère Mithra, musée archéologique de Francfort-sur-le-Main
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Sculpture, naissance de Mithra, (Thermes de Dioclétien), parfois accompagné du soleil et de la lune.
Relief historié sur la geste de Mithra.
Décor du Mithraeum du Palais Barberini à Rome, représentant la scène de tauroctonie (sacrifice du taureau). Voir un commentaire.
– Fresque du Mithraeum de Marino en Italie.
– Statue en marbre, Musée Archéologique de Venise.
– Mithra, marbre du British Museum à Londres.
– Mithra transpersant un taureau avant sa mise à mort, Musée du Louvre. Cette œuvre du IIe siècle a été acquise par le Louvre de la collection Borghèse.
Les Sanctuaires de Mithra : Les Mithraea
Les sanctuaires dédiés à Mithra, appelés mithraea, étaient fréquemment aménagés dans des cavernes. Seuls les initiés y avaient accès, et ils étaient éclairés uniquement par des torches et des lampes à huile.
De nombreux mithraea ont été découverts :
Le Mithraeum de Doura Europos en Syrie, conservé à la Yale University Art Gallery.
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– Speleum du mithréum de Santa Maria Capoua Vetere (Italie), orné de fresques
– Le Mithraeum de Fertőrákos en Hongrie.
– Un Mithraeum en Suisse, à Martigny.
En tout, on a retrouvé pas moins de 130 lieux mithriaques. De manière étonnante, Ernest Pignon-Ernest a réalisé un Mithra en 1992, en remplaçant la tête du dieu par celle de Picasso.
La Lutte du Christianisme contre les Cultes Païens
Pour s’imposer, le christianisme a dû lutter contre ces cultes païens qui étaient nombreux à Rome, et qui impliquaient souvent le sacrifice d’animaux.
Une fresque au musée d’Héraclion montre des fidèles apportant des offrandes, et une fresque de Pompéi représente un taureau couronné mené au sacrifice. En effet, au début de notre ère, sous l’empereur Claude, les prêtres de la déesse Cybèle ont emprunté à Mithra le sacrifice du taureau et l’utilisation de son sang lors de cérémonies.
Dans une Bible historiale du XVe siècle, conservée à la BNF, les illustrations de Guiard des Moulins évoquent Moïse et le taureau du sacrifice. Il est dit : « Si quelqu’un pèche contre l’un des commandements de Yahvé et commet une de ces actions défendues, si c’est le prêtre consacré par l’onction qui pèche et rend le peuple coupable, qu’il l’offrira à Yahvé pour le péché qu’il a commis.. »
Le sacrifice d’un taureau était également une pratique rituelle présente dans les textes sacrés. Par exemple, dans le Lévitique (chapitre 1 et 4), il est mentionné : « un taureau à titre de sacrifice pour le péché. Il amènera le taureau devant Yahvé à l’entrée de la tente, lui passera la main sur la tête et l’immolera devant Yahvé. »
Une carte illustre la répartition des religions dans l’Empire Romain au IIIe siècle, montrant la coexistence de divers cultes, y compris les religions païennes et le christianisme naissant.
Dans l’iconographie chrétienne, des manuscrits évoquent le martyre de Saint Cernin, parfois appelé Saint Saturnin, le premier évêque de Toulouse au IIIe siècle. Refusant de rendre culte à l’empereur païen de Rome en sacrifiant un taureau, il fut attaché à l’animal. Pris de rage, le taureau le traîna sur les marches du Capitole, où la tête du saint finit par se fracturer.
Ce récit est illustré dans une miniature d’un manuscrit de la Légende dorée de Jacques de Voragine (1348, BNF) et dans une copie réalisée en 1492 par Jean Defoy, évêque de Comminges, un manuscrit de Michel Romain. Voir également Martyre de saint Saturnin, miniature de la Légende dorée, par Jeanne de Montbaston (XIVe siècle)