Mathis Collins il se sculpte un poulbot urinant sur Notre-Dame en flamme dans son œuvre au titre provocateur : « Tu n’as ce que tu mérites« . peinture du bois de tilleul 2020.
Mathis Collins Tu n’as ce que tu mérites peinture du bois de tilleul 2023
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Les peintures populaires très commerciales
Elles sont kitsch parce qu’elles n’ont pas d’autres ambition que de séduire et d’émouvoir le plus grand nombre de gens.
Les États-Unis sont les champions dans ce domaine.
Margaret Keane (1927-2022) est très connue pour ses fillettes aux grands yeux, les fameux Big Eyes, et son histoire conjugale a défrayé la chronique.
Voir d’autres oeuvres de Margaret Keane
Son mari Walter l’avait convaincue qu’en tant que femme elle n’aurait jamais de succès commercial. Elle accepta alors de peindre en secret des tableaux qu’il signait, lui meme, et commercialisait dans des foires d’art, puis dans une galerie à San Francisco entièrement dédiée à ses œuvres. Le couple devint immensément riche, Walter menant une vie de Rockstar, Margaret cloitrée, séquestrée, menacée de mort si elle révélait leur secret.
En 1965 elle réussit à s’enfuir à Hawaii et des années plus tard, elle s’opposa juridiquement à Walter, et en 1982 a reçu plus d’un million de dollars de compensation. Lors d’une scène célèbre au tribunal, elle réalisa un tableau en direct devant l’Assemblée, en 53 minutes, (Pièce à conviction n° 224) alors que Walter refusa d’en faire autant prétextant une tendinite à l’épaule.
Tim Burton réalisa un biopic « Big eyes » en 2014
Big eyes film 2014
Ces grands yeux de fillette ont directement inspiré le dessin animé les powerpuff girls 1997.
Les auteurs disent qu´ils ont ete inspires par l’histoire de Margaret Keane.
Mark Ryden né en 1963 peintre américain qui pratique depuis des années les années 90 un surréalisme pop. Il s’inspire de peluches et de jouets : c’est à la fois mièvre et un peu inquiétant.
Voir également :
– Yoshi L’esprit de la forêt
– Personnage féminin
– L’artiste au travail
Voir d’autres oeuves de Mark Ryden
Marion Peck née en 1963, elle est son épouse. Sa peinture relève de la même esthétique pop surréaliste que son mari.
Voir d’autres oeuvres de Marion Peck.
La maison du couple, à Los Angeles, tranche avec les villas voisines et l’intérieur est un véritable cabinet de curiosité.
Suzanne Apgar pratique le même surréalisme commercial.
Voir d’autres oeuvres de Suzanne Apgar
Thomas Kinkade (1958-2012) est l’artiste américain qui a vendu le plus de reproductions de ses œuvres. Surnommé le peintre de la lumière, il peignait des paysages américains avec une légère transcendance religieuse, dont il vendait en série dans les supermarchés, des transferts sur toile (donc des reproductions photographiques) auxquelles il y rajoutait quelques touches de lumière faites a la main, le tout encadré. Il a équipé les murs d’innombrables foyers américains de la classe moyenne (un sur trois parait-il).
Au début des années 2000 il a signé un partenariat commercial avec Walt Disney ce qui lui a permis de se renouveller. Ses productions ont aussi ete commercialisees sous forme de puzzles.
Dans le même registre esthétique,
Bob Ross (1942-1995) devait sa célébrité à une émission de télévision “la joie de peindre » diffusée de 1983 à 1994 sur les chaînes publiques américaines, et qui nous apprenait, en direct, à réaliser de sublimes paysages.
Dans un tel contexte, on comprend mieux pouquoi dans « Avant-garde et Kitsch », Clement Greenberg dès 1939 écrivait :
Clement Greenberg, appelait de ses vœux une avant-garde qui allait à l’encontre du goût américain moyen, incapable de comprendre qu’à un art véritable était associé la notion de prise de risque et de rupture avec les stéréotypes.
Hermann Broch, dans une conférence prononcée aux États-Unis à Yale en 1950 intitulée : “Quelques remarques à propos du kitsch”, affirma que :
Il s’oppose à l’art authentique qui « éblouit l’homme jusqu’à le rendre aveugle et lui donne la vue.
Il y a une goutte de kitsch dans tout art, puisque dans tout art il y a un minimum de désir de faire plaisir au client »
L’esthétique Walt Disney
Robin Konieczny est un peintre et illustrateur anglais né en 1962. Il a commencé à peindre des princesses et des locornes. Il s´est ensuite acheté un Mac, avec Photoshop, et aujourd’hui il est illustrateur pour Hollywood. Il réalise des peintures numériques de paysages fantastiques qui serviront ensuite pour les séries télévisées.
Voir d’autres oeuvres de Robin Konieczny.
Le Château de la Belle au bois dormant à Disneyland est une architecture kitsch, inspirée du château de Neuschwanstein de Louis II de Bavière.
Le succès commercial récent du film Barbie de Greta Gerwig 2023 démonte qu’il y a toujours un engouement du public pour ce monde rose, même au second degré.
BARBIE Greta Gerwig, Margot Robbie, Ryan Gosling
La même année, en Californie, la maison de rêve de Barbie en taille réelle, a été construite à l’usage des particuliers désireux d’y séjourner.
En 2023 aussi, Joana Vasconcelos a fait construire en céramique le wedding cake, à la fois sculpture, architecture, gâteau de mariage géant, dans les jardins de Waddesdon en Angleterre.
25 000 carreaux et 1 300 pièces de céramique. C’est une commande de la Fondation Rothschild propriétaire des lieux, 12 m de haut avec 3 niveaux. Toutes les pièces ont été fabriquées et assemblées à la main par des artisans portugais selon les techniques anciennes. Les amoureux peuvent venir y célébrer leur union pour le meilleur et pour le kitsch !
Après tout, depuis les années 20 il y a eu des architectures kitsch en forme de canard, le big Duck flander à Long Island, mais il renfermait la boutique d’une ferme vendant des œufs et des canards.
Le Big pineapple, construit en 2005 en Australie à Wambi
En Thaïlande, on peut voir un immeuble dragon,
Voir d’autres images du temple.
et en Bulgarie une maison escargot.
Milan Kundera, dans un essai, le rideau, paru en 2005, constate que :
Il cherche à plaire au plus grand nombre à irriguer les masses.
Un monde où la merde est niée et où chacun se comporte comme si elle n’existait pas”.
Les produits dérivés que l’on nous propose systématiquement à la sortie d’une exposition dans un musée, contribuent à rendre kitsch n’importe quelle œuvre d’art. On peut acheter des chaussettes Van Gogh, des serviettes Cézanne etc. Marcel Duchamp, en 1961 avait pronostiqué qu’on pourrait se servir d’un Rembrandt comme planche à repasser, ce que Daniel Spoerri avait matérialisé en se servant de la Joconde !
C’est en effet au début des années 60, que Claes Oldenburg avait ouvert sa propre boutique, ou plutôt une parodie de boutique, intitulée the store, dans laquelle tous les prix affichés se terminaient par 99.
Puis Keith Haring, (1958 – 1990) dont la pratique était essentiellement faite d’interventions murales, avait ouvert un véritable pop shop en proposant des mugs, des assiettes, des baskets, des tee-shirts, des badges. L’art propose sa version kitsch !
C’est cette dérive marchande des musées (qui s’est amplifiée d’année en année) que pointait l’action de Maurizio Cattelan devant le MoMA en 1998, en faisant accueillir les visiteurs par un Picasso de foire comme Mickey à Disneyland.
Takashi Murakami est sans doute le champion des produits dérivés dont toutes les créations kawaii (mignonnes) sont interprétées en produits commerciaux diffusés dans son super flat Museum.
Il s’adresse à une génération de japonais, (les enfants de ceux qui ont connu la bombe atomique), qui ne veut pas grandir pour ne pas être confronté aux misères du monde.
Murakami à Versailles, son travail est aussi kitsch que celui de Jeff Koons et aussi, comme chez l’Américain, parfois provocateur.
Murakami à Versailles
Son cowboy solidaire dont l’éjaculation spectaculaire devient une sorte de lasso
et son pendant féminin qui fait jaillir un nuage de lait de son énorme poitrine.
Voir d’autres personnages de Takashi Murakami.
Aujourd’hui, pour une somme modique, on peut mettre dans sa piscine une nana de Niki de Saint Phalle, une Vénus de Botticelli, et dans son jardin un David de Michel-Ange, plus petit que celui de Florence, mais à un prix abordable.
Le kitch dans la mode et l’esthétique camp
Ceci a fait l’objet d’une exposition au MET de New York en 2019. Cette exposition, imaginée par le conservateur en chef du département mode du musée, s’appuyait sur une notion, le camp, théorisée par
Suzanne Sontag en 1964. Dans son essai “notes sur le camp”, elle présente le camp comme un concept issu de la culture queer, c’est avant tout une façon de voir le monde, une manière d’être caractérisée par l’humour, l’exagération, l’artificialité, la théâtralité, l’excentricité, avec pour trait majeur l’ironie, et une distance moqueuse sur les choses.
Le Camp c’est le triomphe du style épicène»
Le terme camp vient du français se camper, prendre la pause, et trouverait son origine dans la posture d’Oscar Wilde dite posture de la théière, qui a été caricaturée sous forme d’une théière bisexe (recto-verso avec un sexe sur chaque face).
L’exposition du MET avait été financée (quelques mois avant) par un défilé où le mot d’ordre était l’excentricité. Le but était de tourner le dos à l’axe bon-mauvais du jugement esthétique ordinaire.
On peut dire que le camp s’amuse avec la vulgarité du kitsch.
Le Kitsch pourquoi pas ?
Suzanne Sontag ne portait pas de jugement de valeur lorsqu’elle notait le phénomène kitsch, mais elle pointait l’infantilisation de l’Amérique des années 60.
En 1971, Abraham Moles, ingénieur chercheur, professeur à l’université à Stuttgart et à Strasbourg publie : “Psychologie du kitsch, l’art du bonheur”. Pour lui :
Le kitsch vise cette notion intraduisible de Gemütlichkeit.
Jacques Sternberg écrivain belge, publie les chefs-d’œuvre du kitsch, en précisant qu’il s’agit bien de mauvais goût au second degré, et que ses outrances peuvent aller jusqu’au sublime parfois.
Aujourd’hui, les revues de décoration proposent régulièrement des alternatives aux murs blancs qui ont triomphé comme signe de modernité. Il s’agit de pièces saturées de couleurs et de motifs, avec un brin de nostalgie … c’est du kitsch très maîtrisé pour composer un véritable cocon, un refuge (Gemütlichkeit).
Et comme Noël est la fête de l’année où le kitsch triomphe, si vous avez envie de décorer votre façade brillamment ou d’organiser un concours de pulls moches pour Noël, lâchez-vous !
C’est quoi le kitsch ?