A l’origine, le kitsch désigne les objets et décors de mauvais goût, inutilement surchargés d’ornements, m’as-tu-vu, souvent chargés d’une valeur sentimentale, et produits en grande quantité. Le terme est donc à la fois péjoratif et affectif et suppose le regard condescendant et critique d’une classe cultivée sur une classe populaire.
Après que, à l’époque du Pop Art, la société de consommation ait largement popularisé les produits culturels bon marché dérivés du grand art, des artistes contemporains se sont emparés de l’esthétique kitsch en contribuant à la revaloriser. Jeff Koons aux USA, Takashi Murakami au Japon, et bien d’autres, ont «décomplexé» les amateurs d’art dans leur attirance pour cette forme d’expression sentimentale et infantile. Leur travail, sur-médiatisé et pensé pour être décliné en produits dérivés, ne permet pas toujours de déterminer où se trouve la frontière entre l’ironie et le réel attrait pour le mauvais goût.
Le kitsch a gagné le design, les arts du spectacle, la mode et même l’architecture.
Indice d’une époque sans âme ? Art d’une société narcissique qui cherche la confirmation de l’image insouciante qu’elle veut donner d’elle-même ? Art du bonheur, reposant, amusant, rafraîchissement mondain ? Ou expression pathétique de notre époque ? Nous nous poserons ces questions, tout en reconnaissant qu’il y a bien une part de kitsch en chacun de nous…
Intervenante : Agnès Ghenassia
Kitsch, (qui peut egalement s`ecrire Kitch) ce n’est pas un mouvement artistique, ce n’est pas un style, c’est une notion complexe dont le sens a évolué, de telle sorte que, opposé à l’art à l’origine, il a fini par le rencontrer (à partir des années 60).
Définition du Larousse : « Kitsch, se dit d’un objet, d’un décor, d’une œuvre d’art dont le mauvais goût, voulu ou non réjouit les uns et rebute les autres« .
Le mot kitsch est apparu à Munich vers 1860 ; il vient sans doute du verbe kitschen (faire du neuf avec du vieux ou ramasser des déchets) et verkitshen, refiler de la camelote à la place de l’authentique.
Le terme est péjoratif, mais il pointe, en même temps, le désir naïf de consommer de l’art dans la société bourgeoise et industrielle du 20e siècle et la possibilité, pour cette industrie, de fournir toutes sortes de copies de médiocre qualité, bon marché et sans âme à un public très demandeur.
Le 19e siècle a fourni de fausses ruines gothiques,
Mais aussi :
– de fausses grottes, (Parc Painshill, Cibham Angleterre)
– de fausses ruines romaines, (château de Schönbrunn Vienne)
L’idée est que le vrai est aristocratique, alors que le faux est bourgeois. On peut par exemple, au XIXéme siècle, acheter une chambre à coucher ou un salon Louis XV sur catalogue, fabriqué en série.
Le kitsch aime la surcharge décorative, sans lien avec la fonction des objets : exemple les chopes de bière munichoises.
D’une façon générale, le kitsch s’oppose à l’art véritable. Au début du 20e siècle, le jugement de valeur est sévère chez les auteurs qui observent l’aliénation des sociétés.
Chez l’Autrichien Herman Broch (1886-1952), le kitsch rejoint le fascisme.
Pour le tcheque Milan Kundera, (1929-2023),
J’ai choisi de partir des objets kitsch populaires qui nous sont familiers et qui relèvent d’un évident mauvais goût, pour montrer comment des créateurs contemporains (designer et artistes) s’en emparent avec humour pour les réhabiliter artistiquement.
Les objets souvenirs bord de mer, à base de coquillages et les bibelots sentimentaux
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Voir également :
– Les Joueurs de cartes en coquillages
– Cadre photo
C’est ce domaine que Jeff Koons a exploré à partir de 1988 avec sa série banality : agrandissement, réalisation parfaite par des artisans spécialisés dans le bois ou dans la porcelaine.
On se souvient que l’objectif de l’artiste était de décomplexer le grand public dans ses goûts, de le réconcilier avec l’art des musées. Jusqu’au gigantesque Puppy couvert de fleurs installé à Cassel en 1991 puis devant le Guggenheim de Bilbao, et les objets relevant d’une technologie extrêmement sophistiquée comme le balloon dog, que seul les milliardaires peuvent s’offrir mais qui séduit le public populaire.
Beaucoup plus modestement, de nombreux designers proposent depuis quelques années des objets kitsch post moderne, par exemple :
Le duo Andrew Walker et Kris Aaron de Pansy ass ceramics basé à Toronto Canada, fabrique des vases en porcelaine relevant de la culture queer. Sans naïveté mais avec beaucoup d’humour.
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Voir d’autres oeuvres de Pansy ass ceramics.
Les souvenirs sous globe
Ce sont des bouquets de mariée ou autres, destinés à orner le buffet.
Kate Rhode, artiste australienne, reprend ce mode de présentation pour installer ses assemblages.
Elle utilise principalement des résines et du pigment et revendique une esthétique kitch avec le plaisir de l’accumulation décorative.
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Elle fabrique également des meubles.
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Voir d’autres oeuvres de Kate Rhode
Elle a été chargée l’an dernier de décorer les vitrines d’Hermès à Sydney.
Les bergères et danseuses en porcelaine
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Voir d’autres bergères
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Voir également :
– autre figurine
Jessica Harrison artiste écossaise né en 1982, est une céramiste qui s’est fait connaître en France dès 2011, et à New York en 2013, par ses réinterprétations de figurines en porcelaine.
A la fin de ses études d’art, son mémoire de Master portait sur « la mort et la dissection dans l’art contemporain britannique« . Elle associe des éléments anatomiques à ses figurines, ce qui leur enlève tout caractère de mièvrerie.
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Voir d’autres oeuvres de Jessica harrisson.
Les petits chiens qui dodelinent de la tête sur la plage arrière
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Avec leur mouvement incessant, ils ont été remplacés par ce chat japonais qui ne cesse de dire bonjour.
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Mais on pense aussi au caniche de Jeff Koons en bois polychrome.
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Plus près de nous, Russell Wrankle est un artiste américain qui enseigne la céramique et la sculpture à la Southern Utah University. Dans sa pratique personnelle de la céramique, on trouve de nombreux chiens, associés à un rouge très saturé et confrontés de façon surréaliste à d’autres éléments.
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Voir d’autres oeuvres de Russell Wrankle.
Les couvertures au crochet et les napperons en dentelle
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Voir d’autres couvertures au crochet
Voir d’autres nappes dentelle et broderie
Joana Vasconcelos, l’artiste portugaise née en 1971 est connue internationalement pour réhabiliter de façon spectaculaire les « travaux d’aiguilles » féminins.
Ainsi par exemple, elle recouvre de dentelles des objets tout à fait inattendus comme un téléviseur,
– un crabe,
– un piano
et lorsqu’elle a été invitée à occuper le château de Versailles en 2012 les lions de pierre.
Par ailleurs, avec des tissus et des éléments fabriqués au crochet, des pompons, et de la passementerie, elle envahit l’espace avec ses Walkyries à Versailles en 2012
et au Palacio Grassi à Venise.
Les canevas de grands-mères encadrés
Souvent des biches au bois,
des scènes de chasse,
ou des princesses en carrosse,
parfois des reproductions de tableaux comme la liseuse de Fragonard.
Gauvain Manhattan né en 1995, formé à Angoulême, illustrateur et auteur de bandes dessinées. Il redonne vie à l’art du canevas en s’inspirant de l’univers des jeux vidéos. Il crée des œuvres uniques qui revisitent des scènes cultes de ces jeux. Le caneva l’intéresse pour son aspect pixelisé. Il vit et travaille à Nantes.