Lettre du front 1998 reprends un tableau de Laktionov, Lettre du front 1947, tableau patriotique, optimiste. On voit la famille qui reçoit des nouvelles de son soldat. Baselitz isole deux personnages, la femme qu’il va dénuder et l’enfant en train de lire.
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Le portrait Yvan Pavlov de Nesterov en 1935 est retravaillé de façon pointilliste, avec un grand espace blanc devant le personnage retourné à 90°. C’était le scientifique le plus célèbre de toute l’Union soviétique, et une référence incontournable pour Staline, avec la mécanisation de la machine humaine par le réflexe conditionné.
Dans la cantine des travailleurs de Kobozev en 1960
Les personnages sont retournés par Baselitz à 90 degrés dans le l’autre sens et il met en évidence les zones claires de la nappe et du tablier de la serveuse.
Anxiété de Korzhev en 1965 les deux portraits sont pris en étau entre deux taches pourpres.
Georg Baselitz, Anxiété 1999 Huile et fusain sur toile, 250 × 200 cm. Collection particulière. © Georg Baselitz, 2021
A ta santé? c’est Staline.
Il se souvient d’une oeuvre d’Otto Dix intitulée portrait de mes parents 1924. Il en fait plusieurs réinterprétations en ajoutant les jambes et les pieds que l’on ne voit pas dans le cadrage initial.
Voir également :
– L’heure des ancêtres 2012
Ce qui l’a fasciné dans ce couple, c’est la position des mains.
Puis il va glisser des « les parents d’Otto Dix » à une série de 16 toiles, « madame Lénine et le rossignol » deuxième congrès, 2008 de 300 x 250 cm. Pourquoi ce titre ? Parce que Lénine était connu pour sa coquetterie vestimentaire (c’est pour cela qu’il l’appel madame), et le rossignol parce que Staline aimait le chant, Lénine et Staline sont peints dans la position des parents d’Otto Dix.
Georg Baselitz, Madame Lénine et le Rossignol, deuxième congrès, 2008 huile sur toile 300 x 250 cm chacune. Musée Guggenheim Bilbao
Les sculptures monumentales, 2003-2009
Les sculptures monumentales de cette même période (2003-2009) témoignent de ce même humour, et d’une légèreté nouvelle chez Baselitz. Cet autoportrait de lui enfant s’intitule ma nouvelle casquette 2003
Les bras derrière le dos révèlent une montre peinte à son poignet et un crâne entre ses mains. C’est une sorte de vanité, de prise de conscience du temps qui passe.
Georg Baselitz – Frau Ultramarin / Madame Outremer (2004) Cèdre et peinture à l’huile, 295.5 x 94 x 107 cm Collection Heiner Friedrich
Madame Outremer (2004), c’est sa femme Elke. Elle aussi porte une montre indiquant minuit moins cinq.
D’autres sculptures se limitent à des jambes et des gros pieds servent de socles.
Le peuple choisit zéro (2009) « Zéro » est une maque de peinture industrielle et Baselitz a été photographié en train de travailler avec une casquette publicitaire de cette marque.
Quant à la pose du personnage, il dit : “C’est quand j’ai eu terminé que je me suis rendu compte que Rodin avait fait quelque chose comme ça. Mais mon inspiration ne vient pas de là, elle vient de ces figures de l’art populaire que l’on nomme les Christs aux aux outrages. On en trouve énormément dans ma région.” Cette sculpture est installée à l’entrée du musée d’art contemporain de Berlin.
Voir d’autres sculptures de Georg Baselitz
La série «remix», 2007-2010
Entre 2007 et 2010 Baselitz a entrepris de revisiter dans l’ensemble de son œuvre avec des « remix » (terme emprunté à la musique) en y éliminant la violence. Il a réinterprété par exemple la grande vie foutue de 1963,
,
Remix de l’œuvre de 1963. On voit bien qu’il s’agit de Hitler.
Il a réinterprété, les héros, le modèle pour une sculpture, les tableaux fracturés, le portrait de mes parents, madame Lénine et le rossignol, et il s’amuse à imaginer Mondrian en short et le peintre moderne faisant du Pollock.
En 1988, il rend hommage à Van Gogh à travers son tableau la chaise de Gauguin (1888), en remplaçant la bougie par un oiseau vert à bec jaune,
Il reprend sous, le titre le chien de Paul, (Gauguin), l’idée de la chaise, mais celle-ci est tellement écartelée cette fois qu’elle dissimule une svastika, ce motif ancestral symbolisant la puissance et la paix, que les nazis ont retourné vers la droite pour en faire leur emblème.
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Il réalise également des remix en gravure.
Voir également :
– Promenade 2005 lithographie sur papier vélin 66.5 X 50 cm
– Aurore, 2005. lithographie sur papier vélin 66.5 X 50 cm
Georg Baselitz I A Focus on the 1980s I 2018
Le grand âge, 2014 – 2022
Depuis 2014, Baselitz se concentre sur des corps géants, comme renversés par la vie, dont la chair est faite de matières, où le rose est griffé, fouillé, tacheté, avec une constance dans le motif et une grande variété de techniques.
Lors de la Biennale de Venise en 2015, il a créé la surprise en présentant 8 autoportraits de plus de 5 mètres de haut, leur titre était “ne pas tomber du mur”, mais l’ensemble avait pour sous-titre “Avignon”. Parce que Baselitz vieillissant, a pensé au scandale qu’avait suscité à Avignon les derniers Picasso exposés au Palais des Papes en 1970. (La presse avait qualifié ces peintures « d’œuvres de vieillard libidineux« ).
Alors lui, il choisit de façon radicale et originale, de parler du grand âge en montrant avec force la fragilité du corps humain.
En même temps, cette série exalte le plaisir de peindre. Il décline sa silhouette et celle de Elke. Parfois les peintures sont retravaillées avec un vaporisateur créant un effet de voile et faisant progressivement disparaître le corps. L’ensemble dégage une impression de force et de fragilité en même temps.
C’est quelquefois blanc sur blanc Ein weißes Bild mit Ottos Sofa [Un tableau blanc avec le canapé d’Otto], huile sur toile, 2016 avec des changements d’épaisseur, quelques taches violacées pour faire apparaître des silhouettes.
Et puis, il va imaginer un autre procédé à l’aide de matrices dont les empreintes sont appliquées sur des fonds unis sombres
Georg Baselitz Wagon-lit mit Eisenbett (Wagon-lit au lit en fer) 2019 huile sur toile 300 x 450 cm Centre Pompidou Paris
En 2019 « wagon-lit au lit en fer« , montre le corps fragile de Elke confronté aux lignes dures d’un lit d’hôpital. C’est un monotype à l’huile (il a utilisé une matrice, transférée ensuite sur son support).
« X-ray lilas » 2020, joue avec des couleurs pour évoquer une image radiographique, comme un souvenir imprimé sur toile. Voir un commentaire (galerie Thaddaeus Ropac)
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Et depuis 2019, la série gold drauf und drunter (Or par dessus et par-dessous) montre une superposition de noir et de vernis doré, dont la matière est lumineuse et vibrante, et les empreintes des corps semblent là aussi en voie de disparition.
Voir également :
– Da sind zwei Figuren im alten Stil (Voilà deux personnages à l’ancienne), 2019, huile et vernis doré du peintre sur toile, 300 × 212 cm.
C’est une superpositions de noirs et de vernis dorés dont la matière est lumineuse
et vibrante et les empreintes des corps semblent là aussi en voie de disparition parce qu’ils sont comme rongés dans la peinture. Voir le vernis doré de près.
Georg Baselitz : le temps, galerie Thaddaeus Ropac 2019 en hommage à sa femme Elke.
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Georg Baselitz, l’exposition rétrospective au Centre Pompidou du 20 octobre 2021 au 7 mars 2022
Bernard Blisténe raconte sa rencontre avec Baselitz.
Baselitz – La rétrospective (1/2)
Baselitz – La rétrospective (2/2)
L’oeuvre de Baselitz, qui dit il, ne s’est jamais débarrassé du fardeau des années sombres de l’Allemagne, s’est efforcé de n’obéir à aucune règle, ni celle de l’imagerie socialiste au début, ni celle du marché de l’art privilégiant l’abstraction, ni celle de la tradition de la peinture figurative, et par cette capacité de créer du nouveau, il est un grand artiste. Il a une grande capacité de renouvellement.
En 1995 il déclare : “Je suis né dans un ordre détruit, un paysage détruit, un peuple détruit, une société détruite. Et je n’ai pas voulu réinstaurer un ordre, j’avais vu assez de soi disant ordres. J’ai été contraint de tout remettre en question, d’être naïf, de repartir à zéro … je suis brutal, naïf et gothique”.
En même temps, il a renoncé à cette brutalité depuis une dizaine d’années, au profit d’une gravité et d’une sensibilité nouvelle, qui donnent à ses derniers travaux, une beauté universelle.
Avec humour il a aussi déclaré récemment : “Je me demande ce que j’aurais peint, si j’étais né en Californie !”