Cours du 27 novembre 2017

Maurizio Cattelan

Sommaire : 1 – Se faire remarquer par son absence, 2 – Regard sur les galeristes…

Maurizio Cattelan est né à Padoue en 1960.
Depuis 1992 il habite New York, il n’a jamais eu de studio, d’assistants, d’atelier, d’école, et c’est un des artistes les plus collectionnés et les mieux cotés. Provocateur et humaniste, il est considéré par certains comme un bouffon de l’art contemporain.
Son père était chauffeur routier et sa mère qui décède rapidement femme de ménage. Il garde un mauvais souvenir de l’école très tôt il est déscolarisé. Il fait plusieurs métiers : éboueur, facteur, aide dans une morgue.
Au sujet de son enfance, il dit dans une interview : «La pire période de mon existence. Les décisions sont toujours prises par quelqu’un d’autre : parents, professeurs… Je n’en garde aucun bon souvenir».
Au début des années 1980, il se met à fabriquer des petits meubles en bois, qu’il tente de vendre, ce qui lui permet d’entrer en contact avec des personnalités du design comme Ettore Sottsass et le groupe de Memphis. Il fait alors éditer un catalogue de ses réalisations qu’il envoie par mailing aux galeries en un millier d’exemplaires. Cette action promotionnelle lui permet de faire une petite percée dans le milieu du design et de l’art contemporain.
Voir une biographie plus complète sur le site de Maurizio Cattelan.

1 – Se faire remarquer par son absence


Maurizio Cattelan – Torno Subito, (1989) Plexiglas gravé, 4 x 12 cm
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Torno subito (je reviens tout de suite). Lorsque la galerie Neon à Bologne l’a invité à exposer dans ses espaces, Maurizio, au début, un peu timide et intimidé par le monde de l’art, a eu l’intuition de laisser la galerie vide avec le panneau Torno subito (je reviens tout de suite) accroché sur le tableau. C’est aussi le titre d’un film documentaire réalisé par la réalisatrice Maura Axelrod.

En 1989 lors des élections en Italie il fait paraître un avis dans le journal la Républica « Votre vote est précieux gardez le ».


Maurizio Cattelan – Una domenica a Rivara, (1992)
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En 1991 Una domenica a Rivara (un dimanche à Rivara) au café Rivara il expose des draps noués. La nuit avant une exposition collective dans ce château, il quitte les lieux. Il déclarera : « j’ai quitté soudainement le rendez-vous et je ne sais toujours pas ce que les autres artistes ont présenté« .

Timidité poussée à l’extrême, il ne se sent pas légitime pour exposer dans le monde de l’art.

En 1992 à l’occasion d’une exposition de groupe, il expose un rapport de police dans lequel il déclare le vol d’une oeuvre d’art qui n’existe pas.


Maurizio Cattelan – Super noi: New York (in 50 parts) , (2000) 29.5 x 21 cm
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Maurizio Cattelan a demandé à cinquante de ses amis d’écrire une description de son visage puis il a remis ces textes au dessinateur des portraits robots de la police judiciaire sans préciser qu’il s’agissait d’une même personne. Les cinquante représentations obtenues sont autant d’interprétations différentes de lui, même si celle-ci montrent nécessairement des ressemblances.
Portraits robots et parti pris conceptuel de modestie. Il ne se sent pas légitime de rentrer dans le Monde de l’art.

Fondation Oblomov (Oblomov est un roman de l’écrivain russe Ivan Gontcharov publié en 1859), il décrit un personnage d’anti héro. La fondation doit permettre à un artiste de vivre pendant un an à la condition de ne pas exposer son travail. Il a collecté 10 000 dollars. Il n’a pas caché qu’une partie de cet argent, lui a servi à financer son déménagement à New York, avec le reste, il réalise une plaque de marbre gravée avec la liste des 100 donateurs.
Sa mère disait de lui qu’il était un terroriste en puissance.


Maurizio Cattelan – Sans titre (1997) Exposition au Consortium de Dijon
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En 1997 au Consortium de Dijon, il a creusé sa tombe. Voir un commentaire.

2 – Regard sur les galeristes et plus généralement sur l’institution de l’art


Maurizio Cattelan – Tarzan et Jane, (1993) Dijon
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A la Galerie Raucci/Santamaria, à Naples, en 1993, il demande aux galeristes (Umberto Raucci et Carlo Santamaria) de porter des costumes de lion durant un mois. Les relations entre l’artistes et les galeristes sont souvent assez ambiguës, et Maurizio Cattelan marque ainsi sa prise de pouvoir sur les galeristes.
Quand on lui demande à quoi faisaient référence ces costumes, il répond : « C’était un coup d’essai assez soft, pour voir quelle serait leur réaction. Et quand je me suis aperçu que ce n’était plus tout à fait impossible d’utiliser comme matériau le galeriste lui-même, je suis passé à une seconde étape« . (Le paradigme de l’art contemporain de Nathalie Heinich).

En 1995, il signe un contrat avec Emmanuel Perrotin galeriste parisien un autodidacte comme lui, avec une réputation de playboy. Il lui fait endosser un costume de lapin rose phallique durant un mois. Errotin le vrai lapin.


Maurizio Cattelan – A perfect day, (1999)
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A Perfect Day, (1999) est l’aboutissement d’une installation d’une journée au cours de laquelle Cattelan a collé son galeriste, Massimo de Carlo, au mur de sa galerie à Milan.
Suspendu et incapable de se mouvoir, de Carlo se trouva à la merci de l’artiste. De Carlo est transformé en un martyr du monde de l’art, volontairement résigné aux contraintes de l’intention de l’artiste. Il avait également revendu une oeuvre de Cattelan sans son autorisation, idée aussi que le galeriste peut se vendre lui-même.


Maurizio Cattelan – Another fucking ready made (1996)
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Another fucking ready made (1996) un autre putain de prêt à l’emploi. A Amsterdam, en 1996, prenant pour complice l’équipe du Centre d’art De Appel, qui voulait l’exposer, il lui fait traverser la place, forcer le rideau de fer de la galerie Bloom, en l’absence de ses propriétaires, déménager le contenu entier des lieux, mobilier compris, pour les reconstituer à l’identique dans le centre d’art. Puis il s’en est allé, laissant les hommes de l’art, voleurs et volés, s’expliquer entre eux. L’action s’intitule Another fucking ready-made, qui place clairement son travail sous la figure tutélaire de Marcel Duchamp.


Maurizio Cattelan – Projets 65 (1998) MoMA New York
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En 1998 à l’entrée du MoMA il utilise un acteur avec un masque de Picasso, qui accueille les visiteurs du Musée pendant la durée de l’exposition (comme Mickey le fait à Disneyland). L’idée est de transformer le musée en parc à thème après avoir invité pour l’occasion les meilleurs critiques d’art des revues spécialisées américaines.
« Au MoMA, j’avais transposé le modèle Walt Disney Dans le cadre d’un musée américain, c’était parfaitement approprié puisque les deux systèmes se ressemblent. Mickey mouse était transformé en Picasso et Picasso accueillait les visiteurs devant le MoMA. En fait les gens n’étaient même pas surpris de le trouver là, ils estimaient que le lieu était adéquat et ils étaient enchantés. Il s’en faut de peu aujourd’hui pour que de grandes institutions, comme le MoMA, la Tate ou Beaubourg, deviennent des parcs d’attractions. Mais c’est justement parce que la frontière est mince – et les musées le savent parfaitement – qu’ils ne mettraient jamais Picasso dans leur hall. Si tu rencontres Picasso dans l’entrée d’un musée, c’est toute la perception du lieu et de sa collection qui s’en trouve légèrement modifiée.» (Maurizio Cattelan)

Repris à l’exposition «Picasso.mania» au Grand Palais.

Il désarçonne les journalistes en général. Lors des demandes d’interview, soit il se fait accompagner par un comparse (Massimiliano Gioni) qui est plus « communiquant » que lui, et qui répond à sa place.


Maurizio Cattelan – Dynamo secession (1997) Vienne
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À l’intérieur de la galerie Wienner Secession, un système de bicyclettes a été installé pour générer de l’énergie. Il a fait pédaler deux gardiens du musée sur des vélos qui alimentent des dynamos produisant l’énergie nécessaire pour allumer les ampoules dans plusieurs pièces de la galerie.

Il exerce un pouvoir sur les institutions. Il a l’idée de présenter un âne vivant le jour du vernissage d’une exposition et dès le lendemain, il remplace l’âne par un chapelet de saucisses. Il explique que l’âne est une métaphore de l’artiste dans la situation dans laquelle le mettait le galeriste (impuissance).

Le 8 juin 2001 à la biennale de Venise lors des journées professionnelles. 150 personnes sélectionnées parmi collectionneurs, critiques et conservateurs on été invitées le jour du vernissage de la Biennal à prendre un avion, direction Palerme pour une exceptionnelle visite sur place, suivi d’un cocktail et du retour vers Venise le soir même. Il les a conduit sur une colline proche de Palerme sur une décharge publique, ou il avait installé une réplique de l’inscription Hollywood.


Maurizio Cattelan – Hollywood (2001) 23 x 270 m Palerme
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F. Pinault avait participé au financement de la construction de cette installation. Le critique du Monde Harry Bellet écrit ceci : « Un peu étourdi, le groupe s’est jeté sur le buffet, une union sacrée, une trêve dans la lutte des classes entre les milliardaires et les ouvriers de la décharge, venus en connaisseurs et en voisins boire un petit coup de blanc. On a vu deux conservateurs de musées californiens se gratter la tête devant ce « HOLLYWOOD » de vingt mètres de haut, se demandant sans doute s’ils étaient bien réveillés. On a vu cette responsable très chic de Creative Time, entreprise new-yorkaise spécialisée dans l’organisation d’événements, se faire photographier dans les bras solides des employés des lieux, assez émoustillés. On a vu enfin une des plus importantes fortunes de Floride, collectionneuse considérable et sexagénaire, poser topless devant ce symbole du cinéma et des starlettes.
A Palerme, son marchand, se piquant au jeu, a fait croire que l’oeuvre était à vendre, mais avec un morceau de la montagne où elle est installée.

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