En 1983, débute L‘homme au carnet, une sorte de feuilleton publié dans “Libération” tous les jours du 2 août au 4 septembre 1983. “A la fin du mois de juin 1983, dans la rue des Martyrs, je trouve un carnet d’adresses. Je le ramasse et le photocopie, avant de le renvoyer, anonymement, à son propriétaire, Monsieur Pierre D., dont le coordonnées sont mentionnées sur la page de garde. Je demanderai à ceux qui figurent dans le carnet de me parler de lui. Je l’approcherai chaque jour par leur intermédiaire”. Les compte rendus des entretiens de Sophie Calle avec les personnes listées dans le carnet dévoilent chaque jour un peu plus l’identité de Pierre D. qui apparaît ainsi reconstituée au travers des différents points de vue et anecdotes des uns et des autres. Par la suite une exposition sur ce sujet a été interdite par la personne propriétaire du carnet d’adresses. Le carnet devient une machine à fantasmes.
Douleur exquise (1985 – 2003) fait le récit, à la manière d’une enquête, d’une rupture sentimentale vécue par l’artiste en 1984. Véritable catharsis visant à atténuer sa souffrance, l’œuvre met en regard le témoignage de Sophie Calle avec la parole d’anonymes répondant à la question « Quel est le jour où j’ai le plus souffert ? ». En multipliant les indications de temps et de lieux, elle dresse un portrait intime de la douleur qui s’estompe à mesure que ses textes noircissent jusqu’à une complète disparition, symbole de retour à la vie.
« En 1984, le ministère des Affaires étrangères m’a accordé une bourse d’études de trois mois au Japon. Je suis partie le 25 octobre sans savoir que cette date marquait le début d’un compte à rebours de quatre-vingt-douze jours qui allait aboutir à une rupture, banale, mais que j’ai vécue alors comme le moment le plus douloureux de ma vie. J’en ai tenu ce voyage pour responsable. De retour en France, le 28 janvier 1985, j’ai choisi, par conjuration, de raconter ma souffrance plutôt que mon périple. En contrepartie, j’ai demandé à mes interlocuteurs, amis ou rencontres de fortune: « Quand avez-vous le plus souffert ? »
Cet échange cesserait quand j’aurais épuisé ma propre histoire à force de la raconter, ou bien relativisé ma peine face à celle des autres. La méthode a été radicale : En trois mois j’étais guérie. L’exorcisme réusssi, dans la crainte d’une rechute, j’ai délaissé mon projet. Pour l’exhumer quinze ans plus tard. » (Sophie Calle)
En 1986 les aveugles, elle a demandé à des aveugles de naissance de décrire pour eux les images de la beauté.
Sophie Cale explique son projet à une télévision de Montréal
Livres écrits sur les aveugles.
Sophie Calle – Les aveugles Vue de l’exposition à la galerie Fred Hoffman 1989
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)
La couleur aveugle 1991. elle a demandé aux aveugles ce qu’ils voyaient, qu’elle rapproche des artistes qui ont réalisé des monochromes.
La dernière image 2010. Elle a demandé de décrire la dernière image vue par des aveugles devenus aveugles accidentellement.
Sophie Calle sur France culture (rediffusion de l’émission du 30 septembre 2012)
Voir l’ouvrage écrit en braille publié chez acte sud.
1992 no sex Last night film expérimental avec Greg Shephard, qui est à la fois un road-movie et la combinaison de deux journaux intimes filmés. Voir photos kitch. Voir également un commentaire (Les Inrocks)
Sophie Calle, Greg Shephard No sex last night (extraits)
Le rituel d’anniversaire (1980 – 1993).
« Le jour de mon anniversaire je crains d’être oubliée. Dans le but de me délivrer de cette inquiétude, j’ai pris en 1980 la décision d’inviter tous les ans, le 9 octobre si possible, un nombre de convives équivalant à mon nombre d’années. Parmi eux, un inconnu que l’un des invités serait chargé de choisir. Je n’ai pas utilisé les cadeaux reçus à ces occasions. Je les ai conservés, afin de garder à portée de main les preuves d’affection qu’ils constituaient. En 1993, à l’âge de 40 ans, j’ai mis fin à ce rituel. » Ces paroles de Sophie Calle constituent l’introduction de l’ouvrage Le rituel d’anniversaire.
L’écrivain américain Paul Auster, s’inspire de Sophie Calle pour son personnage Maria, de son roman Léviathan écrit en 1992.
21 – 26 septembre 1994 à New York en collaboration avec Paul Auster (elle se conforme à son personnage de Maria) elle aménage une cabine téléphonique, comme un intérieur personnel. Elle y passe plusieurs heures par jour en parlant à des inconnus, en leur proposant des sandwichs ou des cigarettes, pour voir combien de personnes accepteraient cette proposition saugrenue. Elle note chaque jour ce qui lui arrive, nombre de conversations, le nombre de sourires… Voir un commentaire (Libération).
Chambre avec vue nuit du 5 au 6 octobre 2002 dans le cadre des nuits blanches à Paris. Dans Une chambre aménagée en haut de la Tour Eiffel. elle a demandé à des inconnus de lui raconter des histoires afin de l’empêcher de s’endormir.
Elle a représenté la France à la 52° Biennale de Venise en 2007 avec prenez soin de vous oeuvre qui a fait l’unanimité. Le jour où elle reçoit un mail de rupture d’un amant, elle décide de transformer cette blessure en objet d’art : « J’ai reçu un mail de rupture. Je n’ai pas su répondre. C’était comme s’il ne m’était pas destiné. Il se terminait par les mots : Prenez soin de vous. J’ai pris cette recommandation au pied de la lettre. J’ai demandé à 107 femmes – dont une à plumes et deux en bois -, choisies pour leur métier, leur talent, d’interpréter la lettre sous un angle professionnel. L’analyse, la commenter, la jouer, la danser, la chanter. La disséquer. L’épuiser. Comprendre pour moi. Parler à ma place. Une façon de prendre le temps de rompre. A mon rythme. Prendre soin de moi. »
Projet à la fois démesurée et intime. Voir la lettre de rupture, lettre de la correctrice, lettre d’une infirmière de l’hôpital, lettre du juriste…
Elle réalise un mur d’images avec les photos des gens et leur texte, avec des séquences vidéo, voir la séquence avec la médiatrice. Comme dans douleur exquise, c’est le partage de la souffrance, le premier geste est thérapeutique puis l’idée devient un moteur pour l’art. Le commissaire d’exposition était D. Buren.
En savoir plus sur Sophie Calle.
Sa mère est décédée peu de temps après. Elle présente alors, dans l’église des Célestin à Avignon, une installation en hommage à sa mère, au cours de laquelle elle lit en public le journal intime de sa mère. Elle réalise également une vidéo sur les derniers moments de sa vie.
Interview de Sophie Calle (paris Match).
2014 péage de St Arnaud voulez vous me parler ?En 2014, elle s’installe, le temps d’une nuit dans la cabine n°7 du péage de Saint-Arnoult. Elle demande, à qui veut bien l’entendre : Où pourriez-vous m’emmener ? Est-ce loin ? Que quittez-vous ?… L’idée était de faire un peu de conversation avec les automobilistes.
Voir la présentation de la société Vinci.
Voir ses expositions à la galerie Perrotin.
Elle se débarrasse de tabous, elle balaye la notion de vie privée, et en même temps elle fait de sa personne une héroïne romanesque.
Comme dans une télé réalité, elle a brouillé les limites entre vie privée et vie publique.