L’artiste portugaise Joana Vasconcelos s’est d’abord fait remarquer avec le grand lustre intitulé The Bride (La Mariée) à la Biennale de Venise en 2005, consacrée aux pratiques féministes.
Le lustre mesure 6,80 mètres de haut. À l’examen, on découvre qu’il est composé de centaines de tampons hygiéniques (marque OB).
C’est une belle collision entre deux visions de la femme : la splendeur du lustre qui évoque la fête, le bal, la parade, et l’intimité organique et taboue des menstruations. L’œuvre confronte ce qui se montre et ce qui se cache.
Lorsque Vasconcelos fut invitée à exposer au château de Versailles, cette œuvre fut refusée par peur de choquer le public.
L’artiste américaine Liza Lou a réalisé ses œuvres en Afrique du Sud. L’une des plus célèbres est « Kitchen » (1991–1995), une cuisine de 16 m2.

Liza Lou Kitchen 1991-95 assemblage de perles 243.8 × 335.3 × 426.7 cm Whitney Museum of American Art, New York
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L’intégralité de la cuisine – des murs aux ustensiles en passant par les aliments – est recouverte de milliers de perles collées.
Bien que l’artiste décrive son travail comme un plaidoyer pour le fait-main, on y perçoit un double portrait de la femme, similaire à celui de Vasconcelos : la cuisine (l’assignation domestique) est transformée par la parure (le travail minutieux des perles, le décoratif), soulignant le labeur invisible et l’esthétisation forcée de l’espace féminin.
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Depuis 1985, les Guerrilla Girls se battent activement pour que les artistes femmes et de couleur soient mieux représentées dans les musées et les institutions. Leurs affiches militantes, souvent humoristiques et factuelles, ont circulé dans de nombreuses villes, notamment sur des bus pendant plusieurs années.
Shadi Ghadirian (Iran) : L’artiste a réalisé toute une série de grandes photographies sur le thème de la burqa. Dans ces clichés, ce sont des burqas fantaisies (celles que les Iraniens portent à l’intérieur, et non les modèles noirs portés en ville) qui sont utilisées. Or, à la place des visages, l’artiste insère des objets évoquant les tâches ménagères auxquelles la femme est cantonnée dans son pays. Elle dénonce ainsi un double enfermement : celui du vêtement et celui du rôle domestique.
Voir d’autres oeuvres.
Barbara Sanchez-Kahn (Brésil) : L’artiste brésilienne a amusé le public de la dernière Biennale de Venise avec sa pyramide de militaires intitulée « Prêt à Patria » (jeu de mots avec « Prêt-à-porter »).

Barbara Sanchez-Kahn Prêt à Patria Arsenal, 2021 Fibre de verre, résine, structure en acier et polyester 60ème Biennale de Venise
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En affublant ses soldats de sous-vêtements féminins, elle s’en prend directement au machisme et au culte de la virilité encore très présent dans la société brésilienne.
7 – Humour Provocateur et Satire Sociale
Depuis les années 70, les artistes britanniques Gilbert & George s’exhibent dans leurs montages monumentaux, des photomontages assemblés comme des vitraux. Leur travail se concentre sur la vie en milieu urbain (conflits raciaux, sexualité, religion, mort), faisant poser des jeunes gens de leur quartier londonien. Ils abordent sans tabou les thèmes des conflits raciaux, de la sexualité, de la religion et de la mort.
Le côté humoristique naît du contraste : dans la vraie vie, ils se présentent comme deux employés de bureau timides et ringards détestant le divertissement.
We (1983) : Le duo répété sept fois, avec changement d’échelle est une rigoureuse composition en croix, composée de doigts très grossis.
Life (1957) : Sept fois le duo, comme un chœur d’anges, mais leurs ailes sont des photos au microscope d’échantillons d’urine.
Voir les séries :
Shitty (La croix est faite à partir de photos d’excréments ; de part et d’autre, en rouge, la rue et une foule).
Série Euphoria (2013) : Motivée par la constatation que le sol de leur quartier était jonché de bouteilles de gaz hilarant abandonnées.
Voir d’autres séries de Gilbert & George.
Pierre et Gilles (France) Le duo, qui a mis le kitsch au cœur de leur travail, est également sensible à l’actualité :

Pierre et Gilles Vive les mariés 1992 Photographie, impression sur presse 73,3 x 54,5 cm
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Vive les mariés (avec François Hollande tout sourire). C’est une célébration kitsch, transformant l’union civile en un tableau sacré et glamour.

Pierre et Gilles Le printemps arabe Photographie, 2011 impression sur presse 116 x 89 cm
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Le printemps arabe. L’œuvre utilise le langage du kitsch et du glamour pour rendre hommage à la jeunesse révoltée

Pierre et Gilles Vive la France 2006 Photographie peinte 145.9 x 125.5 cm
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Vive la France. Pierre et Gilles transforment le nu masculin et le patriotisme en une icône pop joyeuse et idéalisée, valorisant une jeunesse française diverse et héroïque contre un fond d’esthétique baroque et lissée.
Regroupés sous l’appellation de « sots art« , des artistes russes ont produit (au départ de façon clandestine) des œuvres aux antipodes des images de propagande autorisées, adoptant notamment le style du Pop Art.
Alexander Kosolapov (né à Moscou en 1943, vit à New York depuis 1975).
Lénine, Coca Cola

Alexander Kosolapov Lénine, Coca Cola 1982 impression 15,2 cm x 10,8 cm
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Cette œuvre est le manifeste de la démarche de Kosolapov. Elle combine le profil emblématique de Lénine avec le logo et le slogan de Coca-Cola.

Alexander Kosolapov Malevich, sold here 1989 acrylique sur toile 132 x 203,2 cm
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Malevich, sold here (vendu ici) avec la typographie de Marlboro. C’est une œuvre qui utilise la collision de symboles pour commenter à la fois l’histoire de l’art et l’évolution politique/économique.
Où Lolita (deux propositions de couverture pour le livre de Nabokov : sur l’une Lénine soulève une fillette, sur l’autre Staline enlace une adolescente).

Alexander Kosolapov Lolita (deux propositions de couverture pour le livre de Nabokov
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« Lolita » représente un fantasme ou une transgression désirée, qui est elle aussi transformée en un produit d’appel facile à consommer.
La tête de Mickey Mouse 2003 Profil classique de Vladimir Lénine (symbole de l’idéologie communiste et du culte de la personnalité) et de la tête de Mickey.

Alexander Kosolapov Gorby Marylin (1998) Technique Mixte acrylique sérigraphie 120 cm x 90 cm
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Gorbatchev représente la tentative de réforme et l’échec final de l’Union Soviétique. Marilyn représente le rêve américain et le succès culturel du soft power occidental. La juxtaposition de leurs visages symbolise le point de rencontre et la fin du conflit idéologique de la Guerre Froide.
Il remplaçe le visage de Mona Lisa par celui de Vladimir Poutine.
Erik Boulatov (né en Russie, installé à Paris en 1990) :
La Joconde (1997-1998)

Erik Boulatov Le Louvre La Joconde 1997- 98 huile sur toile 200 x 200 cm
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C’est une œuvre de réflexion sur le destin des icônes dans le monde moderne, montrant que les contraintes qui empêchent la liberté d’accès (à la vérité, à la liberté, à l’art) ne sont plus seulement les slogans politiques, mais aussi la pression de la culture de masse et des institutions.
The Blue Noses (Russie)

The Blue Noses Les Policiers qui s’embrassent (Une Époque de Clémence) huile sur toile 200 x 200 cm
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L’œuvre est une critique des symboles de l’autorité étatique (les policiers) et de la rigidité idéologique en Russie, utilisant l’humour et la transgression pour déconstruire les normes morales et culturelles.
Maurizio Cattelan (Italie)
L’humour caractérise toute l’œuvre de Cattelan.
L’Angleterre, la défaite et les institutions (1999)

Maurizio Cattelan L’Angleterre, la défaite et les institutions 1999
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Plaque de granite noir (2 m x 3 m) sur laquelle sont gravées toutes les défaites subies par l’Angleterre au football entre 1874 et 1998. Exposée à Londres, cette œuvre sans titre glorifie les défaites pour ridiculiser les plaques commémorant les événements historiques.
Critique des Musées (1998)
Devant le MoMA de New York, il utilise un acteur avec un masque de Picasso pour accueillir les visiteurs, critiquant le fait que les grandes institutions culturelles se rapprochent des parcs d’attractions.
Critique de Donald Trump (2017) :

Maurizio Cattelan America 2016 or 18 caras 72,4 x 35,6 x 68,6 cm en 3 exemplaires
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Réalisation de toilettes entièrement plaquées Or (« America »), exposées et mises en service au MoMA, suscitant une file d’attente. En septembre 2017, la Maison Blanche a contacté le musée Solomon R. Guggenheim pour lui demander le prêt d’un tableau de Vincent Van Gogh pour les appartements privés du président Donald Trump. Nancy Spector, la curatrice du musée, a poliment décliné la demande pour le Van Gogh. Au lieu de cela, elle a proposé à la Maison Blanche le prêt d’un autre objet de la collection du musée : l’œuvre « America » de Maurizio Cattelan. Ce geste a été perçu comme une moquerie acerbe envers Donald Trump, dont la réputation d’opulence et la décoration souvent dorée de ses résidences (comme la Trump Tower) étaient bien connues. L’offre fut ignorée par l’administration.
Critique de l’Amérique (2024) :
Sunday : 64 panneaux en acier inox plaqué Or 24 carats, parsemés de milliers d’impacts de balles (tirées au stand de tir de Brooklyn). L’idée : Les États-Unis, terre de richesse et de violence.

Maurizio Cattelan November 2024 Marbre de Carrare et pompe à eau 180 x 60 x 50 cm
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L’œuvre est confrontée à la sculpture November (un personnage urinant sur un banc). Commentaire de Cattelan : « Si vous êtes libre d’acheter un fusil d’assaut dans un grand magasin, qu’y a-t-il de mal à pisser en public ? »








