Le classicisme et le modernisme, pluralisme esthétique en Italie (1922-1931)

Filla (Luigi Colombo)
Luigi Colombo


« Fillia, Autoportrait futuriste 1925-26 »
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Fillia, de son vrai nom Luigi Colombo peint un autoportrait futuriste, alors qu’il a 21 ans.


« Fillia, idole mécanique, 1925-26, GNAM Rome »
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Dès 1925, il théorise une tendance spiritualiste du futurisme ; il peint cette « idole mécanique », une exécution encore conforme à l’Art Mécanique.


« Fillia Chaudière = Rapport de formes, 1926-1927, Coll. Part. »
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Voici encore « Chaudière = Rapport de formes ». La machine annihile tout le vieux monde spirituel et humain. Il développe lui aussi l’idée d’un impérialisme spirituel de l’Italie fasciste, phare de la nouvelle civilisation mécanique et guerrière.

Après l’art mécanique, il étend ses conceptions spiritualistes à l’Aéropeinture. Il se fonde sur son expérience aérienne, et constate qu’en observant le paysage depuis un avion volant en altitude, le peintre n’est plus tenté de se référer à un objet, comme le font les cubistes. Il ne s’intéresse pas non plus à la figure humaine, comme c’est le cas du réalisme magique, et même se dégage de tout intérêt pour ce qui existe réellement, contrairement à ce que faisaient les futuristes du dynamisme plastique. La représentation abstraite de ces paysages donne à la nature une dimension universelle et atemporelle.


« Fillia, Paesaggio cosmico, vers 1930 Coll. Part. »
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Voici un autre paysage peint vers 1930, paesagio cosmico, remarquable par la distorsion des objets et la dilatation de l’espace.


« Fillia, Mistero Aero, 1931, Galleria Arte del XX secolo Montecatini Terme »
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Avec Fillia, le futurisme rompt avec l’anticléricalisme affiché par Marinetti en 1910. Il affirme utiliser « des éléments de paysage dans un but transcendant [et ainsi de révéler] ce sens mystérieux de la divinité qui anime chaque nature ». [Cette spiritualité est bien sûr compatible avec l’idéologie fasciste.] Mistero Aero : La sphère rouge représente la planète et l’esprit humain. La figure du « T » représente un avion, la croix christique ou le faisceau qui se détache sur une ligne d’horizon circulaire, inscrivant l’ensemble dans des hauteurs célestes.
Il poursuit sa carrière en réalisant de grandes décorations murales.

Gerardo Dottori
Gerardo Dottori


« Gerardo Dottori Primavera umbra, 1923, Pérouse, Museo Civico »
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Gerardo Dottori peint dès 1923 Primavera umbra, qui contient quelques éléments de l’Aeropittura : point de vue plongeant, l’interpénétration entre le ciel et la terre, la composition en spirale ; c’est le premier tableau futuriste exposé à la Biennale de Venise en 1924. Il est proche de ceux exposés à Rome en 1931 (qui ne sont connus que par des photos).


« Gerardo Dottori, I’incendie dans la ville, 1926, Pérouse, Museo Civico »
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Dottori se sert du langage formel de l’art mécanique pour I’incendie dans la ville.


« Gerardo Dottori, Aeri Lagghi, 1932, Coll. Part. »
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Dans un ouvrage de 1931 « le paysage et l’esthétique futuriste de la machine volante (macchina) », Marinetti décrit sa perception de 3 visions différentes du paysage selon l’altitude de l’avion. Il décrit la trajectoire en spirale qui lui permet d’atteindre une altitude d’environ 1 000 mètres, d’où sa vision du sol devient abstraite. Gerardo Dottori retranscrit cette description poétique dans Aeri Lagghi.


« Gerardo Dottori Volo su Paese ,1930, Pérouse, Coll. Part. »
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On retrouve cette vision dans Volo su Paese (Survol du pays). Des lignes en spirale sont générées par la silhouette d’un avion en vol et, en vue plongeante, le paysage apparaît aplati et les maisons renversées.

Enrico Prampolini
Enrico Prampolini


« Enrico Prampolini Danse de la Tarentelle, Rythme de l’espace1922, Narodowe Varsovie »
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Enrico Prampolini vit en France de 1925 à 1937. Il accueille les suggestions du purisme d’Amédée Ozenfant. Il en utilise les formalisations rigoureuses, plus qu’il ne s’inspire de l’art des machines : Danse de la Tarentelle, Rythme de l’espace.


« Enrico Prampolini Avec le scaphandrier des nuages,1930, Grenoble »
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Prampolini, l’autre représentant de la tendance spiritualiste de l’Aéropeinture construit une image symbolique de l’univers avec des signes et formes proches de l’abstraction. Dans « Avec le scaphandrier des nuages », la sphère bleutée symbolisant l’univers fait face à une synthèse d’humanité. Le tout est couvert par un gigantesque point d’interrogation.


« Enrico Prampolini maternité cosmique, 1930, Coll. Part. »
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Il affirme : « Je vois dans l’Aéropeinture les moyens de dépasser les frontières de la réalité plastique et de vivre les forces occultes de l’idéalisme cosmique ». Sa « maternité cosmique » suggère que l’espace céleste effleuré par l’avion est la véritable demeure de l’être humain. Il fait de l’Aéropeinture un instrument de connaissance de ces forces occultes rendu dans un langage allégorique, compris au moins par les autres artistes futuristes.


« Enrico Prampolini Apparizione Magica , 1931, MART Roveretto »
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Prampolini précise que les figures géométriques ne sont pas des espaces matériels, mais des états psychiques. [Il construit un nouvel espace spirituel, italien et fasciste]. Sa peinture exprime la victoire du spirituel sur la nature, dans le processus d’évolution inhérent à la révolution fasciste. « Apparizione Magica » représente la mutation d’un être mi-homme mi-singe, au cheveux crépus, aux lèvres charnues qui s’abreuve au sein de la terre nourricière. [C’est une étape dans le passage de l’homme primitif vers le stade suprême d’une humanité dominant la nature].

Nicolay Diulgheroff
Nicolay Diulgheroff (1901 1982)


« Nicolay Diulgheroff Autoportrait 1924. Coll. Part. »
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Nicolay Diulgheroff est né en Bulgarie en 1901. Après une formation à Vienne et à Dresde au début des années 1920, il s’inscrit au Bauhaus de Weimar. En 1926, il s’installe à Turin, où il passe le reste de sa vie. Il y meurt en 1982.


« Nicolay Diulgheroff l’homme rationnel, 1930, Coll. Part. »
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Avec « l’homme rationnel » Nicolay Diulgheroff, reste fidèle à l’Art mécanique, comme l’est le tableau « le due sorelle » déjà montré.


« Nicolay Diulgheroff Sans titre, 1931, Coll. Part. »
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Bien qu’il ne soit pas signataire du manifeste de l’Aéropeinture, il nous livre quelques toiles dans un style proche de celui de Fillia. C’est à cette époque qu’il réalise des affiches publicitaires et des céramiques. Ce qui me fait une excellente transition pour le chapitre suivant.

3.3 – Les arts décoratifs futuristes

Giacomo Balla et Fortunato Depero


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Giacomo Balla, déjà âgé de 45 ans et Fortunato Depero, réformé pour des raisons de santé, lancent en 1915 le manifeste pour la reconstruction futuriste de l’univers.
« Nous futuristes, Balla et Depero, nous voulons réaliser cette fusion totale afin de reconstruire l’univers en lui infusant la joie, c’est-à-dire en le recréant complètement ». L’esthétique futuriste s’étend alors à tous les domaines, pour une fusion totale des arts et de la vie. Les arts décoratifs futuristes vivent leur propre vie, indépendamment de la peinture, et surtout à l’abri des hautes instances qui décident qui a le droit aux expositions officielles et qui n’y a pas droit.


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Fortunato Depero expose à la première biennale des arts décoratifs, qui a lieu en 1923 à Monza ; elle est inaugurée par Mussolini en personne. Elle devient à partir de 1933 la triennale de Milan, qui existe encore aujourd’hui.


« Fortunato Depero Autoportrait futuriste, 1915 »
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Fortunato Depero entre en contact avec la scène futuriste romaine en 1913, quand il rencontre Giacomo Balla.


« Fortunato Depero Ballerine avec éventail, 1918, reconstituée en 1980, Casa de arte futurista Depero, Rovereto »
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Fortunato Depero conçoit décor et costumes pour le ballet de marionnettes, i balli plastici. Ces ballets rencontrent un certain succès. Voici une ballerine avec éventail créée en 1918 et reconstituée en 1980 ; la totalité des marionnettes a été perdue.


« Fortunato Depero Casa de Arte futurista Depero, modèle 1926 »
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Il fonde en 1919 à Rovereto la Casa d’Arte Futurista ou Casa del Mago, un atelier de confection textile, agence de publicité, d’architecture intérieure et de design. Il connait un certain succès. Lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels de Paris en 1925, Depero propose un intérieur entièrement futuriste, avec du mobilier, des jeux pour enfants, des vêtements et des tapisseries. Voici modèle créé en 1926 pour une table de salle à manger et des chaises..


« Fortunato Depero Gilet futuriste de Marinetti, 1923, Collection Ugo Nespolo »
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Son atelier textile produit le Gilet futuriste de Marinetti ; ce n’est pas un succès commercial.


« Fortunato Depero Esquisse pour une scène de ballet, 1930, MART Rovereto »
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Il conçoit des décors de théâtre. Pendant son séjour à New-York en 1929-1930, il réalise une scène mécanocinétique pour le ballet « New-York New Babel ».


« Giacomo Balla Reconstitution du decors de feu d’artifice « 
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Le peintre futuriste de la 1ère heure Giacomo Balla réalise dès 1915, l’année du manifeste pour la reconstruction futuriste de l’univers, des décors de théâtre pour un ballet de Diaghilev, « Feu d’Artifice » sur une musique de Stravinsky.


« Giacomo Balla Salle à manger présentée à la Casa d’arte futurista, 1918, Musée provincial de la province de Gorizia « 
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Dans la Casa d’arte futurista d’Anton Giulio Bragaglia, il présente en 1919 des meubles de couleur vive aux formes brutes. Il crée sa propre Casa d’Arte à Rome. Ces Casa d’Arte ont pour mission de propager l’esthétique d’avant-garde dans le monde quotidien. Il s’agit de former la sensibilité de la société moderne autrement que par l’activisme révolutionnaire de Marinetti.


« Giacomo Balla 1929, Museo de la Ceramica Gatti »
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Il conçoit des objets pour la maison, comme ce service à café réalisé en 1929.


« Giacomo Balla Casa Balla, 1929, Rome, via Oslavia. »
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Ces céramiques trouvent leur place dans une seconde maison qu’il a conçue et décorée pour en faire son habitation et son atelier.


« Giacomo Balla Gilet futuriste, 1924-1925, Fondazione Biagiotti Cigna »
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Les filles de Giacomo Balla cousaient et portaient des costumes dont les tissus ont été dessinés par leur père. Il a également dessiné un gilet futuriste.

A la différence des premiers signataires du manifeste, tous Milanais, Balla est moins porté sur la machine et plus l’art social.
En 1929, il cosigne le manifeste de l’Aéropeinture futuriste. Il effectue un voyage en avion au-dessus de Rome. Trop âgé, il ne peut aller au-delà. En 1930, il déclare : « J’ai la conviction que l’art pur se trouve dans le réalisme absolu, c’est pourquoi j’ai repris mon art de jadis. » Revenu à la peinture figurative, il produit jusqu’à sa mort un très grand nombre d’œuvres d’une authentique médiocrité (je cite Maïten Bouisset). Heureusement, il se consacre aussi aux arts appliqués.

Les céramistes


« Tullio d’Albisola, Pichet à décor futuriste, 1929-1930, Coll. Part. Milan »
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Tullio Mazzotti est surnommé Tullio d’Albisola par Marinetti, du nom de ce centre important de production céramiste en Ligurie où se trouve l’atelier fondé par Giuseppe Mazzotti, le père de Tullio. Il conçoit et réalise un pichet à décor futuriste. Les formes sont dynamiques, les effets chromatiques sont éclatants.


« Thayat, Tuta 1920, Pitti »
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Le Florentin Ernesto Michahelles, alias Thayaht s’est fait connaitre par le vêtement de travail « Tuta ». Il est à la fois peintre, sculpteur ; il réalise des dessins de mode sur des modèles de Madeleine Vionnet. [C’est lui qui a sculpté la « victoire de l’air », à la quadriennale de Rome en 1931].


« Ernesto Michahelles 1930, Coll. Part. »
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Il rejoint le futurisme en 1929, et réalise des meubles, comme cette lampe-table futuriste.


« Nicolay Diulgheroff Vase, manufacture Giuseppe Mazzoti, vers 1932, Gênes Palazzo Duca »
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Nicolay Diulgheroff utilise également les compétences de l’atelier de Giuseppe Mazzotti. Il obtient une pâte lourde et rugueuse pour façonner ce vase « déstructuré ».

4 – La naissance du design italien

4.1 – Milan
La bourgeoisie milanaise reste le principal client des arts appliqués élitistes. Son gout se partage entre des formes classicisantes et d’autres plus modernes.
Murano reste un lieu de d’inventivité.

Gio Ponti (1891-1979)
Gio Ponti (1891-1979)


« Gio Ponti, Promenade archéologique, 1923-1925, Museo Richard »
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Les biennales de Monza ne sont pas réservées aux futuristes, mais sont ouvertes à tous les artistes. Gio Ponti participe lui aussi à la 1ère biennale de 1923 et lance avec succès une mode néo-archéologique ; il réinvente un modèle archaïque comme l’urne pour former des vases décorés dans une relecture de la mythologie classique.


« Gio Ponti, Coupe Fabrizia, 1923, Museo Richard Gironi »
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Il expose également la coupe « Fabrizia » aux figures de femmes allongées jusqu’à la déformation.


« Exposition à Monza 1925 »
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Alors que se tient la 2ème biennale, l’Italie participe à l’exposition internationale des arts décoratifs, qui se tient à Paris d’avril à octobre 1925.


« Pavillon italien exposition internationale des arts décoratifs Paris 1925 »
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Le pavillon italien résume à lui seul l’ambigüité italienne, qui réutilise le passé de la Renaissance pour recréer des œuvres modernes, des textiles, de la verrerie, des céramiques.


« Gino Ponti Conversazione classica, 1923-1925, Museo Richard Gironi »
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Gio Ponti voit son succès confirmé à Paris, où il présente à nouveau Conversazione Classica.


« Chambre de dame, 1927, archives La Rinascente »
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Proche de Novecento dans le domaine du design Emilio Lancia et Gio Ponti réalisent à partir de 1927 pour les grands magasins La Rinascente, sous la marque Domus Nova, une série de meubles conçue pour rénover l’image et l’ameublement de la maison de la moyenne bourgeoisie : cette chambre de dames,


« Salle à manger, 1927, archives La Rinascente »
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et cette salle à manger.


« Gino Ponti Vers1930, Coll. Part. »
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La biennale de Monza avait révélé l’inexistence d’un mobilier italien « élégant ». Gio Ponti conçoit, toujours dans la tradition classique, du mobilier haut de gamme comme cette banquette qui reprend les formes d’un triclinium romain [et qu’il confie à l’ébéniste Angelo Magnoni; Chez Christies en 2021, estimation 80 000 €).


« Revue Domus 1936 »
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Sa revue Domus fait connaitre des artistes et des architectes de toutes tendances

Franco Albini (1905-1977)
Franco Albini est diplômé d’architecture de l’École polytechnique de Milan en 1929, il commence sa carrière professionnelle en travaillant pour Gio Ponti. Il se met à son compte en 1930


« Franco Albini Mobilier de salon, 1930, Galleria Michella Cattai »
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Franco Albini, designer et architecte, réalise en 1930 un mobilier de salon en ronce de noyer, bois teinté et incrustation d’os.


« Franco Albini Desserte avec tables gigognes, 1931-1932, Coll. Part. »
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Puis, il apporte un design moderne qui se mêle à l’artisanat traditionnel italien : Desserte avec tables gigognes pour la salle à manger de la maison de l’aviateur Ferrarin à Milan (1931-1932) en ébène de Macassar, bordures en argentan (un alliage de nickel, cuivre, zinc), poignées en ivoirine (poudre d’ivoire mêlée à une résine synthétique). Les matériaux précieux font partie de l’héritage néo-classique, tandis que l’adaptation de la forme à la fonction porte l’empreinte du rationalisme.
L’artiste fait rapidement évoluer son style, ce qui rend illusoire une classification des designers selon leur style.

4.2 – Le verre à Murano


« Vase Véronèse, vers 1923-1925, Coll. Part. »
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Les entrepreneur milanais, Paolo Venini et Cappellin fondent une verrerie à Murano en 1921. A la 1ère Biennale de Monza, ils exposent des verres soufflés très fins et sans décoration dans une ligne néoclassique assez pure ….


« Paolo Caliari dit Veronèse, Annonciation, 1578, Académie Venise »
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qui s’inspire des verreries représentées dans les tableaux vénitiens du XVIème siècle, dont le vase Véronèse.


« 1928, en vente publique « 
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Les fondateurs de la verrerie se séparent en 1925, Cappellin propose des vases transparents ou opaques au dessin accentué et décorés d’une géométrie épurée : vase au décor phénicien (en vente publique 112 500 $). En 1932, Cappellin cesse sa production. Paolo Venini devient, selon le mot de Gio Ponti, l’un des acteurs principaux de la « prodigieuse résurrection des arts appliqués italiens ».


« Amphore Pelugosa, vers 1925-1927, Fondazione Il Vittoriale degli Italiani »
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Paolo Venini confie la direction artistique de sa verrerie à Napoleone Martinuzzi, qui crée lui aussi des formes pures, d’inspiration classique, comme cette amphore «  Pelugosa » à 10 anses acquise par d’Annunzio. Il s’agit d’un verre très épais, le plus souvent vert, dans lequel ont génère de petites bulles par adjonction de pétrole ou de gaz carbonique.


« Vers 1930, Coll. Part. »
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Ercole Barovier poursuit l’entreprise familiale qui avait débuté pendant la période du style Liberty. Il est présent lui aussi à la triennale de Monza en 1930, avec des amphores ou des vase Primavera (1930) obtenus par adjonction de diverses substances, le hasard donnant un résultat non-reproductible.

5 – Conclusion

Vers la 2ème phase du Ventennio
Modernisme ou classicisme coexistent et se croisent plus qu’ils ne s’affrontent dans l’Italie du Ventennio, qui commence en 1922, année de la Marche sur Rome, et se termine en1943. J’ai choisi de couper la présentation en deux parties chronologiques afin d’avoir le temps d’aborder en parallèle plusieurs disciplines artistiques, les arts figuratifs avec la peinture, les arts appliqués (on disait à l’époque décoratifs) comme la céramique, le verre soufflé, l’ébénisterie, le textile, le fer forgé, le décor de théâtre et enfin l’architecture, qui sera le parent pauvre de cette première partie, pour des raisons liées à la situation politique et économique de l’Italie pendant ces années.

Gruppo 7
Sept architectes (Luigi Figini, Gino Pollini, Guido Frette, Sebastiano Larco Silva, Carlo Enrico Rava, Giuseppe Terragni et Ubaldo Castagnoli) décident de faire connaitre les idées du Mouvement Moderne en Italie (2). Ce collectif fondé à Milan en 1926 prend le nom de Gruppo 7. Ils reprennent certains des 5 points de Le Corbusier : le plan libre, la structure assurée par des piliers en béton armé, la fenêtre bandeau et la façade libre. Les architectes de Gruppo 7 participeront aux grands projets architecturaux que lance le régime fasciste solidement implanté dans la seconde phase de son histoire, donc dans la seconde partie de mon exposé.

La première exposition italienne d’architecture rationnelle se tient en 1928 à Rome sous l’impulsion d’Adalberto Libera, qui réalise l’affiche et de Gaetano Minnucci.


« Gruppo 7 »
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Gruppo 7 présente la maison expérimentale « Casa Electtrica » à la 4ème exposition internationale des arts décoratifs et industriels, qui se tient pour la dernière fois à Monza en 1930.


« Casa electtrica »
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Les débuts de Giuseppe Pagano


« Le Palazzo Gualino par les architectes Gino Levi-Montalcini et Giuseppe Pagano, 1928-1930, Turin »
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L’industriel turinois Riccardo Gualino avait confié le mobilier de sa maison à Felice Casaroti. Il confie la construction et l’ameublement de son immeuble de bureaux, le Palazzo Gualino aux les architectes Gino Levi-Montalcini et Giuseppe Pagano. Ils créent une œuvre austère qui se veut « anti-monumentale ». Ils utilisent le béton armé, alors matériau révolutionnaire. C’est un des premiers exemples de l’architecture rationnelle, qui aura un moment les faveurs de Mussolini.


« 1928, Centre Pompidou »
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Ces mêmes architectes créent 67 types de meubles, des modèles stéréométriques comme cette chaise en bois teinté. Ainsi se crée une solution intermédiaire entre le rationalisme relevant du Mouvement Moderne et le style du Novecento.


« Porte-objets Chichibio, 1930 »
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Ces mêmes architectes prennent connaissance des meubles en tubes cintrés réalisés par Marcel Breuer et conçoivent à leur tour un porte-objet, Chichibio, destiné à être produit en série.


« Revue Casabella « 
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Giuseppe Pagano dirige la revue Casabella, fondée en 1928. Avec Domus de Gio Ponti, également fondé en 1928, ils diffusent sans esprit de chapelle toutes les formes modernes. C’est d’ailleurs Domus qui a fait connaitre le « Palazzo Gualino ».

De la « construction du consensus » à l’expression impérialiste
Pendant la phase de consolidation, appelée « normalisation » ou « construction du consensus », qui précède sa tentative d’expansion impérialiste, le régime fasciste exerce un contrôle grandissant sur les arts figuratifs sans imposer un style officiel. Le climat politique est autoritaire, mais ouvert au modernisme. Les artistes gardent une grande liberté de création et divers styles se confrontent.


« Casa del Fascio, Giuseppe Terragni, 1932-1936 »
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Une fois son régime bien établi, le Duce va pouvoir se lancer dans des grands projets urbanistiques, et faire appel à des architectes talentueux qui sauront conjuguer avec plus ou moins de bonheur modernisme et classicisme. Les bâtiments de prestige seront décorés par les peintures murales ou de mosaïques, de véritables œuvres d’art, la plupart encore en place. Nous avons vu le projet pour une salle d’attente à l’aéroport d’Ostie. La concurrence entre Novecento et les futuristes va se poursuivre.


« Casa del Fascio, Côme , décoration abstraite de la salle de direction. 1936-1938 »
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A Milan , des galeries d’art exposent des recherches abstraites, Mario Radice obtient de décorer la Casa del Fascio à Côme. Avant que l’impérialisme du régime fasciste conduise l’Italie à la catastrophe, les arts appliqués profitent de la liberté qui leur est laissée pour semer les germes d’un brillant avenir.
De cela, il sera question dans la seconde partie de mon exposé.