La grille, structure emblématique de l’art moderne

Même ambiguïté chez Agnès Martin canadienne américaine


Agnès Martin – Drawing (1963)
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Drawing (1963), elle trace à la main un quadrillage à l’encre. On l’a souvent classée comme artiste minimaliste. Elle revendique au contraire d’être une expressionniste abstraite, car elle revendiquait une dimension spirituelle dans son travail. Elle disait que « le dépouillement extrême de son travail conduisait à contempler une idée de la perfection« .

Robert Ryman artiste minimaliste fait un travail qui interroge souvent les effets du blanc par rapport au non peint.
Il était également musicien et il disait que « la fréquentation de ses tableaux tend à procurer une émotion analogue à celle de l’écoute de Mozart« .

Dan Flavin artiste minimaliste qui a utilisé le néon.


Dan Flavin – sans titre (en l’honneur de Harold Joachim) 3 (1977)
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Dan Flavin a compris que le néon a la propriété de fasciner et de tenir à distance le spectateur.
Voir d’autres œuvres
Sans titre (à Donna) 5A
Sans titre (1974)

Rosalind Krauss historienne d’art a écrit en 1979 un essai intitulé « Grille » : « Etant donné le fossé qui s’est creusé entre le sacré et le profane l’artiste moderne devait évidemment faire face à la nécessité de choisir entre deux modes d’expression. Le curieux témoignage que nous offre la grille est que à ce moment là, l’artiste essaya d’opter pour les deux. Le pouvoir mythique de la grille tient à ce qu’elle nous persuade que nous sommes sur le terrain du matérialisme (parfois de la science, de la logique) alors qu’il nous fait en même temps pénétrer de plein pied dans le domaine de la croyance. »
Elle observe que si les modernes avaient adopté la grille, parce qu’elle était frontale, neutre, sans référence au passé, il y en avait néanmoins des prémices chez les symbolistes du XIXéme siècle.

La représentation de la fenêtre, chez les symbolistes du XIXème siècle, représente quelque chose de matériel par son châssis et à la fois quelque chose qui laisse passer la lumière de l’esprit.
C’est assez net chez Caspar David Friedrich avec les vues de l’atelier de l’artiste.

Ainsi que chez Odillon Redon


Odilon Redon – Le jour (1891) 44,8 x 31,6 cm
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Certains contemporains poursuivent cette tendance à charger la grille d’une dimension transcendante, c’est le cas notamment de :

Jean Pierre Raynaud qui a construit sa propre maison en 1969, entièrement carrelée de céramiques blanches (ce qui correspond à un besoin de pureté). Au cours des années, il l’a transformée en œuvre d’art. Elle devient même à partir des années 90 la pièce maîtresse de son œuvre.
En mars 1993, il prend la décision de détruire ce lieu de ressourcement où l’artiste puisait son inspiration dans une solitude complète.
La destruction de la maison est un acte amoureux, comme une rupture amoureuse.


Jean Pierre Raynaud – Destruction de sa maison (1993) CAPC Bordeaux
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Présentation en grille des seaux chirurgicaux contenant les déchets de sa maison.

Gilbert & George, ne se privent pas de multiplier les allusions à la religion.
Voir Life (1984) Ils sont empilés comme des anges en train de chanter un cantique.

Piste n°2 La grille utilisée comme quadrillage pour organiser le réel

Lorsque Alberti écrit De pictura en 1435, il explique que l’on commence par un grillage pour construire une image en perspective.

Durer a également rédigé une méthode italienne pour dessiner (1435).

Tous les dessins des artistes de la Renaissance comportent ce réseau quadrillé pour mettre en place le dessin.


Léonard de Vinci – Etude pour l’adoration des mages (1481)
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Léonard de Vinci étude pour l’adoration des mages.

Piero del Pollaiuolo – L’annonciation (1470) Pinacothèque de Berlin (une sorte d’hymne à à la grille).

Robert Campin sainte Véronique. Le voile de Véronique, peut être interprété soit comme obéissant aux recommandations de Durer, soit le linge qui garde la trace des plis.


Paul Cézanne – Montagne Sainte Victoire (1905)
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Montagne st Victoire (1905). Cézanne cherchait à faire de l’impressionniste « quelque chose de solide » et il s’efforçait de voir dans le paysage des structures géométriques organisées de manière quasi orthogonale. Il influencera directement le cubisme à ses débuts.

Picasso le réservoir à Horta paysage structuré

Juan Gris guitare sur table (1913) la grille est préalable, il insère ensuite le motif dans cette grille.

D’autres artistes ont utilisé la grille comme une trame dans laquelle le réel, le paysage, la ville viennent s’insérer.

Chez Paul Klee approche presque musicale, poétique, du monde.


Paul Klee – Coupoles rouges et blanches (1914) 24 x 36 cm
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Après un voyage en Tunisie il a été frappé par la simplicité géométrique des maisons et des coupoles.

Voir également :
Clair de lune (1919).
Simbad le marin (1923)
Pendant les années 1920 Klee est enseignant au Bauhaus et la géométrie y est très présente.

Pour Kandinsky étude au Bauhaus grille mouvante qui flotte dans l’espace.

– Josef Albers quadrillage en tessons de verre (1921). Hommage au carré

Pour Gropius, l’architecte du Bauhaus, la grille très présente dans la conception de ses bâtiments.

Pour les artistes contemporains, utilisation de l’anamorphose Georges Rousse Selesta 1999, la grille frontale est opposée à un espace réel.

Piste n°3 la grille comme structure sérielle
Pour présenter des séries, il est en effet plus facile d’utiliser une grille.


Joseph Cornell – Nouveaux contes de fées (1948)
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Joseph Cornell nouveaux contes de fées (1948) grille comme étagère d’une armoire. Voir un commentaire.

Jasper Johns, pour rompre avec l’expressioniste abstrait, il produit numbers, série de chiffres organisées en grille (les chiffres sont neutres, universels et sans affect).

De la même manière, A. Warhol présente ses boites de soupes Campbells, disposées sur une grille.

L’artiste minimaliste, Sol LeWitt est fasciné par le carré et il l’utilise comme module dans de nombreuses installations.


Sol LeWitt – Serial project serie 1 (1966)
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Pierre Buraglio gauloises (1978) paquets de cigarettes collés.

Maha Malluh, réalise en 2013 Food for Thought composé de 2 400 cassettes audio, organisées en grille, qui dictent le comportement des femmes dans le monde musulman. Ces cassettes sont classées en fonction des mots récurrents.

Ce dernier exemple est intéressant, car il montre comment on est passé de l’art pour l’art à l’art pour parler de notre époque.

Piste n°4 la grille comme motif textile

A l’époque des Nabis plusieurs peintures ont montré des motifs qui ne suivaient pas le modelé du personnage.

E. Vuillard Mère et sœur de l’artiste (1896). La sœur de l’artiste est représentée complètement à plat.

Matisse, petit fils de tisserands était un collectionneur de tissus.


Henri Matisse – La pose hindou (1923) 83 x 60 cm
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La pose hindou. Quadrillage sur le siège Il veut à la fois montrer des éléments encore modelés (le vase) et il veut en même temps frontaliser sa peinture. Le motif géométrique du tissu l’aide à affirmer cette frontalité.

Voir également :
Femme à la voilette (1927)
Robe bleue dans un fauteuil (1937), quadrillage sur le fond, il utilise la grille pour structurer l’ensemble de lignes courbes.
Grand nu couché (1935) raideur de la grille et utilisation du corps tout en courbes.