La grille, structure emblématique de l’art moderne

La grille, structure emblématique de l’art moderne

Victor Vasarely, Piste n°1 : La grille, une abstraction entre matérialisme et transcendance, un quadrillage qui inclut la forme du damier au Mühely

Cours d’Agnès Ghenassia

Le mot grille définit un quadrillage qui inclue la forme du damier et en même temps structure le motif.

Victor Vasarely (1906 – 1997) Né à Pécs en Hongrie en 1906, il a été formé au Muhëly, connu comme étant l’école du Bauhaus de Budapest. En 1930, il quitte la Hongrie pour Paris, où il tra­vaille comme graphiste dans de gran­des agen­ces publicitaires, menant parallèlement ses recher­ches sur les arts gra­phi­ques et plas­ti­ques – les dévia­tions de lignes, les jeux d’ombre et de lumière et sur­tout la pers­pec­tive, des choix que l’on observe dans Zèbres (1938), Échiquier (1935).


Victor Vasarely – Fille fleur (1934)
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Robe avec des motifs mouvants qui contrastent avec la stabilité des motifs du fond.
Voir d’autres fille- fleur :
Fille-fleur (1939)
Fille-fleur (1932 / 1945)
En 1947, Il abandonne son métier de graphiste et se lie avec la galerie Denise René qui commence à l’exposer. Il a renoncé à toute trace de figuration au profit de recherches cinétiques. Il en vient à la conclusion qu’il est possible de provoquer des sensations par des moyens géométriques véhiculant de nouvelles idées sur l’espace, la matière et l’énergie.

Dans la série des échiquiers Biadan 1959


Victor Vasarely – Biadan (1959)
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Ce sont les déformations d’une grille blanche sur fond noir qui créent des effets tantôt convexes tantôt concaves.

Dans la série Vegaviv


Victor Vasarely – Vegaviv II (1955)
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Voir également :
Vega III

Toutes ces séries sont réalisées entre 1955 et 1957 à la règle et au compas de manière artisanale.

Tout change en en 1960 lorsqu’il veut se débarrasser de cet aspect artisanal et de la notion d’oeuvre unique.
Avec son folklore planétaire, composé de carrés et de cercles très colorés, il dessine ce qu’il appelle son alphabet plastique avec ces six couleurs de base dont chacune est traitée avec quinze nuances.

Il a imprimé des feuilles de chaque nuance, dans lesquelles avec un emporte pièce il découpe des formes. Ces pièces sont ensuite collées selon un schéma qu’il a défini et qu’il appelle un prototype départ.
Cette procédure de travail est tellement nouvelle qu’il la fait breveter. Il va ensuite confier à des assistants la réalisation de ses œuvres.

En 1964, il réalise des effets de mouvance, de vibration, de profondeur.


Victor Vasarely – Quasar (1955)
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Quasar
voir également :
Quasar-Es (1970).
Série Arny


Victor Vasarely – Arny
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Voir article sur les relations entre l’art de Vasarely et la musique.
Arny (1967 – 1968) Collage sur contreplaqué 252 x 252 cm Centre Pompidou.
Jeux de vibration, effets de profondeur.

Voir l’Op Art (optical art)

Il donne une signification idéologique à ce jeu de construction. Il écrit ceci : « L’unité est à la fois physique et métaphysique, c’est la compréhension de la structure, matérielle, mathématique de l’univers tout comme sa superstructure spirituelle« .
Voir Vaserely, une histoire par Serge Lemoine.

Voir d’autres œuvres de Victor Vasarely.


Visite de l’exsposition Vasarely au centre Pompidou

Etude sur l’histoire de la grille chez les artistes.

Piste n°1 : La grille une abstraction entre matérialisme et transcendance

C’est une aventure liée aux avants gardes du XXéme siècle qui commencent avec Malévitch qui présente pour la première fois des œuvres totalement abstraites lors de l’exposition 0.10 à Pétrograd. Il devance la Révolution en élaborant un monde neuf qui ne doit rien au passé.


Exposition 0.10 à Pétrograd Salle Malevitch (1915)
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Expo 0.10 Petrograd Mallevitch 1915.
Le zéro du 0.10 voulait signifier qu’après la destruction de l’ancien monde de l’art, débuterait un nouveau cycle. Le dix voulait signifier qu’il y avait une dizaine d’artistes à l’exposition, ou qu’il voulait ouvrir, selon un angle de 10°, une histoire de l’art remise à plat, à zéro.

Ambiguïté dans l’oeuvre de Malevitch. Il installe son carré noir en haut à gauche, endroit de l’icône dans les maisons traditionnelles russes. Le carré noir deviendra l’icône du XXème siècle. On retrouve très souvent la forme d’une croix dans ses abstractions.

On retrouve également de l’ambiguité chez Mondrian.

Il peint en 1908 des toiles influencées par le fauvisme.


Piet Mondrian – L’arbre rouge (1908) 70 x 99 cm Musée municipal de La Haye
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Mondrian l’arbre rouge 1908. Voir un commentaire sur les arbres de Mondrian.


Piet Mondrian – Cathédrale à Dombourg (1909) 114 x 75 cm Musée municipal de La Haye
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Cathédrale à Dombourg en 1909.
En 1909 il adhére à la société théosophique, il décide alors de pratiquer la peinture comme un acte de dévotion, une ascèse, qui permet de contempler l’être supérieur. En 1911 à Paris, il découvre le cubisme. Influencé par le cubisme, il procède par renoncements successifs.


Piet Mondrian – Arbre gris (1911) 78,50 × 107,5 cm Musée municipal de La Haye
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Il met l’accent sur les structures le balancement des branches.
Voir également

Pommier en fleur (1912) une géométrie se dessine en forme de croix.
Eglise à Dombourg facade traitée en noir et blanc avec des structures orthogonales.
En 1914 changement de titre plus d’allusion au réel.

Composition II (1914) on sent des palpitations de nuances.


Piet Mondrian – Composition (1919) 86 x 106 cm
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En 1919, tout est devenu plus rigoureux, plus de référence au réel ni à la sensibilité.
Composition dans le damier, quelque chose de neutre et d’universel. Il est en relation avec Theo Van Doesburg architecte aux compositions très épurées.

A partir de 1920, sa peinture est un jeu de déséquilibre et de rééquilibrage, voir composition 3 (1929).

L’idée était de s’évader de la peinture de chevalet. La grille invite à prolonger par le regard le tableau dans son environnement architectural, avec une mission spirituelle.

Pour Hubert Damisch, critique d’art, « La mission que Mondrian assignait à ses peintures, était d’inscrire dans la mémoire visuelle un schèma d’organisation de l’espace, qui fonctionnerait ensuite comme une grille capable d’être reportée sur le monde, pour le codifier« . On est à la fois dans l’architecture le concret, et dans la métaphysique au delà du monde matériel.

Dans sa maison atelier il a prolongé ses toiles sur le mur.


Portrait de Piet Mondrian – A. Newman (1940)
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Sa main sur un chevalet vide exprime cette idée.

Avec New York city (1942), il est inspiré par le jeu des néons sur les façades.

Les peintres américains du mouvement du color field avaient tous des préoccupations matérielles et en même temps des ambitions spirituelles.
Le plus spectaculaire d’entre eux est sans doute Ad Reihardt. Il réalise des monochromes noirs à la fin de sa carrière.
Voir Ultimate painting n°6 (1960). Ces monochromes sont destinés à de longues contemplations. On aperçoit progressivement plusieurs zones avec des variations de nuances. Il a pourtant écrit que la peinture ne devait être que de la peinture ni du symbole ni du récit ni de la politique.